Haut-Doubs. Station de Métabief : se renouveler ou disparaître

Après l’annonce surprise de suspendre l’activité sur le secteur Piquemiette, le flou règne concernant l’avenir de la station de Métabief. La colère gronde du côté de Jougne tandis que l’intercommunalité comme le Département tentent de rationaliser un modèle économique déficitaire.

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Ce mardi 17 septembre à Jougne, Aimé Sandona, propriétaire de la boutique historique de locations de skis salue comme à son habitude, les salariés de la station. En face de sa boutique, le télésiège de Piquemiette est soumis à des tests de fonctionnement. Tout paraît presque normal pour un secteur habitué aux saisons de ski alpin. Cette année pourtant, les remontées mécaniques de Piquemiette ne fonctionneront pas. La pratique du ski est suspendue.

Une décision surprise annoncée il y a deux semaines par le Syndicat mixte du Mont d’Or (SMMO) propriétaire de la station et piloté par le Département du Doubs. Un coup de tonnerre pour les skieurs, habitants et commerçants du secteur. Personne ne comprend. « Ça fait dix ans que cette station communique sur la fin du ski alpin avec une transition douce et des acteurs économiques concernés. On est à trois mois du début de la saison et d’un seul coup, tout s’arrête, sans prévenir personne. C’est dégueulasse », commente Aimé Sandona, installé depuis 2011 après avoir repris la boutique familiale née en 1972. « Ils ont réinvesti de l’argent il y a six ans sur des canons à neige et aujourd’hui ils expliquent qu’ils n’ont plus les moyens de les faire tourner. Ça n’a pas de sens » ajoute Jérôme Tyrode, gérant du Chalet des Pisteurs juché au-dessus du télésiège de Piquemiette.

Un audit rendu public le 30 septembre

Un choix radical du Département qui coïncide avec l’arrivée tardive d’un audit commandé il y a trois ans, sur le modèle économique de la station. « On était déjà en recherches d’économies en janvier dernier, avant d’avoir le retour de cet audit, car on savait que le résultat de la saison hivernale l’an passé était très mauvais. » commente Philippe Alpy vice-président au département et surtout président du SMMO. « On arrivait à des économies de bouts de chandelles, alors que sur les deux dernières années, le Département a dû remettre 4 millions d’euros pour compenser les pertes. On a cramé l’équivalent d’un gymnase tout neuf. Quelle collectivité peut se permettre de continuer à travailler comme ça ? L’arrivée de cet audit a confirmé les difficultés et mis en lumière d’autres problèmes, à commencer par les statuts du syndicat. Bien sûr, on aurait aimé qu’il tombe en avril pour annoncer plus tôt cette suspension. »

D’après cette étude départementale, Piquemiette fait partie des points économiques faibles de la station, avec un coût de fonctionnement trop lourd par rapport aux retombées. Le secteur représente 30% de la zone skiable et compte cinq remontées mécaniques, dont trois télésièges vétustes. Lundi 16 septembre, Philippe Alpy et son équipe ont débattu pendant près de trois heures face à 150 personnes en colère. « Tout est décidé sur la base d’un audit que personne ne peut consulter, c’est inadmissible ! », s’offusque Michel Morel, maire de Jougne. Le document en question sera rendu public le 30 septembre. En attendant, les élus de Jougne se sont réunis ce jeudi 19 septembre au sein d’un conseil municipal exceptionnel pour discuter des possibles recours juridiques.

L’autre annonce faite lundi soir aux acteurs locaux concerne l’activité sur Super Longevilles. Dès cet hiver, le secteur ne sera ouvert que les week-ends et pendant les vacances scolaires. « C’est plus simple de mettre en place ce système sur cette partie car ça ne concerne que deux téléskis. Ça génère très facilement de l’argent. Alors que le « stop and go » à Piquemiette, c’est-à-dire ouvrir et fermer en fonction de la neige, est impossible, le coût est beaucoup trop important avec les télésièges. », poursuit Philippe Alpy.

Une participation citoyenne pour sauver le modèle économique ?

De ce débat et cette difficile nouvelle à accepter reste une réalité économique, celle d’un syndicat qui doit se renouveler pour maintenir en vie la station, été comme hiver. Son président ouvre désormais la voie à toutes les pistes d’évolution. « On a fait une SIC pour sauver le FC Sochaux-Montbéliard, peut-être que demain notre territoire en mutation devra également passer par une participation citoyenne pour la station. Aujourd’hui, dans l’urgence, on retient la proposition la plus solide pour garantir la continuité de l’activité du SMMO. On en est là. », analyse Philippe Alpy. Faire appel aux acteurs qui profitent des retombées de la station pour prendre part au coût de fonctionnement, afin de créer un nouvel équilibre économique viable. Quant à l’idée d’un important investisseur privé, tous les acteurs locaux s’accordent sur un point résumé par un élu proche du dossier : « personne ne viendra sans pouvoir acheter le foncier. Un gros investisseur va vouloir faire ce qu’il veut sans trop de problèmes ».

Après ce coup de tonnerre, la vie à Piquemiette doit malgré tout reprendre. Une réflexion autour d’un espace naturel sensible (ENS) potentiellement créé au niveau de la Grange des Pauvres est en cours. Du côté des commerçants, Aimé Sandona reste ouvert « par respect pour ma clientèle, même si je sais que beaucoup viendront prendre du matériel pour aller skier ailleurs. Les pratiquants de Piquemiette ne vont pas aller se garer à Métabief où tout est déjà saturé. » La nouvelle est trop fraîche pour Jérôme Tyrode, qui ne sait pas encore si, oui ou non, son chalet pourra fonctionner cet hiver. L’affaire devrait connaître de nouveaux rebondissements le 30 septembre et surtout faire bondir les opposants en cas d’hiver très neigeux.

M.S