Le volontariat est-il en danger dans le département ?
On compte aujourd’hui 3100 sapeurs-pompiers dans le département du Doubs dont 2600 sont des volontaires, donc des personnes engagées en dehors de leur travail, sur leur temps libre. La durée d’engagement moyenne est de 11 ans. Nous perdons notamment beaucoup de jeunes, venus nous rejoindre très tôt, mais qui lorsqu’ils s’s’installent dans la vie en prenant un travail ou en fondant une famille, déménagent ou ont moins de temps à consacrer aux sapeurs-pompiers. C’est aussi le cas quand une femme attend un enfant, son engagement est mis entre parenthèses. Aujourd’hui, départs et arrivées s’équilibrent chaque année mais l’idéal serait d’augmenter nos effectifs d’environ 10%.
Ce modèle de sécurité civile à la française est-il menacé ?
Une directive européenne qui évoque la protection des travailleurs nous inquiète en effet. L’application généralisée de ce texte aux sapeurs-pompiers obligerait les volontaires à observer des temps de repos entre leur travail et leur engagement, donc à limiter leur disponibilité. C’est tout notre modèle de sécurité civile qui serait en péril. La Fédération Nationale des Sapeurs-pompiers de France milite pour qu’une autre directive reconnaisse l’engagement citoyen.
Est-il toujours aussi difficile de trouver des volontaires ?
Avant, la vocation était importante et même centrale. Les gens qui devenaient pompiers avaient cette envie très ancrée en eux malgré les contraintes que cela peut représenter. Aujourd’hui, on ressent les conséquences du changement lié à la crise sanitaire. Les gens se sont beaucoup recentrés sur eux-mêmes, privilégiant famille et loisirs, se rendant moins disponibles pour la vie associative par exemple mais aussi pour les pompiers.
Comment vous adaptez-vous ?
On essaie de faciliter le recrutement. Les tests sportifs par exemple sont moins exigeants et surtout nous avons mis en place l’engagement différencié. Ce dispositif permet à une personne qui veut nous rejoindre juste pour conduire un camion de le faire. Idem pour quelqu’un qui n’est intéressé que par le secours à personnes. La peur du feu ou du sang, le vertige par exemple ne sont donc plus des freins pour certains qui peuvent adapter leur choix. Et cela permet aussi de nous rejoindre sans avoir à suivre la totalité du cursus de formation.
Le temps d’engagement est en effet un frein souvent évoqué…
Il faut en effet 240 heures pour former complètement un volontaire apte à remplir toutes les missions qui sont les nôtres. Un temps conséquent que l’on peut toutefois répartir sur trois années. Et encore une fois, en faisant par exemple le choix de ne s’engager que pour le secourisme, ce qui représente 87% de nos interventions, la formation n’est que de 80 heures. Donc c’est tout à fait gérable. Cette formation comme le volontariat ensuite sont facilement compatibles avec vie de famille et vie professionnelle.
Qui peut aujourd’hui devenir sapeur-pompier volontaire ?
Monsieur et madame tout le monde. C’est vrai que des personnes qui ont entre 30 et 45 ans par exemple seront plus stables car elles sont en général déjà installées dans la vie, tant sur un plan personnel que professionnel. Donc elles sont potentiellement là pour plus longtemps.
Les sections de Jeunes Sapeurs-Pompiers restent-elles importantes pour le recrutement ?
Ils sont aujourd’hui dans le Doubs environ 400 adolescents répartis dans 19 sections. Ces jeunes sont en effet très nombreux à poursuivre leur engagement en devenant SPV dans leurs centres après une formation de 3 à 4 années qu’ils ont entamée dès l’âge de 12 ans pour certains. C’est une véritable école de civisme qui leur inculque nos valeurs et renforce leur vocation précoce et leur implication par la suite. Nous sommes donc très présents dans les écoles, les collèges et les associations sportives pour leur faire découvrir notre univers et les inciter à nous rejoindre.
Vous sentez-vous assez reconnus ?
Beaucoup de propositions et projets existent, par exemple une incitation fiscale, une bonification pour la retraite. C’est certain que nous avons toujours besoin de reconnaissance que nous trouvons avant tout dans la satisfaction de monter en compétences, de grader et d’évoluer humainement. C’est avant tout une question de vocation et d’envie d’aider. Mais ces incitations seraient évidemment les bienvenues pour convaincre d’autres personnes de nous rejoindre ou fidéliser les autres.
Les pompiers sont de plus en plus pris pour cibles. Votre avis ?
La violence, on la constate aujourd’hui contre les agents de l’Etat, les maires, les représentants des services publics, donc nous n’y échappons pas. On porte un uniforme et nous représentons pour certains les autorités d’où des caillassages ou insultes. Mais notre mission nous permet de passer outre ces quelques cas et nous nous adaptons en mettant en place des process nouveaux ou du matériel si besoin.
Quel message souhaitez-vous passer à nos lecteurs ?
Rendez-vous dans un centre proche de chez vous, rencontrez le chef de centre et les volontaires afin de discuter de leur engagement, assistez à des manœuvres… et pesez bien le pour et le contre, les avantages et les contraintes afin de savoir si oui ou non pour votre cas personnel un engagement est possible !