Doubs. Le Département « entre en résistance ! »

Refusant d’appliquer des mesures budgétaires « intenables » annoncées par le gouvernement, le Doubs - comme les autres conseils départementaux français - maintient la pression sur les parlementaires pour obtenir des garanties financières. Déterminée, Christine Bouquin affirme « entrer en résistance ». La collectivité maintient son calendrier et prépare toutefois un budget inévitablement raboté.

311
©YQ

Quelles seront les conséquences directes des économies annoncées par le gouvernement sur les collectivités locales ? Aucun élu ne peut encore le dire. Alors pour organiser sa réunion du 28 octobre, consacrée au débat d’orientations budgétaires 2025 (DOB), le conseil départemental s’est basé sur la présentation du Projet de Loi de Finances décrit par Michel Barnier le 10 octobre, sans tenir compte des débats et amendement votés depuis. « Un coup de massue », « ni plus ni moins qu’une amende pécuniaire adressée aux collectivités locales pour cause de creusement de la dette du pays ». Voilà comment Christine Bouquin résume déjà les 5 milliards d’euros d’économies demandées aux collectivités locales, dont 40 % aux départements. Dans le Doubs, « ce coup de rabot historique » s’élèverait à 25 millions d’€ « auquel il faut ajouter les 30 millions du Plan de maîtrise que nous avons voté en mars dernier (10 millions sur le fonctionnement, 20 sur l’investissement, ndlr) », poursuit la présidente du Département, porte-voix local d’une décision votée dix jours plus tôt, à l’unanimité, par le comité exécutif des Départements de France. Tous rejettent en bloc les mesures prévues par le gouvernement actuel.

25 millions d’économies pour le Département du Doubs ?

À Besançon, le travail budgétaire s’est donc construit sur des bases plus qu’incertaines. Le calendrier est néanmoins maintenu par le conseil départemental, même si la minorité s’en étonne, avec un vote du budget primitif prévu les 16 et 17 décembre, avant une décision modificative – inévitable – en février, lorsque la Loi de Finances 2025 sera adoptée. Dans un contexte si particulier, Christine Bouquin est prête au combat. « Je refuse de poser le genou à terre et attendre. Il faut se battre car derrière ces réductions drastiques des dépenses, c’est la vie de nos concitoyens qui est en jeu. […] Nous sommes encore maître de notre destin. Ce que nous devrons potentiellement changer en février, ce sera lié aux décisions de l’État, pas du Département du Doubs ! ». Une lutte pour contrer ou tout du moins retarder le plus longtemps possible l’austérité annoncée.  Pour obtenir gain de cause, l’élue ne veut rien s’interdire.

« Je ne vais pas mettre en vente la préfecture, mais… »

« Vous avez certainement vu certaines actions d’autres territoires », glisse l’intéressée, citant notamment la Haute-Marne où le conseil départemental a mis en vente sur Leboncoin plusieurs biens immobiliers dont il est propriétaire, mais qu’il n’occupe pas. « Le patrimoine départemental occupé par l’État se fait à un loyer dérisoire. Ça date de la décentralisation de 1982. On ne peut pas demander aux collectivités de fournir des efforts insoutenables et continuer d’avoir un train de vie pareil ! […] Je ne vais pas mettre en vente la Préfecture, mais nous travaillons sur des actions possibles à la mi-novembre, si nous sommes encore dans un blocage de ce type. » Les Départements français se retrouvent à Angers du 13 au 15 novembre, où ils devraient donc, s’ils n’obtiennent pas de garantie(s), se coordonner pour bousculer l’État.

Une prospective financière de 652 millions d’€ pour 2025

Plus qu’un pari politique, l’élue qualifie ce choix « de résistance ! ». Après la prévention et avant de passer aux actes, le Département travaille toutefois sur une prospective financière de 652 millions d’euros pour 2025. « Il faut aussi rassurer les habitants, le Département continuera de les accompagner même dans un contexte inédit », réaffirme l’adjoint aux finances Olivier Billot. Parmi les pertes importantes, la forte baisse des recettes issues des Droits de mutation à titre onéreux (DMTO, taxe perçue lors d’une transaction immobilière et donc très dépendante du marché, ndlr) dont le produit pourrait subir une perte annuelle de 7,4 millions d’€ dès 2025. Les Départements demandent d’ailleurs à l’État une augmentation d’un point cette DMTO, pour compenser les pertes. À cela s’ajoute l’instabilité d’une croissance de la TVA dont les collectivités sont toujours plus dépendantes. « Ce qu’il faut c’est passer 2025. La décision modificative votée ce lundi, permet de lisser les travaux et financements qui ne peuvent plus se faire dans les délais impartis mais reportés sur le plus long terme. », ajoute Christine Bouquin. Le Doubs ne souhaite aussi stopper sa participation au fonds de péréquation, créé pour soutenir les collectivités dans le besoin. Sur le volet investissement, l’hypothèse retenue planche sur un montant hors dette de 75M d’€ pour l’année à venir avec un possible retour à 90 millions, somme dépensée depuis deux ans, en 2026 et 2027. L’hypothétique budget sera donc débattu en décembre avec vraisemblablement d’ici là de premières modifications à apporter.

Les parlementaires visés

En attendant de connaître la réalité des chiffres de l’austérité annoncée, le Département maintient également une pression sur les parlementaires, députés et sénateurs dans le Doubs, « les premiers relais et personnes capables de faire bouger les choses », souligne Christine Bouquin. « Nous seront très attentifs, et je pense m’exprimer au nom de plusieurs de mes collègues, aux mesures prises dans ce futur PLF. », répond prudemment Annick Jacquemet, sénatrice siégeant également au conseil départemental. « Il y a des efforts à faire à plusieurs niveaux, aujourd’hui en France, plus de 400 Agences coûtent entre 80 et 90 milliards d’€ avec des doublons sur les mêmes réflexions. » À l’Assemblée nationale, le député de la 1ère circonscription de Besançon Laurent Croizier a récemment matérialisé son opposition à ce Projet de Loi de finances sur la suppression de 4000 postes d’enseignants en proposant d’abaisser la contribution exceptionnelle pour les hauts revenus, à un revenu fiscal de référence de 125 000 € pour les célibataires et 250 000 € pour les couples (rejeté).