C’est un rassemblement intergénérationnel incarné par plusieurs personnes devenues au fil du temps et de leurs actions les figures de la défense de l’environnement : ils s’appellent Tanguy Grandmougin, Bastien Fournier, Manon Silvant, Jean-Marc Bertacchi ou encore Gérard Mamet. Ce samedi 22 mars autour d’eux, environ 800 personnes ont répondu à l’appel lancé sur les réseaux sociaux après un nouvel épisode de mortalité piscicole dévastateur en janvier. Un cri du cœur des pêcheurs et amoureux de la nature, soutenu par des participants de toute la région et plus loin encore. « Il y a des gens de Corrèze ! » annonce Jean-Marc Bertacchi au micro. La filière Comté, les eaux usées et polluées en provenance du plateau de Pontarlier par le sol karstique sont jugées responsables des épizooties de saprolégniose. « Très peu de choses ont été revues dans le cahier des charges du comté […] il faut aller vers un autre modèleet désintensifier », souligne Gérard Mamet, membre de l’association SOS Loue et Rivières comtoises.

Annie Genevard ciblée

Place Courbet, l’inaction politique et la lenteur des pouvoirs publics, quinze ans après « l’enterrement de la Loue » pour les mêmes raisons, sont aussi jugées responsables. Des dizaines de pancartes mises à disposition sont brandies par les manifestants. Annie Genevard, ex-députée de la 5e circonscription du Doubs aujourd’hui ministre de l’Agriculture, n’est pas épargnée (lire le billet d’humeur en pages locales de l’édition Grand Besançon, ndlr). « Annie, tes rivières sont à l’agonie, agis ! » peut-on lire, ou encore « l’eau croupie de nos rivières finit dans nos verres ».

« Nous ne pêchons pas, nous sommes simplement préoccupés pour nos enfants. L’eau est aussi polluée que traitée, les jeunes ne connaissent même plus le véritable goût de l’eau. Hélas nos politiciens réagissent toujours en fonction du critère financier et non celui de l’humain », confie Isabelle, venue avec Roland son conjoint depuis l’Isle-sur-le-Doubs. « Annie Genevard, ses propos sur l’agriculture, l’écologie, on a du mal à les accepter. Elle connaît le territoire, le milieu géologique ».

« Le con à la fin, c’est le consommateur »

Dans la foule, chaque groupe de participants y va de son constat, de sa proposition. D’autres se remémorent une partie de l’histoire d’Ornans, comme Laurent. À l’aide de sa canne, ce pêcheur en exercice depuis 1969 brandit sa pancarte rappelant qu’une Maison nationale de l’eau et de la pêche existait il y a encore quelques années. « Un musée c’est un lieu de sensibilisation. Il était super, il permet d’apprendre au plus grand nombre. » Lui était déjà là, il y a quinze ans. « Avec un squelette de poisson accroché », se souvient le participant. « La situation s’est aggravée. L’eau est polluée, c’est général. Pour la dépolluer le coût du m3 à la maison va exploser. On laisse faire la pollution, on donne des subventions aux pollueurs et le dernier des cons, c’est le consommateur. »

Depuis la Place Courbet, le mouvement remonte jusqu’au cimetière d’Ornans. En tête de cortège, une truite en bois, symbole des épisodes réguliers de mortalité piscicole. Hasard du calendrier, cette mobilisation coïncide avec le retour du tableau La Truite du célèbre peintre d’Ornans, exposé au musée Courbet jusqu’au 19 octobre 2025. Cette mobilisation a déjà une suite avec les multiples procédures portées par l’association nationale de protection des eaux et rivières, Anper-Tos, notamment sur le « faux-bon état écologique » des rivières, comme la Loue. Jean-Marc Bertacchi compte bien maintenir la pression pour « faire bouger les choses » dorénavant. « Tous ceux qui remuent la merde des rivières pour savoir ce qu’il y a dedans, savent maintenant que ce n’est pas pour rien. »