Municipales 2026. Les petites communes vont-elles tenir ?

Votée début avril, une loi transformant le scrutin municipal des communes de moins de 1000 habitants continue de diviser le monde rural. Fini le scrutin uninominal à deux tours, ces communes doivent désormais passer en un système proportionnel à liste, avec parité obligatoire. Un groupe de sénateurs, mené par le Doubien Jean-François Longeot, a saisi le Conseil constitutionnel pour faire annuler la réforme.

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écharpe de maire

Le lundi 7 avril, l’Assemblée nationale a adopté une loi réformant le mode de scrutin municipal des communes de moins de 1000 habitants, à un an des prochaines élections. Concrètement, ces villages doivent suivre le même processus électoral que le reste des communes françaises : un scrutin proportionnel de liste avec parité obligatoire. Fini donc le scrutin uninominal à deux tours, avec cette possibilité de “panachage” c’est-à-dire de rayer un nom sur une liste électorale. Delphine Lingemann, député Modem du Puy-de-Dôme et rapporteure de la proposition de loi, est fière de porter ce texte de parité. Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 37,6% des conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants (contre 48,5% dans celles de plus de 1 000 habitants).

Vers des communes sans exécutif ?

Mais cette réforme continue de diviser plusieurs semaines après son adoption. « Je n’ai pas voté cette proposition de loi », fulmine Laurent Croizier, appartenant au même groupe que la rapporteure du texte. Le député de la 1ère circonscription du Doubs « [croit] en la parité et se mobilise pour qu’elle devienne une réalité. Pourtant, je ne pense pas que cette loi garantisse la vitalité démocratique. Je crains même l’inverse ». Après avoir consulté les maires de sa circonscription, Laurent Croizier l’affirme : « Ils sont contre le scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants. Ils me disent combien il est difficile de trouver des candidats et des candidates pour constituer une équipe souvent incomplète ».

Patrick Genre, président de l’association des maires du Doubs, confirme que « c’est une réforme qui est loin de faire l’unanimité. Deux éléments sont quasiment unanimement partagés : réduire le nombre de conseillers par rapport à la difficulté d’en trouver ; le fait d’avoir un scrutin de liste est plutôt favorablement accueilli même si pour certains ça complique la chose, ça peut amener de la stabilité dans les exécutifs communaux. En revanche, ce qui fait beaucoup débats, c’est l’obligation de la parité. La crainte qu’ont beaucoup d’élus est la difficulté à constituer des listes paritaires ». Patrick Genre craint « que ces nouvelles obligations fassent qu’on ait encore moins de personnes pour se présenter. J’espère me tromper. On a jamais eu autant de démissions que pendant ce mandat. On craint qu’il y ait des communes sans personne volontaire. Il ne faudrait pas qu’on se serve de cet élément là pour “imposer” des fusions ou des rapprochements. Beaucoup de personnes demandaient, si cette réforme devait passer, qu’elle ne s’applique pas pour ces élections mais au moins pour 2032, afin de laisser le temps à tout le monde de s’y préparer »

Une saisine transpartisane auprès du Conseil constitutionnel

Un groupe de sénateurs, mené par le Doubien Jean-François Longeot, (Union centriste), a déposé une saisine devant le Conseil constitutionnel pour faire annuler cette loi. L’ancien maire d’Ornans ne décolère pas. À chacun de ses déplacements sur le territoire national, il est sollicité par les maires « qui me demandaient de faire quelque chose » et souligne « l’inconstitutionnalité de la loi adoptée dans des circonstances irrégulières ». Dans une saisine de 31 pages, plusieurs irrégularités de fond et de forme sont avancées, telles que « l’absence de clarté et de sincérité des débats parlementaires résultant de l’adoption de la loi organique, d’autant plus que celle-ci a été votée en 1ère lecture au Sénat par 164 suffrages pour l’adoption et 160 suffrages contre ». Pour le sénateur, « je suis favorable à agir pour la parité inscrite dans la constitution. Nous devons prendre en compte la spécificité des communes rurales, tant du point de vue de la parité ou des règles contraignantes de listes bloquées ».

Parmi les signataires de tête, outre Jean-François Longeot (Union Centriste), on note Mathieu Darnaud (Président du groupe les Républicains au Sénat), Cécile Cukiermann (Présidente du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste), Dominique Estrosi-Sassone (Présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat).

« Des parlementaires s’insurgent mais c’est ensemble qu’ils ont voté ça »

Chez les premiers concernés, « favoriser la parité, ça nous semble essentiel, même si pour certaines petites communes cela pourrait être contraignant. Cette loi a été demandée par les associations des maires, il y a tout de même une sorte de consensus chez nous », précise Didier Aubry, vice-président de l’Association des Maires Ruraux du Doubs avant de rappeler : « Il y a des parlementaires de notre département qui s’insurgent contre cette loi-là, sauf que c’est ensemble qu’ils ont voté ça ».

Des points ont cependant fait débat au sein des maires ruraux, notamment la question du panachage. « Le fait de ne plus pouvoir rayer des noms peut peut-être entraîner de l’abstention, c’est un risque ». Une vision partagée par Patrick Genre, qui nuance tout de même : « Il pouvait parfois y avoir une instabilité dans l’exécutif, avec le panachage, des noms pas forcément prévus pouvaient sortir. Avec des listes, on saura à peu près qui sera le ou la responsable de l’exécutif ».

« Comme toutes les lois, il y a des choses positives et d’autres qui sont contraignantes. La question est : qu’est-ce qui est le plus important ? Moi je pense que c’est la parité et c’est une bonne chose », conclut Didier Aubry.

Yves Quemeneur, Hippolyte Sanseigne, Cassandra Tempesta