Une exposition qui remonte le temps jusqu’en 1867
Le Comptoir Lipmann est installé au 14 Grande Rue à Besançon. A l’époque, Besançon compte 10 000 horlogers. 400 ateliers occupent les étages en hauteur des immeubles de Battant et de la Boucle.
En 1902, Ernest Lipmann décide de créer une manufacture de montres, fabriquant l’intégralité des garde-temps (mouvements et boitiers). Pour assurer son développement, il créée et dépose la marque « Lip ». L’entreprise s’installe dans le quartier de la Mouillère, rue des Chalets. Ses ateliers sont adaptés aux méthodes de fabrication les plus modernes.
Dès 1945, Fred Lip prend les rênes de l’entreprise et va en faire la manufacture la plus moderne d’Europe après la construction de l’usine de Palente. Une usine idéale imaginée par un entrepreneur visionnaire !
Sous l’autorité (ou l’autoritarisme de Fred Lip) la manufacture se dote de laboratoires de recherche qui vont conduire l’entreprise à développer la première montre électrique au monde. Lip est également réputée pour la qualité et la précision de ses montres.
1300 salariés Lip en 1973
L’usine ultramoderne de Palente inaugurée en 1962 produisait 600 000 montres par an. A la fin des années 60, 10 millions de Français possédaient une montre Lip. La marque était la 8ème entreprise horlogère mondiale.
Lip fut également la première entreprise à jouer sur l’image de marque et la publicité. L’exposition du Musée du Temps fait référence à la collection « Dauphine » en référence à l’iconique voiture Renault. Lip devient chronométreur officiel des JO de Grenoble et développe la « Nautic-ski » la première montre étanche commercialisée.
Mythe ou légende
Le conflit de 1973 est construit sur le mythe autogestionnaire post soixante-huitard. A Besançon, « on fabrique, on vend, on se paye » et dans le Larzac, des « chevelus » élèvent des chèvres. Le mythe ne survit pas à la réalité !
L’épopée bisontine aura fait connaître Besançon au-delà des frontières. Ce récit épique des « Paroissiens de Palente » publié en 1974 par Maurice Clavel, détournera durablement les investisseurs industriels de Besançon et marquera le déclin économique et social de la capitale comtoise.
Fred Lip a également écrit la légende de Lip. Le patron « fantasque et excentrique » décrit par la presse de l’époque, se met en scène, valorise à outrance son entreprise. Lyrique, il commandera deux grandes fresques dont on peut voir les restes dans l’exposition, dont l’une du peintre bisontin Roland Gaudillière.
N’est-ce pas le propre d’un capitaine d’industrie visionnaire d’être aussi un peu fou !
Une exposition plutôt équilibrée
Certains regretteront l’usage intempestif de l’écriture inclusive dans le catalogue de l’exposition. Si une large part de l’exposition retrace le conflit social de 1973, elle fait aussi référence à l’histoire industrielle et humaine de la marque qui, tel le phœnix, renaît de ses cendres 50 ans après l’utopie sociale qui a mené à la déroute. Le récit légendaire « on fabrique, on vend, on se paye » a enfin oublié les fournisseurs et partenaires de Lip qui ont, pour certains, disparu dans la tourmente sans qu’aucune « lutte sociale » ne leur vienne en aide !
Une exposition à ne pas manquer au Musée du Temps. Elle illustre la qualité des femmes et des hommes qui ont construit l’histoire horlogère de Besançon depuis Laurent Mégevand. Cette histoire peut aujourd’hui se redévelopper autour de l’infiniment petit de la mécanique et du médical…à condition d’oublier les mythes et légendes qui retardent l’essor de Besançon et de la Franche-Comté.