Cette année encore, nous avons tous ressenti les conséquences du dérèglement climatique. Et parmi ceux à en souffrir aussi, certains arbres présents dans nos forêts occupent une place d’exception.
Sécheresses et canicules
Maîtresse de conférences à l’Université de Franche-Comté, Carole Begeot fait partie de l’Observatoire des forêts comtoises. L’un de ses objectifs, avec des collègues des laboratoires Chrono-environnement, ThéMA et FEMTO-ST, est de suivre le dépérissement des arbres. Six placettes représentant l’hétérogénéité des massifs forestiers en Franche-Comté ont ainsi été installées.
« On a fait un suivi cet été qui nous montre que des arbres sont dépérissants, accusant notamment un déficit foliaire (manque de feuilles) », dévoile-t-elle.
Pour Jean-Luc Felder, responsable du service forêt à l’agence de Besançon de l’Office national des forêts (ONF), « le phénomène est dû à plusieurs facteurs combinés. Le premier, ce sont les sécheresses et les canicules répétées. On a eu un petit répit en 2021 avec une répartition de la pluviométrie un peu plus favorable, mais avec 2022 et 2023, on a de nouveau connu des pics de sécheresse, de stress hydrique et de canicule avec des températures très supérieures à la moyenne habituelle. Certains insectes ravageurs profitent alors de la faiblesse des arbres. »
Des scolytes observés en altitude
Les scolytes ne sont plus seulement présents sur les premiers et seconds plateaux ! En juin dernier, des attaques de ces insectes xylophages ont par exemple été observées dans le Haut-Jura par Carole Begeot et son groupe d’étudiants. La Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) Bourgogne-Franche-Comté parle même dans un article mis en ligne sur son site internet en août 2023 de « rebond de l’épidémie de scolytes. »
Dans un communiqué de presse publié le 26 octobre 2023, le syndicat Fransylva s’en inquiète. « Alors que l’insecte ravageur s’attaque désormais aux épicéas en altitude et aux sapins pectinés, Fransylva appelle le gouvernement à prendre des mesures urgentes et ciblées », alerte-t-il, tout en demandant par exemple « un soutien financier pour abattre et évacuer les arbres touchés. »
« Depuis 2018, on est en mode dégradé et on n’en voit pas la fin, parce que sans cesse, les conditions météo sont favorables au développement de cet insecte », argumente de son côté Jean-Luc Felder. La situation est inédite. Le changement climatique perturbe considérablement les écosystèmes.
Chênes, hêtres, frênes, érables : quel avenir ?
Comme si la situation n’était pas suffisamment inquiétante, des champignons pathogènes apparaissent également sur des feuillus.
Des dépérissements de chênes ont été remarqués dans le massif de Chaux. Les hêtres ne sont pas en reste non plus. « Le frêne et l’érable sont aussi touchés par des maladies », confie Carole Begeot. La situation est donc très préoccupante !
Une récolte subie
Une situation subie qui engendre forcément une récolte subie. « Actuellement, en forêt publique, quasiment 75% des prélèvements (sapins, épicéas) sont faits sur des bois qui sont dépérissants ou secs », lance Jean-Luc Felder. Il ajoute ; « On essaie d’exploiter tous les arbres dépérissants ou secs, de façon à les valoriser le mieux possible pour qu’il y ait le moins possible de pertes financières. »
Sans surprise, les réalités environnementales ont des conséquences économiques.
Tester plusieurs pistes…
Un plan de relance mis en place par l’État, pour notamment replanter les parcelles sinistrées, existe. Pour faire face aux changements, des opérations prioritairement de régénérations naturelles sont menées. Il est aussi possible de replanter des essences locales en les faisant descendre ou monter d’un niveau altitudinal. En dernier recours, des essences plus exotiques peuvent être importées, par parcimonie, comme des cèdres de l’Atlas ou des pins maritimes. Les essences choisies doivent être adaptées pour résister aux sécheresses, aux canicules et aux froids hivernaux, tout en produisant du bois de qualité.
« L’un des dangers est quand même de replanter la forêt avec des essences exotiques dont on a de grosses incertitudes quant à leur capacité à se développer dans notre région. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire du tout. Il faut tester plusieurs pistes », estime Carole Begeot.
« On proscrit totalement les essences qui ont un aspect invasif », complète le responsable de l’ONF, avant de développer ; « on travaille à la fois sur des analyses de vulnérabilité des peuplements, sur le sol, dans un contexte que l’on imagine (+3/4°C), avec une répartition de la pluviométrie qui va évoluer et on essaie d’identifier des essences dans des contextes qui sont un petit peu similaires. » Une tâche difficile !
Les végétaux ont une capacité d’adaptation, mais face à un dérèglement climatique aussi rapide, beaucoup d’interrogations subsistent.