Hebdo25 a tenté de comprendre leurs exaspérations et leur donne la parole. Olivier Blondeau et Fanny André en font partie. Ils ont le sentiment de prêcher dans le vide.
Une vie de quartier « démesurément animée » ?
En 2022, l’un des établissements situé rue Claude Pouillet avait fait l’objet d’une fermeture administrative pour trois mois. Olivier Blondeau est l’un des membres du collectif de riverains. « Je ne veux pas l’interdiction des bars ou leur fermeture le soir. La vie nocturne est essentielle dans une ville qui compte 25 000 étudiants. Je ne demande que le strict respect de la législation sur le tapage nocturne ».
Fanny André réside sur le quai Vauban et sa chambre donne sur la rue Claude Pouillet. Elle rappelle un courrier adressé le 8 décembre 2024 à Benoît Cypriani, adjoint à la Maire en charge de la tranquillité publique : « …Atteinte d’une double pathologie dégradant mon sommeil, ce dernier est altéré par une vie de quartier démesurément animée… ». Fanny André faisait référence notamment à « deux concerts assourdissants…en dehors de tout champ réglementaire ». Dans son très long courrier dûment circonstancié, elle ajoute le danger routier : « à la sortie du parc de stationnement Pasteur, des jeunes courent la nuit dans la rue, au risque de se faire renverser par une voiture sortant du parking ».
Les étudiants ont besoin « de se défouler »
Interrogé, Benoît Cypriani se dit « conscient du problème…mais Besançon doit rester une ville attractive pour les 25 000 étudiants qui ont besoin des bars du centre-ville…pour se défouler ». L’adjoint à la sécurité publique ajoute « la sécurité publique, notamment la nuit, est l’affaire de la Police nationale et non de la police municipale ».
Olivier Blondeau a investi dans l’achat d’un sonomètre pour identifier le niveau sonore au niveau de son appartement (donnant sur le quai Vauban et la rue Claude Pouillet). « A de nombreuses reprises, j’ai constaté 70 à 80 décibels sur la fenêtre côté rue Claude Pouillet. Impossible dans ces conditions d’avoir un sommeil réparateur ». Le riverain a sollicité les services de santé publique de la Ville de Besançon qui ont constaté les mêmes nuisances.
Celles-ci sont en partie liées à la consommation de boissons alcoolisées sur la voie publique et l’impossibilité pour les établissements de nuit de limiter le nombre de personnes sur la rue. La rue Claude Pouillet, surnommée « rue de la soif », accueille plusieurs bars et restaurants. Leurs gérants tentent bien de faire respecter la réglementation sur le tapage nocturne, sans grand succès.
La santé publique en question
Pour Gilles Spicher, adjoint en charge de la santé et de l’hygiène admet que le niveau sonore est un premier problème : « je ne dispose pas de toutes les cartes en main. Mes services sont intervenus pour évaluer les nuisances sonores et cela a confirmé les relevés établis par Monsieur Blondeau ». Il se dit conscient des conséquences en matière de santé de certains riverains souffrant de pathologies parfois invalidantes, ou d’autres personnes dont les horaires de travail sont incompatibles avec le bruit nocturne.
Le quai Vauban en proie à des « déformations »
Lors de la construction du quai, l’architecte Vauban était opposé aux habitations. Elles ont été construites à partir de 1692 telles qu’on les connaît actuellement. Une étude sur le quai Vauban a été conduite par le département Architecture et Bâtiments de la Ville de Besançon. Elle fait apparaître sur 1/3 de la chaussée (au droit du 30 rue Claude Pouillet) une frange de terrain homogène. Les 2/3 du quai, au contraire, seraient composés d’un terrain hétérogène avec des vides décimétriques et des dégradations de la structure. L’étude constate « l’augmentation des déformations déjà relevées en 2010 ».
Olivier Blondeau, et avec lui de nombreux riverains du quai Vauban, s’inquiète des conséquences sur le bâti ancien classé, de la musique diffusée lors de concerts dans les bars de la rue Claude Pouillet. « Certaines basses fréquences ont pour effet de faire trembler les meubles ou les objets dans nos appartements. Qu’en est-il des conséquences sur les fondations des habitations et les soubassements du quai ? » Interrogée sur le sujet, Nadège Bellon, Architecte des Bâtiments de France, n’a pas souhaité répondre, renvoyant le sujet vers le département Patrimoine de la Ville de Besançon.
A ce jour, et malgré les relances des riverains, aucun relevé n’a été opéré. L’identité patrimoniale de Besançon et sa sauvegarde en dépend.
Yves Quemeneur