Une conversation à bâtons rompus avec celle qui a endossé le costume malgré deux premières années de mandat…pour le moins…tumultueuses et une année 2023 faite de multiples incertitudes.
Madame Vignot, pouvez-vous me citer trois « erreurs » que vous assumez en 2022 ?
« J’ai sous-évalué la portée des réseaux sociaux dans la diffusion des fake-news. Cela remonte au mois de décembre 2021 et la polémique autour de « Fantastique décembre ». La machine médiatique s’est emballée très rapidement et j’ai manqué alors d’une capacité d’évaluation de la situation, considérant que le bon sens l’emporterait (ces festivités de Noël avaient été décidées par l’OCAB sous l’ancienne mandature NDLR). Si la situation était différente, j’ai aussi probablement tardé à réagir après l’emballement médiatique autour de la rénovation de la statue de Victor Hugo.
Tous les aménagements sur la voie publique doivent faire l’objet d’une évaluation en amont sur leur interprétation polémique dont les oppositions s’emparent avec gourmandise. C’est une leçon pour moi. Certains diront naïveté, je dirais fraîcheur » !
« La seconde « erreur » concerne le pilotage de la gouvernance de Grand Besançon Métropole. Les conseils communautaires devenaient des tribunes politiques loin des attentes des Grands Bisontins. J’ai tardé à supprimer l’expression des propos liminaires par les différents groupes politiques. C’est désormais chose faite. Concernant Grand Besançon Métropole, j’ai demandé aux élus de l’exécutif et particulièrement à Gabriel Baulieu de trouver une autre appellation aux « communes périphériques ». C’est à la fois désobligeant pour les 67 communes autour de Besançon et ça ne répond pas à la notion de territoire auquel je suis très attachée ».
« Le troisième échec est d’avoir mal estimée le retard culturel vis-à-vis de la démocratie participative. J’ai pensé que le seul fait d’en parler permettrait aux habitants de s’approprier les projets d’aménagement et d’urbanisme. Il ne suffit pas de déposer des flyers dans les boites aux lettres ».
Madame la Maire, vous êtes également fière de certains dossiers portés en 2022
« Oui, je mettrais en premier la réussite dans le débat sur la forêt. Le sujet était sensible et j’ai réussi à mettre autour d’une même table des acteurs de la nature qui ne se parlaient pas. Ils ont échangé, confronté leurs points de vue et finalement trouvé un consensus proactif. La couverture forestière de Besançon est un atout essentiel de l’attractivité de la Ville ».
« En matière d’urbanisme, j’ai dû batailler ferme sur deux dossiers complexes. D’abord trouver une solution pérenne pour le site de Saint Jacques après le retrait de Vinci. La Ville s’est impliquée fortement dans ce dossier auprès du CHU et de Territoire 25 en tant qu’aménageur public. Le dossier est juridiquement quasiment bouclé et le projet « revu » bien engagé ».
« J’ai agi également avec énergie auprès de l’ANRU pour renégocier les conditions d’aménagement du site Brulard-Grette-Polygone. Initialement, le site ne pouvait être réaménagé, à la suite de la déconstruction des 408, avant 2030. J’ai obtenu une dérogation qui nous permet dès à présent de consulter les habitants sur un nouveau projet d’urbanisme qui devrait voir le jour en 2026 ».
A mi-mandat, Anne Vignot a évoqué d’autres sujets qui seront au cœur des prochaines municipales. Certaines et certains sont déjà dans les starting-blocks. La Maire le répète « Je me projette au-delà de 2026. Les crises sanitaires, économiques et énergétiques ont décalé les projets de rénovation des écoles par exemple. Il nous faudra deux ou trois mandats pour rénover l’ensemble des écoles de Besançon. Cela reste pour moi une priorité. Les enfants sont notre avenir ».
Pensez-vous qu’il faille modifier la charte de gouvernance de Grand Besançon ?
« J’ai réuni une conférence des maires pour mettre à plat certaines divergences. Je compte poursuivre en 2023 plus de concertations avec les maires du territoire et participer aux réunions de secteur ». Pour la Présidente de Grand Besançon Métropole « la charte de gouvernance est fragile. Pour autant, faut-il la remettre en question ? Je ne le pense pas. Besançon représente quand même 60% de la population du territoire ». Anne Vignot est consciente que le sujet sera au cœur des prochaines municipales et n’est pas dupe des ambitions « communautaires » de certains élus.
Certains vous reprochent de ne pas vous intéresser au sport !
La Maire s’irrite de ce mauvais procès. Il y avait une flamme dans ses yeux en évoquant les milliers de spectateurs des récents matches de basket au Palais des Sports. Anne Vignot rappelle les investissements engagés dans la réhabilitation des gymnases de la Ville et dans l’attention à accompagner toutes les formes d’activité sportive.
« Nous avions pris du retard dans la gestion des ressources humaines »
Un premier pas a été engagé dans la dé précarisation des emplois périscolaires (proposition de CDD à temps partiel jusqu’à 3 ans). « Il reste encore trop d’emplois précaires au sein de notre collectivité. Je m’emploie à les réduire. Les organisations syndicales sont impatientes mais nous avançons ».
Développement économique ou décroissance ?
Anne Vignot est franche « ma réflexion sur l’économie n’était pas spontanée ». La société bouge et les process industriels et les règlementations doivent bouger.
Si elle est partisane du ZAN (Zéro Artificialisation Nette), elle comprend qu’une usine n’est pas sur pilotis en donnant toutefois l’exemple des parkings d’entreprises. « Est-il toujours opportun de fixer un nombre minimum de places de parkings dans la construction d’une usine ? » La Maire entretient de bons rapports avec le monde de l’entreprise. Elle souhaite réinstaller les chaînes de valeur sur le territoire et trouver avec les entrepreneurs une meilleure prise en compte des nouveaux modèles économiques. « La prise en compte des enjeux environnementaux est maintenant partagée par de nombreux entrepreneurs. Dans le même temps, les salariés veulent donner du sens à leur travail ».
L’humeur d’Yves Quemeneur
Idéologue et pragmatique
Nul ne peut contester son engagement militant. Elle en a fait sa marque ! Elle fait parfois des choix d’idéologie comme celui de privilégier une audience au tribunal correctionnel plutôt que d’être présente au CHU (dont elle est présidente du conseil de surveillance) pour la cérémonie des vœux d’un centre hospitalier à la pointe des progrès techniques.
Pragmatique, elle le devient. Présidente du Pôle métropolitain Centre Franche-Comté, elle a bataillé ces derniers jours avec le ministre des transports pour garantir la fin du contournement de Besançon, l’amélioration du cadencement sur la ligne des Horlogers ou vendre l’intérêt de sortir la Franche-Comté de l’isolement en réactivant la ligne TGV Mulhouse – Besançon – Roissy Charles de Gaulle – Lille.
Pragmatique aussi quand elle ne ménage pas sa peine pour rencontrer industriels et investisseurs et vendre l’excellence du tissu industriel et de recherche et la qualité de vie du territoire. « On ne connaît pas assez la Franche-Comté à l’extérieur de la région, je vais m’employer à rendre l’attractivité que notre territoire mérite ».
Propos recueillis par Yves Quemeneur