Depuis son retour de compétition, l’aura de Lou Jeanmonnot-Laurent illumine chacune de ses rencontres avec le public. C’est à se demander si la biathlète française est réellement tombée lors de cette dernière course à Oslo le 23 mars dernier, à 500 mètres de l’arrivée, laissant filer Franziska Preuss et le gros globe de cristal avec elle. Ce jeudi 3 avril, les yeux des athlètes du Haut-Doubs, honorés par la sous-préfecture de Pontarlier pour leur saison remarquable, regardent tous la star du département, du massif et de tout un pays. Des centaines d’autres admirateurs l’attendent le soir même aux Hôpitaux-Vieux, à l’occasion d’une cérémonie spéciale organisée par l’Olympic Mont d’Or pour saluer ses champions. Sur l’estrade, Lou Jeanmonnot-Laurent soulève avec fierté ses deux globes de cristal et affiche un large sourire face au stade de la Seigne, où tout a commencé. Dans la foule, l’attachement est intergénérationnel. De jeunes supportrices sont vêtues d’un dossard et d’une carabine en bois « comme Lou ». Les plus anciens savourent « comme si elle faisait partie de la famille » glisse Bernard, qui n’a pas loupé une seule course de la saison depuis sa télévision.

Sa vraie famille elle, est bien de la partie et savoure tout autant. « C’est une saison de malade ! », rigole sa sœur Prune. « Qu’elle gagne ou pas, on n’en a rien à faire, on ne veut que son plaisir. Quand elle remporte la première course de la saison, je me suis dit « okay, là ça peut être quelque chose de fou ». C’est bien ce qu’il s’est passé jusqu’au bout ». La séance de dédicaces provoque même quelques larmes de joie chez certains supporters, émus à l’idée de rencontrer leur star.
N°1 à plus d’un titre
Un succès qui s’explique d’abord par des performances sportives impressionnantes. Comme l’an passé, Lou Jeanmonnot-Laurent termine deuxième du classement général de la Coupe du monde. La Française ajoute plusieurs lignes historiques à son palmarès, pour elle comme pour le biathlon tricolore. Elle devient la première française à remporter huit courses individuelles sur une même saison, la première Française à remporter au moins une course sur les quatre formats (sprint, poursuite, individuel, mass-start) et la première Française à décrocher les petits globes de l’individuel et de la poursuite simultanément. « Quand on a commencé le biathlon ensemble, on rigolait car je tirais mieux et elle skiait vite. On s’est toujours dit que si on arrivait à mixer les deux, ça pourrait devenir intéressant. Finalement, elle a réussi à le faire », sourit Prune Jeanmonnot-Laurent. Des premières compétitions de VTT ou de biathlon, jusqu’à cette finale à Oslo, la famille Jeanmonnot-Laurent conserve cette relation « fusionnelle » (lire l’entretien avec ses parents dans notre édition du 14 avril 2025). « J’ai vraiment la chance d’être soutenue par tout le monde, avec une famille très proche de moi. Les Français expriment aussi leur soutien de façon très prononcée. C’est peut-être pour ça qu’on performe aussi bien ! », sourit la biathlète.

« Rester moi-même, quoi qu’il arrive »
« En tant que champions, vous avez des responsabilités qui ne sont pas forcément reconnues. Lou encore un peu plus que les autres. Vous incarnez l’engagement, le territoire et ses valeurs », saluait le sous-préfet Nicolas Onimus jeudi 3 avril. « J’ai à cœur de conserver ce que mes parents m’ont appris », répond Lou Jeanmonnot-Laurent. « Avec une caméra, du stress et de l’argent qui tombe, ça peut être difficile. Les opportunités d’agir en fonction des valeurs qui ne sont pas les nôtres sont nombreuses, on le voit régulièrement chez les sportifs. Je suis heureuse de partager ça avec mon territoire, le massif jurassien, les Français. Aux mondiaux militaires, on s’est rendu compte de la dimension extra-sportive de notre travail ». Des valeurs partagées dans le monde du biathlon accompagnées d’une bienveillance générale permettant à la biathlète originaire de Fourcatier-et-Maison-Neuve d’avancer plus sereinement. « Pour parler crûment, si Franziska Preuss avait été une conne, jamais je n’aurais eu cette réaction. J’aurais été aigrie, méchante. Là, j’ai affronté une personne extrêmement gentille, bienveillante et sportivement toujours impeccable. C’est ce qui me permet de rester son égal, d’être propre, je n’imagine pas un second être malhonnête ou mauvais avec quelqu’un que j’admire. Ça coule de source ».
« Créer le manque pour susciter l’envie »
Les multiples ovations, hommages et célébrations permettent d’atténuer les regrets de l’athlète âgée de 26 ans qui retient avant tout « beaucoup de satisfaction, même si elle n’est pas complète ». « J’ai appris énormément de choses, notamment à assumer ce statut de leader en Coupe du monde, porter le maillot jaune avec fierté et sans peur. C’est ma plus grande fierté ». Le repos devient néanmoins urgent. « En rentrant, elle m’a dit que ça allait physiquement mais moins mentalement », glisse Didier Jeanmonnot, son papa. Au stade de la Seigne, la consigne est martelée : « si Lou fait une telle saison, c’est aussi parce qu’elle a pu compter sur votre respect. La laisser se reposer, se préparer tout l’été…Nous comptons sur vous pour faire la même chose cette année ! », lance le speaker de l’Olympic Mont d’Or. Dans la foule, on applaudit.
« Je ne pourrai pas repartir si je ne me suis pas bien reposée, c’est une priorité. Je veux faire le sport que je veux au moment où je le veux et ne pas subir un devoir professionnel. Il faut créer le manque pour susciter l’envie nécessaire, donc je ne parle pas de retour pour le moment, même si l’année prochaine sera très importante », commente la championne, gardant dans un coin de sa tête les Jeux Olympiques 2026 à Milan et Cortina d’Ampezzo. Ce serait une première pour elle. La reprise est prévue au mois de mai, avec l’or olympique en ligne de mire.
Martin Saussard