Je vous disais tantôt qu’une expression peut changer de sens comme d’autres changent de parti politique ou même de genre ou parfois prennent tout simplement l’autoroute à contre sens.
Mais les mots aussi quand ils s’usent changent parfois de sens.
Ainsi, si je dis « nos dirigeants politiques sont formidables ». Vous les imaginez aussitôt faisant grand cas des souhaits de leurs électeurs ou bien encore aidant leur conjoint à faire la vaisselle. Comme vous êtes modernes ! C’est le sens actuel mais ce mot à ses débuts, en 1392, avait un tout autre sens. Du latin formidabilis, il décrivait celui qui inspire la crainte, la terreur. D’ailleurs formido était l’épouvantail.
D’autres mots ont connu les même caprices. Si vous dites : « faut-il qu’il soit stupide pour nous asséner semaine après semaine ses rubriques à la mords-moi les genoux », sachez qu’un individu « stupide » n’a pas toujours été bête comme ses pieds. Aujourd’hui un comtois stupide -ce qui est de plus en plus rare depuis l’enrichissement en iode de notre pitance- est souvent un niolu, un beuzenet, un iodot. Voire un babeu ou une nouillotte. Et dans les cas extrêmes -sans citer des noms- un connot. Il n’en a pas toujours été ainsi. Le stupide originel, issu du latin stupidus en 1377 était seulement ahuri et comme paralysé par une émotion très vive. C’était le bon temps et il est dommage qu’il ait mal tourné et qu’il soit devenu sous Rabelais, en 1552, un être dépourvu d’intelligence. Surtout quand on sait comme l’intelligence peut parfois rendre service.
Débile a subi le même outrage du temps. Il désignait vers 1265 un estropié, un infirme. Puis l’on est passé de celui à qui il manquait tout ou partie d’un membre à celui à qui il manquait une case.
Par le Docteur Gérard Bouvier