Besançon. Élections municipales 2026 : à gauche, la grande  » tambouille  »  

Longtemps espérée, l’union des différentes forces de gauche à Besançon n’aura pas lieu avant le premier tour des prochaines élections municipales, au mois de mars 2026. Après un an de « négociations », La France insoumise a lâché Anne Vignot, maire écologiste sortante et candidate à sa succession, lundi 27 octobre. Un choix ouvrant la voie à d’autres perspectives d’alliances mais qui pour l’heure plonge la gauche et ses électeurs dans une grande incertitude.

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« L’ultra-gauche » est-elle à l’origine de l’acte de vandalisme contre le réseau SNCF, provoquant d’énormes perturbations partout en France, ce lundi 27 octobre ? C’est en tout cas l’une des pistes privilégiées par les enquêteurs, comme l’a annoncé le ministre des Transports Philippe Tabarot, sur France 2. Anne Vignot fait partie des victimes de cet acte de vandalisme. La maire écologiste de Besançon et ses équipes se sont octroyés une semaine de congés mais aux dégâts causés par cet acte de vandalisme, s’ajoutent ceux du coup de tonnerre signé La France insoumise (LFI), le même jour. Bloquée plusieurs heures dans un train, l’élue découvre sur son téléphone le communiqué de presse de ses alliés, qui viennent de la lâcher. « Faire mieux pour Besançon », le titre est lourd de sens et les mots qui suivent sont encore plus tranchants.

Le SMS transmis quelques minutes plus tôt par Séverine Véziès, co-cheffe de file LFI pour les élections municipales bisontines et jusqu’ici rangée derrière Anne Vignot, a amorcé ce revirement attendu depuis plusieurs jours par les Écologistes. Les négociations bilatérales entre les deux partis avaient été stoppées, les directives nationales et les discours des uns et des autres localement laissaient penser à un tel scénario… Son officialisation n’en reste pas moins un coup de massue chez les Verts. « On s’est dit pas maintenant, pas comme ça », glisse un membre de l’antenne locale, proche d’Anne Vignot et de Dominique Voynet, députée de la seconde circonscription du Doubs. « On a surtout l’impression que les insoumis bisontins ne voulaient pas faire ça, mais qu’ils sont fidèles aux consignes du parti ».

Dans son communiqué, La France insoumise, après avoir « tendu la main à la maire sortante », constate depuis plusieurs semaines « que Mme Vignot agit sans cap, préférant la réaction plutôt que l’action […] Cette incapacité à planifier et à déterminer une stratégie a rendu nos discussions pour l’échéance municipale stériles et inopérantes », écrit le mouvement. Estimant que le temps est venu pour « donner un cap clair à gauche à Besançon », La France insoumise « présentera une liste d’union populaire, citoyenne et écologiste pour les élections de mars 2026 ». Toujours avec l’ambition de décliner au niveau local le programme du Nouveau Front Populaire (NFP), né d’une grande union de la gauche lors des élections législatives en 2024. Une telle union semble aujourd’hui plus que jamais impossible à Besançon. 

La campagne du nouveau Front Populaire, à l’été 2024, semble désormais loin. Photo DR

« Les Écologistes veulent parler à tout le monde. Ça ne convainc personne »

« On reste ouvert à tous les habitants, politisés ou non qui partagent notre volonté de rupture », ajoute Séverine Veziès (LFI). « On a soutenu Anne Vignot, tendu la main au PS qui n’a jamais répondu. Notre volonté d’union a été démontrée. Depuis le mois de septembre, ça pédale dans la semoule. Les Écologistes n’arrivent pas à définir une stratégie, ils se disent que les électeurs de gauche sont acquis et qu’il faut aller gratter au centre. Donc on n’avance pas sur les axes programmatiques ni sur la composition de la liste. Ils veulent parler à tout le monde et ça ne convainc personne ».

L’actualité récente n’a fait que renforcer les insoumis bisontins dans leur décision. « Le choix fait pour Raphaël Enthoven, le square Saint-Amour, la réponse apportée sur la boutique Jeanne Antide après les attaques de la droite… c’est de la réaction sans cap clair », enchaîne Séverine Veziès, balayant au passage l’hypothèse d’une directive nationale. « Ce choix est d’abord local avec un vote des militants. Ces derniers temps, on se réunissait une fois par semaine ». Le refus de Dominique Voynet de censurer le gouvernement, contre l’avis de son parti ou encore cette réunion secrète révélée par le Figaro entre députés socialistes, écologistes et membres du camp présidentiel « sont des illustrations nationales de ce que nous dénonçons localement », termine celle qui est également membre de la coordination nationale de La France insoumise. Sûr de ses forces et de sa capacité à atteindre le second tour des élections municipales seule (il faut au moins 10% des suffrages exprimés, ndlr), LFI s’est réunie cette semaine, pour définir la tête de liste.

« Un premier tour avec trois ou quatre listes à gauche, c’est l’assurance de perdre »

Dispersés car en congés, Anne Vignot et les Écologistes de Franche-Comté ont toutefois répondu mardi 28 octobre. Regrettant les choix de ses ex-alliés insoumis « sans égard pour ses partenaires et pour la qualité des échanges », la maire maintient sa volonté « d’union locale » qui doit « primer sur les divisions nationales ». « Nous tendons à nouveau la main à toutes celles et ceux qui souhaitent, comme nous, travailler au service d’une ville solidaire, qui protège et cultive la joie de vivre ensemble ».

