Doubs. Les bistrots vont-ils sauver les petites communes ?  

Il y a quelques semaines, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à simplifier l’accès à la licence IV pour les commerces souhaitant s’implanter dans les petites communes. Du côté des maires du Doubs, on voit cela d’un bon œil.

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Les commerces souhaitant s’implanter dans les petites communes
Photo DR.

Comment redynamiser les communes rurales ? Une question se pose au sein de nombreuses commissions parlementaires comme sur le terrain. Une première réponse politique a été apportée, lundi 10 mars. Par 174 voix pour et 2 contre, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à simplifier l’accès à la licence 4 pour les commerces souhaitant s’implanter en ruralité. Une loi pour faciliter l’ouverture ou la réouverture de cafés, restaurants ou bistrots, qui concerne particulièrement les communes de 3500 habitants ou moins. Ce choix s’appuie sur des chiffres édifiants : de 600 000 bistrots en France en 1960, il n’en restait que 34 669 en 2016, regroupés dans un peu plus de 10 000 communes, selon le baromètre France boissons (sur la base des chiffres du CREDOC, « comprendre et répondre à la fragilisation de la filière CHR en France », ndlr).

À la recherche de porteurs de projets

Le Doubs n’échappe pas à ce phénomène de raréfaction. La difficulté des démarches afin de pouvoir obtenir une licence de ce type est l’une des raisons. Le 12 avril 2024, un café-restaurant a ouvert dans la commune de Mercey-le-Grand. Son maire, Didier Aubry, raconte : « Nous avons dû racheter une licence 4 pour 10 000 €. