La foule et les personnalités présentes au Grand Kursaal ce vendredi 10 novembre témoignent de la trace du passage de Charles Piaget laissée dans l’histoire. Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Edwy Plenel directeur de Mediapart ou encore Théo Roumier, élu national du syndicat Sud Solidaire, tous ont fait le déplacement pour rendre un dernier hommage à l’ancien ouvrier de LIP, leader du mouvement social massif de 1973. Depuis l’annonce de sa disparition, les messages et hommages s’accumulent.
« Il nous laisse un héritage d’une immense richesse, celle de l’engagement et de la générosité. Il a fait démonstration à toute une société que la force du collectif, force émancipatrice, est capable d’ébranler les principes établis et de rendre l’espoir aux victimes de l’injustice sociale. Cet homme a fait de LIP une aventure humaine collective et singulière. Il s’inscrit définitivement dans l’histoire de la pensée sociale. », écrit la Maire de Besançon Anne Vignot, au moment d’évoquer la mémoire du syndicaliste.
Après avoir intégré LIP en 1946, l’ouvrier monte en grade et devient contremaitre en 1961. En 1973, en découvrant un plan de licenciement alors que l’entreprise est en règlement judiciaire, le comité d’actions dont Charles Piaget fait partie des leaders, prend le contrôle de l’entreprise, s’empare des stocks et entame une grève. La production repart avec notamment cet historique slogan : « on fabrique, on vend, on se paie ». Le mouvement s’intensifie, prend de l’ampleur dans la France entière et débouche en 1974 sur un plan, les accords de Dole, où Claude Neuschwander, publicitaire, membre du PSU et patron de la Compagnie Européenne de l’Horlogerie (CEH), est nommé pour reprendre l’entreprise. Une victoire de courte durée car LIP ne se relèvera jamais vraiment de cette histoire. Deux ans plus tard, la CEH dépose à son tour le bilan et les ouvriers occupent à nouveau l’usine avant de relancer la production. Sans repreneur, Charles Piaget et ses collègues créent plusieurs coopératives (SCOP) jusque dans les années 1980. Elles seront rachetées en 1986 par la société Mortuacienne d’Horlogerie, mise en liquidation en 1990.
Reste de cet épisode de l’histoire industrielle française, une manifestation historique à Besançon réunissant 100 000 personnes, une lutte qui aura fait émerger un nouveau modèle de gestion (l’économie sociale et solidaire actuelle s’inspire grandement des valeurs prônées par le mouvement LIP) incarnée par un homme : Charles Piaget. Si sa bataille pour maintenir en vie l’entreprise l’aura poussé à bout au point de se mettre en retrait pendant une dizaine d’années après son départ en retraite, sa silhouette était souvent visible lors des grandes manifestations au cours de la dernière décennie, notamment celles de 2023 contre la réforme des retraites. Au Grand Kursaal, certains participants en sont certains : « désormais le meilleur hommage, c’est de continuer la lutte. »
M.S
