Depuis plusieurs mois partout en France, des policiers manifestent leur colère contre le projet de réforme porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux. Ce texte prévoit de placer tous les services de police sous l’autorité d’un seul directeur départemental de la police nationale (DDPN), dépendant du préfet. Un système copié sur la gendarmerie.
« Masquer le manque d’effectifs »
Magistrats, avocats… la réforme est telle que les policiers reçoivent le soutien de nombreuses organisations professionnelles extérieures. « Ce regroupement de services c’est d’abord un moyen de masquer le manque d’effectifs et de moyens dans la police », explique Christophe Plantis, secrétaire général du syndicat CFTC Impact et officier de police judiciaire à Abbeville. « Au niveau du petit et moyen judiciaire ça se matérialise par une accumulation de dossiers, c’est pareil pour la Police Judiciaire mais leur travail demande tellement de technicité, qu’on peut comprendre qu’ils ne veulent pas s’embarrasser avec le reste. C’est pourtant ce qui risque d’arriver. »
Dans la pratique, la réforme annoncée fonctionne déjà selon Christophe Plantis. « Ce qui gêne les collègues de la PJ c’est que le Préfet ou sous-préfet sont avant-tout concentrés sur le maintien de l’ordre public. Or si sur un secteur naît un sentiment d’insécurité, avec cette réforme ils pourraient demander à la police judiciaire de gérer des dossiers qui ralentiraient ou bloqueraient des affaires importantes. […] Pour le petit et moyen judiciaire, prendre une plainte c’est déjà compliqué avec le manque d’effectif actuel. »
Vient aussi la considération de la police judiciaire dans cette réforme. « Nous sommes fier de ce service, il n’y a pas de jalousie à avoir, ils travaillent sur des énormes dossiers, leurs formations et leur niveau sont au-dessus, je comprends que les magistrats les défendent car ils veulent des enquêtes solides. »
Une entrée en vigueur prévue en 2023
Le récent limogeage d’Eric Arella patron respecté de la PJ de Marseille et de 21 départements du Sud de la France, n’a fait qu’augmenter les tensions au sein des forces de l’ordre. Il y a deux semaines, c’est le conseil supérieur de la magistrature qui pour la première fois s’exprimait publiquement sur un projet de réforme. Pour le CSM, l’indépendance de la justice doit être préservées par des garanties : « La direction et le contrôle de la police judiciaire par les magistrats, directeurs d’enquête constitutionnellement garants des libertés, le libre choix du service d’enquête par les magistrats du parquet et les juges d’instruction, la définition et la mise en œuvre des politiques pénales sur les territoires par les procureurs généraux et les procureurs de la République, le respect du secret de l’enquête et de l’instruction. » Une pression de plus pour Gérald Darmanin. La mise en place de cette réforme devrait entrée en vigueur au deuxième semestre 2023.
La rédaction