La RSE mode éthique ou nouvelle logique économique

A l’invitation du MEDEF Bourgogne Franche-Comté et de l’Agence Régionale de la Biodiversité, un colloque-débat s’est déroulé à Dijon le 7 juillet sur la Responsabilité Sociale des Entreprises.

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"On verdit son image d'entreprise" (Sylvie Gillet - Association Orée)
« Le Covid nous rappelle notre fragilité »

Sylvie Gillet, Directrice du développement et de la biodiversité chez Orée, au terme d’un long plaidoyer sur l’avenir des entreprises engagées dans l’environnement, voulait « définir la raison d’être d’une entreprise ». Pendant 45 minutes, la docteur en Sciences Politiques, responsable pendant 8 ans de la stratégie RSE chez Michelin, a tenté de convaincre les chefs d’entreprises de la région qu’ils doivent « tester des approches opérationnelles différentes pour intégrer la RSE dans tous leurs métiers ».  A aucun moment de la soirée, le terme de profit n’a été prononcé si ce n’est pour le dénigrer : « le profit à court terme a vécu ».

« Il n’y a plus d’insectes sur le pare-brise des voitures »

Le ton de la soirée était donné par Stéphane Woynaroski, le Président de l’Agence Régionale de la Biodiversité. Après une longue litanie sur la disparition des insectes pollinisateurs dans les champs de cassis bourguignons et le rappel du « 7ème continent, ce continent de plastique de 1,6 million km² dans le Pacifique », la moutarde est monté au nez de nombreux chefs d’entreprises lorsque il a évoqué la pénurie de graines de moutarde du fait de la guerre en Ukraine (l’Ukraine et la Russie sont respectivement le 3ème et 2ème producteur mondiaux) et du « dôme de chaleur » qui a décimé les plants de moutarde au Canada en 2021 (le Canada est le premier producteur mondial). Stéphane Woynaroski  a conjugué l’importance de relocaliser la culture des graines de moutarde en France avec la fin de l’artificialisation des sols. On n’était pas loin de la décroissance verte !

« On fait de la RSE sans le savoir »

Catherine Guerniou cheffe de file RSE à la Fédération Nationale du Bâtiment reprend à son compte Monsieur Jourdain dans « Le Bourgeois Gentilhomme ». Dirigeante d’entreprise, elle « cause de ce qu’elle connaît ». Ce n’est pas une nouveauté dans les PME et les TPE : « les salariés constituent la valeur ajoutée des entreprises. Nous faisons preuve au quotidien de créativité, d’agilité ». Pour Catherine Guerniou « les enjeux de la transition énergétique et écologique se gagnent  avec des circuits courts et un fort ancrage territorial ». Sur ce dernier point, elle se retrouve avec les propos de Sylvie Gillet…le bon sens en plus !

La RSE se cache où on ne l’attend pas

Le débat donnait ensuite la parole à un secteur d’activité qui a démontré son aspect indispensable pendant la crise sanitaire. Alors que le pays était confiné, les transporteurs routiers de marchandises ont poursuivi leur mission quotidienne d’approvisionnement des entreprises et des  particuliers. Rodolphe Lanz, secrétaire général de la FNTR nationale a un franc-parler derrière le sourire. « Le transport routier de marchandises n’est responsable que de 6% des émissions de gaz à effet de serre (GES) et assure 82% de toutes les marchandises transportées ». Comme dans le bâtiment, les entreprises de transport routier de marchandises n’ont pas attendu qu’on leur demande d’être responsables pour l’être au quotidien.

La démarche RSE du transport routier est ambitieuse. Elle se heurte à l’inventivité des administrations et autres cabinets de conseil. Ce sont des reportings et des panoplies de critères qui définissent la stratégie « climat » des entreprises. La FNTR a donc élaboré sa propre grille de notation adaptée au secteur du transport et de la logistique.

L’évaluation doit permettre de labelliser les entreprises et de faire reconnaître leurs performances extra financières auprès de leurs « parties prenantes » (le langage de Sylvie Gillet…dans le temps, on parlait de fournisseurs, de clients, de banquiers ou d’administrations !)

Les acteurs économiques, financiers et institutionnels prennent en compte désormais l’impact environnemental et sociétal des entreprises. Mais comme l’a souligné Elisabeth Grenin, la nouvelle présidente du Medef Bourgogne Franche-Comté  « Il n’y a pas d’entreprise prospère dans un océan de misère ». Le souci du bien-être des salariés, la prise en compte des impacts environnementaux sont des constantes dans les PME. La patronne du Medef, cheffe d’une entreprise de transports routiers de la Nièvre rappelle aussi que la responsabilité sociale et environnementale incombe aux consommateurs « la petite bouteille d’eau livrée en vélo par un livreur Deliveroo a un coût écologique dont le client final est aussi responsable ».

Le témoignage de Christine Challe de Mobilians (Ex CNPA) était particulièrement instructif. Les métiers de l’automobile sont en profonde mutation et la filière des garagistes va être très impactée.

« L’électrique, l’électrique et on saute comme un cabri »…pour paraphraser le Général de Gaulle. De quelle mobilité va-t-on parler demain ? Quelles formations, quels investissements seront nécessaires au garagiste de Foncine-le-Haut, d’Arc-sous-cicon ou de Prémery pour entretenir les véhicules du futur ?

Alors oui, ce débat était éclairant sur le changement de société que nous prédisent les apôtres de l’écologie. Il reste une question de taille qui n’a pas été évoquée.

Une entreprise a des responsabilités sociales et environnementales, tout le monde en convient et la grande majorité des chefs d’entreprises les prennent depuis des années. Mais l’objectif d’une entreprise n’est pas d’être vertueuse prioritairement. Son objectif est d’être rentable, profitable ; c’est le profit qui permet l’amélioration des conditions de travail. C’est le profit qui permet les investissements. C’est le profit qui permet la solidarité…Et le profit existe par la qualité des produits ou des services. Rappeler ces fondamentaux n’auraient pas été de trop dans l’enceinte de l’organisation patronale !

Yves Quemeneur