Les premiers jugements d’un mandat présidentiel tombent après 100 jours d’exercice. Encore faut-il savoir à partir de quand décompter. Est-ce depuis dimanche 24 avril, soir d’une réélection très mitigée pour Emmanuel Macron, construite à partir d’un barrage républicain plus que jamais fragile ? Est-ce à compter du 13 mai 2022, date officielle de la fin d’un premier mandat jonché de crises inédites et d’une grande tension sociale au sein d’un pays fragmenté ? Ou est-ce à partir de juin 2022 à l’issu de futures élections législatives où le Président espère conserver au moins autant de sièges qu’à l’heure actuelle, pour éviter une minorité parlementaire qui le pousserait à une cohabitation forcée.
Tout le monde veut (re)prendre une place
Ce dernier scénario ne semble pour l’instant pas effleurer l’esprit de nombreux ministres et personnalités politiques rêvant du siège tant convoité de Premier Ministre. Jean Castex a très vite annoncé qu’il remettrait la démission de son gouvernement, même s’il peut rester en place jusqu’en juin. Emmanuel Macron n’a pas lésiné sur les louanges à l’égard de son bras droit. Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion ont presque publiquement annoncé leur volonté de succéder à Jean Castex. En lisant le Figaro du lundi 25 avril, on apprend que la ministre de la Transformation et de la Fonction Publique, Amélie de Montchalin, travaille en coulisse pour créer la surprise.
Le poste de Matignon n’est pas le seul ciblé. Au lendemain du second tour, Libération parle des rêves de Gabriel Attal au poste de ministre de l’Économie tandis que Bruno LeMaire et Olivier Véran « se verraient bien tous les deux à l’Éducation nationale ». Sans parler des velléités de Gérald Darmanin et d’Edouard Philippe, pensant déjà à l’après. Un jeu de chaises musicales imaginé avant même la fin du premier mandat présidentiel d’Emmanuel Macron.
Pouvoir d’achat et retraite
Sur le terrain, même si les 58,5% des suffrages du Président réélu sont dû à un barrage républicain, les électeurs attendent le chef de l’État au tournant sur plusieurs dossiers.
Le pouvoir d’achat d’abord. La prévision de croissance d’après crise sanitaire (4%) du gouvernement, est loin de celle annoncée par le Fond Monétaire International (2,9%) début avril. Après avoir tenté de contenir l’inflation (Ndlr : fin mars, l’INSEE estimait qu’en un an elle avait progressé de 4,5%, un record depuis 1985) à coup de chèques et de blocage des prix, une première loi devrait être étudiée dès la nouvelle Assemblée nationale constituée. A l’intérieur du texte, des promesses de campagne peut-être comme la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, la « Prime Macron » ou encore le maintien des dispositifs actuels tant que la crise durera.
En tentant de séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon durant l’entre-deux tours, Emmanuel Macron a revu sa copie concernant la réforme des retraites. L’âge pivot (65 ans) n’est plus un objectif même si son relèvement progressif est toujours d’actualité. Les salariés des métiers pénibles auront une évaluation individualisée pour recalculer la date de leur départ tout comme les catégories actives de la fonction publique ou encore les personnes en invalidité. Loin du régime universel souhaité par Edouard Philippe en 2019.
15 milliards d’euros pour moderniser les forces de l’ordre
Si le Rassemblement National a réussi à s’imposer comme le parti de la fierté nationale, en réalité propre à chacun, son score historique (42%) est aussi dû à un sentiment d’insécurité grandissant. Sur ce point, la majorité présidentielle compte sur sa loi LOPMI (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur) prévoyant la création de 200 brigades de gendarmerie dans les campagnes, 1500 postes pour lutter contre les pirates du web. Un budget global de 15 milliards d’euros pour moderniser les outils et l’image des forces de l’ordre. Du côté de la justice, les états généraux lancés en octobre devraient être dévoilés début de l’été pour orienter un peu plus la politique sécuritaire.
Durant toute la campagne, l’urgence climatique et l’écologie ont souvent mis à mal la stratégie économique et industrielle voulue par Emmanuel Macron. Durant le débat télévisé de l’entre-deux tours, il s’est fendu d’une promesse : son premier ministre serait directement chargé de la planification écologique. Des chantiers énormes, il y en a également du côté de l’Éducation et de la Santé. La priorité actuelle restant la gestion de la guerre en Ukraine aux côtés de l’Union Européenne.
Martin Saussard