Invité de la semaine. José Gomes, président de l’Adapei du Doubs

Alors que se déroule du 7 au 13 avril l’opération Brioches, José Gomes rappelle l’importance de ce rendez-vous pour l’association qu’il préside. Financièrement mais aussi humainement, pour parler des combats nombreux que doit encore mener l’Adapei au quotidien avec un slogan qui lui tient à cœur : "ne faites rien pour nous sans nous".

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José Gomes, président de l’Adapei du Doubs

Quel est aujourd’hui le rôle de l’Adapei ?

Beaucoup n’ont pas compris le changement qu’il y a eu ces dernières années. Pour bien comprendre, il faut remonter à 2013, année de la fusion entre les sept ADAPEI dans le département du Doubs à Baume les Dames, Besançon, Maîche, Montbéliard, Morteau, Ornans et Pontarlier. Dès lors, l’Adapei du Doubs rassemblait 67 établissements, 3600 personnes accompagnées, près de 2000 salariés et un important patrimoine immobilier notamment. Une réflexion a donc été menée pour se professionnaliser et différencier la partie gestion, de la vie associative et du militantisme. Depuis mars 2022, la Fondation Pluriel prend en charge toute la partie gestion des établissements, le patrimoine et le personnel. L’Adapei du Doubs continue son chemin avec de nouveaux statuts et est devenue une association militante. Adapei signifiait auparavant Association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés. Elle est devenue Association départementale de personnes handicapées intellectuelles leurs parents et amis, signe d’une importante évolution.

Comment se traduit ce nouveau positionnement ?

Avec l’Adapei, nous sommes revenus aux fondamentaux, c’est-à-dire accompagner les personnes handicapées et leurs familles dans la défense de leurs droits et revendiquer l’accessibilité à tout pour tous. Nous finançons aussi des actions dans les établissements de la Fondation Pluriel comme des séances d’équithérapie, de musique, de jeux… On organise également des sorties et des loisirs, on améliore les équipements en créant une salle de pause ou en finançant des tablettes, etc.

Tout ces projets avec quel moyens ?

L’Adapei n’a que deux sources de revenus. Les adhésions à l’association et l’opération Brioches. Cette année elle se déroule dans tout le département du 7 au 13 avril. C’est un rendez-vous essentiel avec une recette annuelle de 350 000 € en moyenne. C’est aussi l’occasion de rencontrer la population, de parler du handicap intellectuel et d’informer sur ce qui est fait localement. Nous échangeons une brioche contre un don. Nous remettons aussi un document retraçant la façon dont la section locale utilise l’argent issu de cette opération.

Vous évoquiez le militantisme de l’Adapei. Comment se traduit-il ?

Nous sommes des lanceurs d’alerte quand des situations nous semblent inacceptables. Par exemple le cas des 200 enfants qui dans le Doubs resteront sans solution soit de scolarisation ou d’accompagnement dans un établissement médico-social adapté à leurs besoins à la prochaine rentrée. C’est un plaidoyer pour que l’Education Nationale dispose de moyens supplémentaires pour les accueillir. Pour cela, il faut pouvoir recruter des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et ne pas seulement parler inclusion, mais agir.

Prenez l’exemple du groupe scolaire La Franche Montagne à Maîche. C’est un cas unique en France, un exemple. Dès la conception, il a été prévu que le DAME, dispositif d’accompagnement médicoéducatif, serait à l’intérieur même de cette école.

La situation est-elle plus facile pour les adultes ?

On manque aussi de places dans les foyers ou encore en accueil de jour. L’amendement Creton permet aux jeunes accueillis dans des établissements et services médico-sociaux pour enfants handicapés d’y demeurer au-delà de l’âge limite, 18 ou 20 ans généralement, dans l’attente d’une place dans un autre établissement adapté pour adultes. Cela engorge le système et empêche des jeunes d’y entrer, faute de places libérées ! Autre problème, les ESAT, établissements ou services d’aide par le travail, vont être affiliés à France Travail. La Maison Départementale du Handicap MDPH reconnait le handicap RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé), puis oriente vers le milieu de travail protégé ou le milieu ordinaire. La crainte est de voir des adultes laissés sur le côté s’ils ne sont pas assez productifs dans le milieu protégé. Nous restons très vigilants sur ces évolutions.

Vous parlez de dégradation de la situation. Comment l’expliquez-vous ?

C’est un manque de volonté politique. L’accompagnement des personnes handicapées intellectuelles n’est pas pris en compte dans sa globalité mais traité par bribes. On parle tantôt d’autisme avec des moyens importants, car la prise en charge est lourde. On met en avant des personnes trisomiques et c’est très bien. On oublie toutefois le handicap psychique qui pose problème aujourd’hui. On a un grand souci sur l’accompagnement adapté, mais il faut aussi penser au vieillissement des personnes handicapées. L’autodétermination est quant à elle dans tous les discours, parfait, mais avec quels moyens peuvent vivre les personnes handicapées ? L’AAH ne suffit pas. Il est grand temps pour les pouvoirs publics de mettre autour d’une table ceux qui au quotidien sont confrontés à toutes ces situations, personnes handicapées, parents et professionnels, et d’envisager des solutions globales et à tous les âges.