Quelle est votre vision de la gendarmerie et quel doit être son rôle ?
Je suis très attachée à la ruralité par mes expériences mais aussi par mon histoire personnelle. J’ai grandi dans le Tarn-et-Garonne, dans le petit village de Bruniquel où mon père était maire pendant 25 ans. Le village est d’ailleurs connu pour avoir accueilli le tournage du film Le Vieux Fusil (rires) ! Blague à part, j’ai conscience des préoccupations des élus locaux et de la relation qu’il faut avoir avec eux pour coconstruire la sécurité ensemble. La proximité avec la ruralité est une relation remarquablement efficace.
« Coconstruire la sécurité », c’est-à-dire ?
Je n’ai jamais vu en 23 ans de carrière une personne qui se lève le matin et va braquer la supérette du coin. Ça n’arrive jamais. Pour commettre ce genre d’actes, il faut avoir accepté de casser des règles morales, des valeurs, de se dire qu’on peut rompre avec la loi. Tout cela vient d’une trajectoire de la délinquance, construite bien souvent depuis l’enfance. Ça passe par un mauvais comportement à l’école, au collège, un enfant qui reste toujours borderline, à tester ses limites par des tags, des petites dégradations… Si on enraye cette trajectoire, on lutte vraiment contre la délinquance. Bien sûr, le gendarme est là pour arrêter les voleurs et violeurs, mais ce partenariat, avec d’autres services comme les élus locaux ou l’Éducation nationale, s’il est établi suffisamment tôt, ça fonctionne. Nous sommes là pour intervenir quand il y a un délit ou pire, mais il existe des moyens en amont pour ne pas en arriver là.
Que représente réellement la gendarmerie du Doubs ?
En résumé, le groupement départemental compte trois compagnies, à Montbéliard, Besançon et Pontarlier. Il faut ajouter à cela un escadron de contrôle des flux et un état-major basé ici, au Fort des Justices de Besançon, où l’on retrouve tous les services spécialisés et le centre opérationnel. J’ai 600 officiers sous mon commandement, des gens de terrain qui sont mes yeux pour couvrir plus de 550 communes. Sur l’année 2024, nos équipes ont géré 13 000 crimes et délits dans le département. Nous avons au total 34 brigades, c’est-à-dire des points d’appui, y compris les brigades spécialisées.
Vous parlez de chiffres, avez-vous des objectifs fixés par l’État ?
Nous avons des directives très claires concernant la lutte contre la délinquance même s’il n’y a pas de chiffres. La lutte contre le trafic de stupéfiants est une priorité nationale qui concerne particulièrement le Doubs, plus encore que le Sud de la France. La configuration transfrontalière n’est pas étrangère à cela. La criminalité organisée existe aussi dans le Doubs. Des braquages, cambriolages ciblés, etc. Je me suis fixée deux mots d’ordre : proximité et résultat. Avec 600 gendarmes pour 13 000 crimes et délits sur un an, les yeux de tous les habitants, partenaires, élus et services, sont utiles pour améliorer la sécurité. Quand des informations arrivent d’un appel ou d’un quidam, ça multiplie la résolution des enquêtes par quatre ou cinq.
Vous avez d’autres moyens pour atteindre vos objectifs ?
L’application Ma Sécurité existe depuis plusieurs années mais elle est encore peu connue du grand public. Elle permet en deux clics d’alerter un gendarme en ligne qui réagit en direct. Nous avons aussi les conventions entre les communes et l’État pour bénéficier des images de vidéosurveillance. Nous avons accès aux caméras de 17 communes dans le Doubs sur les 558 en zone gendarmerie. Depuis janvier 2025, 26% des faits élucidés le sont grâce à la vidéosurveillance.
Où en est-on aujourd’hui justement de ces brigades spécialisées, annoncées en 2023 ?
C’est un véritable tour de force de mon prédécesseur le Colonel James d’avoir réussi à faire créer des brigades et donc obtenir de nouveaux effectifs. Je peux vous assurer que c’est très compliqué. Aujourd’hui, la brigade de Besançon spécialisée dans les violences intrafamiliales est opérationnelle avec six gendarmes dont l’expertise permet de venir en appui sur les affaires concernées par ce sujet. À Orchamps-Vennes, notre brigade spécialisée dans la lutte contre les atteintes à l’environnement est en place même s’il reste un poste libre. Concernant celle de Montbéliard, dédiée à la lutte contre les trafics, elle n’est pas encore fonctionnelle, nous recherchons toujours des personnes.
Votre CV est étoffé, de l’école spéciale militaire Saint-Cyr jusqu’aux différents services à Paris en passant par Agen, Rennes et même la Roumanie…
C’est un parcours « classique » qui nous oblige à bouger mais offre la possibilité de voir de nombreux aspects du métier. J’ai toujours eu un goût pour l’armée de Terre mais en sortant de Saint-Cyr, une opportunité s’est présentée pour rejoindre la gendarmerie. Mon premier poste a été à la gendarmerie d’Agen avant de vivre d’autres expériences et notamment le commandement de la compagnie de Vauvert entre 2013 et 2017 au sud de Nîmes. C’est la plus grosse compagnie du Gard pour gérer une très grosse délinquance, très violente avec beaucoup de flux. J’ai eu la chance d’avoir une relation avec les élus locaux incroyable pendant cette période. J’ai ensuite rejoint l’Île-de-France pour différents services et notamment l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) à Malakoff où j’étais adjoint au pôle des affaires sensibles en lien avec du harcèlement, de la discrimination ou de non -respect de la déontologie dans la gendarmerie.