Hasni Alem, chef de file du PCF à Besançon.

Qui à Besançon est désormais prêt à accompagner la maire sortante ? L’échec de cette union est aussi par ricochet celui du Parti communiste français (PCF), premier défenseur d’un rassemblement « le plus large possible à gauche ».« Ce choix est totalement irresponsable, comme l’avait été celui du PS », lâche Hasni Alem, chef de file communiste bisontin. « J’avais espoir que l’on dépasse ensemble les divergences locales. La gratuité des transports, le logement, ce sont des axes négociables. Je ne vois pas ce qu’ils ont à gagner en faisant ça. Un premier tour avec trois ou quatre listes à gauche, c’est l’assurance de perdre ».

Quelle marge de manœuvre veut accorder le PS ?

Si elle ne rebat pas immédiatement les cartes, cette décision insoumise ouvre toutefois la voie à d’autres perspectives d’alliance à gauche, qu’une majorité de Bisontins pensaient jusqu’ici impossible. « Chez les socialistes, l’obstacle principal à l’union était la présence de LFI. Maintenant qu’ils sont partis… », s’avance Hasni Alem. Le communiste n’a d’ailleurs jamais stoppé les échanges avec son homologue socialiste, Jean-Sébastien Leuba. « On apprend beaucoup de choses par la presse », ironise l’intéressé. « Anne Vignot a toujours voulu une alliance avec LFI. De notre côté on a construit un programme avec Place Publique. On ne fait pas d’alliance avant de parler du programme, c’est notre priorité, c’est là-dessus que nous attendent les bisontins. Si demain les gens qui souhaitaient un programme de rupture acceptent de modifier leurs idées, on pourra discuter ». En attendant, le trio PS – Place publique – Cap21 poursuit sa campagne et son travail de terrain avec notamment un café-citoyen par mois et surtout une position de force dont il compte bien profiter.

Gérard Guinot, secrétaire de section du Parti socialiste du Haut-Doubs ; Jean-Sébastien Leuba, premier secrétaire fédéral PS Doubs ; Jean-Noël Vieille, économiste, auteur d’un livre sur la dette publique ; et Amandine Rapenne, conseillère régionale
De g. à d. : Gérard Guinot, secrétaire de section du Parti socialiste du Haut-Doubs ; Jean-Sébastien Leuba, premier secrétaire fédéral PS Doubs ; Jean-Noël Vieille, économiste, auteur d’un livre sur la dette publique ; et Amandine Rapenne, conseillère régionale ©Cassandra Tempesta

Plus discret ces derniers mois, Nicolas Bodin, actuel adjoint socialiste en charge de l’attractivité économique n’en reste pas moins candidat non-investi par le PS. « C’est le foutoir à tous les étages. Les hypothèses d’aujourd’hui seront-elles valables la semaine prochaine alors qu’une dissolution peut arriver ? », observe avec un certain malaise l’adjoint, qui espère toujours récupérer l’investiture de son parti. « Si les Verts et le PCF se rapprochent du PS, c’est le périmètre de l’actuelle majorité, en somme. Encore faut-il que quelqu’un accepte de laisser la place de n°1. Ce que je constate, c’est que les réserves que j’ai émises sur la gouvernance municipale m’ont valu des critiques de tout le monde. J’ai été considéré comme le « mauvais camarade » y compris par les socialistes. Certains ont même bondi lorsque j’ai évoqué un débat autour de l’armement létal des policiers municipaux. Aujourd’hui il y a une liste PS autonome avec dans son programme un débat autour de cette idée ».

Une maire isolée, une liste insoumise déterminée, un trio de « social-démocratie » renforcé et un parti communiste qui ne sait pas encore où aller. À cinq mois des élections municipales bisontines, la gauche navigue toujours à vue. Tous les responsables s’accordent sur un point : « il y a un vrai risque que la droite passe » et Hasni Alem (PCF) d’ajouter : « à force de le dire et de se regarder le nombril, on accentue cette idée ». Sauf nouveau bouleversement national, les prochaines semaines s’annoncent âpres en matière de négociations.

Photo Besançon Maintenant/DR.

Un cadeau inattendu pour la droite, unie et renforcée

Si au premier abord, Ludovic Fagaut assure « ne pas pleurer », ni se « réjouir de cette tambouille à gauche », le candidat de la droite bisontine savoure. Contrairement à sa meilleure adversaire, lui a réussi à rassembler au-delà de son parti Les Républicains dans cette course aux élections municipales 2026, avec notamment le soutien du MoDEM et de son député de la première circonscription du Doubs, Laurent Croizier. La démonstration de force de cette alliance « Ensemble Besançon avance » a été implacable samedi 18 octobre, lors des premières déambulations et opérations de tractage auprès des habitants. La tête de liste de ce rassemblement n’en n’attendait pas tant de ses adversaires et ne se fait pas prier pour enfoncer le clou : « on dénonce depuis le début cette union de façade qui a tenu toute la mandature, mais aussi celle que madame Vignot a voulu instaurer avec l’extrême-gauche, qui aujourd’hui lui tourne le dos. Je les laisse dans leur marasme, aujourd’hui à Besançon, il y a ceux dans une tambouille incompréhensible et ceux qui porte une union large avec une trajectoire pour la ville. Nous, on ne parle pas de partis, on parle de Besançon ».

M.S