Effondrement rue de Vesoul : encore un mois d’attente pour circuler à nouveau ?

Plus qu’un état de la vulnérabilité du sous-sol bisontin, la conférence organisée par la mairie de Besançon le 15 mars à la MSHE, était une leçon de géologie donnée de main de maître par le Cabinet Reilé, pour qui les cavités souterraines n’ont « presque » plus de secrets.

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Anne Vignot Maire de Besançon, Pascal Reilé hydrogéologue et Pascal Millard Directeur de l'urbanisme à Grand Besançon Métropole au cours de la conférence du 15 mars 2024 à la MSHE de Besançon ©YQ

« Vulnérabilité territoriale ». Il n’y avait pas plus explicite pour définir les enjeux autour du sol bisontin et plus largement franc-comtois, parsemés de cavités et dolines provoquées par le karst, cette structure géomorphologique résultant de l’érosion hydrochimique des calcaires. Des « trous » formés sur des millions d’années, sous nos pieds. Des connaissances élémentaires pour l’hydrogéologue Pascal Reilé qui en collaboration avec Pascal Millard et la Ville de Besançon donnaient une conférence sur l’évolution de la situation rue de Vesoul. Si la présentation avait de quoi déconcerter les néophytes, les spécialistes ont parfaitement développé une analyse complète des événements passés et le déroulement du chantier à venir.

Une traçabilité difficile

À l’intérieur de l’effondrement survenu le 25 février, une cavité se développant sur 17 mètres, allant jusqu’à 14 mètres de profondeur pour certaines failles détectées par les experts lors de la topographie. En découvrant également une cheminée remontante creusée dans la terra rossa, cette argile de décalcification qui compose notre sol régional, Pascal Reilé avait anticipé un possible deuxième effondrement, dans la continuité du premier, en direction de la rue de Chaillot. L’hydrogéologue et d’autres spéléologues ont identifié des grottes, gouffres et dolines sur l’ensemble de l’agglomération. « On en dénombre 1090 sur Besançon et 7000 sur Grand Besançon à ce stade » a commenté l’hydrogéologue. Rue de Vesoul, les spéléologues ont injecté de la fluorescéine pour comprendre le parcours de l’eau souterraine. 48 heures et 68 heures plus tard, le produit rejaillissait des sources de la Mouillère près de la Tour de la Pelote et la source de Billecul près du pont Saint-Pierre. Une confirmation des suppositions du cabinet Reilé. Ce ruisseau, si petit, a un vaste bassin versant de 40 km² qui s’étend depuis la forêt de Chailluz et la commune de Thise. Il fait l’objet d’études lancées par Grand Besançon Métropole depuis 2022 pour le restaurer.

« Il faut être vigilant »

La Ville de Besançon travaille depuis des années, dans le cadre du PLU, pour clairement identifier les phénomènes karstiques. Le même travail est en cours d’élaboration au niveau de l’agglomération dans le cadre du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) en s’appuyant sur le travail des spéléologues. Par chance, le secteur est doté en nombre de ces professionnels. Une carte de vulnérabilité est élaborée pour imposer des prescriptions adaptées à chaque parcelle, en particulier en matière de permis de construire ou dans l’aménagement des infrastructures. Les choix du passé de certaines entreprises sont pour le moins questionnables aujourd’hui. Pendant des années, de nombreuses entreprises par ignorance, méconnaissance ou autre raison, ont comblé des dizaines de gouffres à l’aide de béton, bloquant toute circulation de l’eau et de la matière. Ce fut le cas pour le centre hospitalier Jean Minjoz construit sur une dizaine de cavités ou plus récemment sous certains bâtiments comme le Pôle Viotte.

Ne pas refaire les erreurs du passé

La construction de l’immeuble « le Président » à la fin des années 60 avait été sujette à polémique, sur les anciens terrains de la brasserie Gangloff. Il avait fallu forer 198 puits pour asseoir l’immeuble sur un terrain instable. Il est aussi situé à proximité immédiate du ruisseau de la Mouillère. « Nous avons reçu plein d’appels pour couler du béton et boucher rapidement le trou », confie un acteur du dossier. « On ne va pas faire la même erreur, ces systèmes naturels sont actifs et fonctionnels. En bouchant les trous, les écoulements sont bloqués, une charge est créée et l’eau va trouver une autre sortie, inévitablement. » Ne pas perturber l’équilibre formé depuis plusieurs milliers d’années, en somme.

Si le département du Doubs, en charge de la gestion du dossier, n’était pas représenté à la conférence du 15 mars, les spécialistes sont tous en étroite collaboration pour établir un diagnostic complet du sous-sol. Après le dégagement de la deuxième cavité, une seconde rampe devrait permettre à Orange de tracter les nombreux câbles essentiels au fonctionnement de Besançon : pour rappel l’effondrement n’avait pas endommagé le réseau sans quoi 80% de la Ville aurait été coupée, dont des services vitaux (Hôpitaux, Gendarmerie, Pompiers, etc.). « Dans l’immédiat tout ce que l’on a fait a été concluant. Aucun bien ni humain n’a été impacté. Si on avait foré par exemple, la foreuse serait tombée. Le Département réagit très bien », souligne le cabinet Reilé.

Hypothétique cavité, hypothétique piste cyclable

Reste à éclaircir un autre point : une partie de la cavité pourrait bien se développer sous la station-service. « C’est une autre temporalité, entre temps nous aurons remis en ordre la circulation. », confie un spécialiste en charge du dossier. « Il faut compter encore un mois d’attente, environ. » De quoi laisser le temps à la présidente du Département Christine Bouquin et la maire de la Ville Anne Vignot de s’accorder ou non sur un éventuel projet de piste cyclable, rue de Vesoul. La première a clairement recalé l’idée émise par la seconde.

Yves Quemeneur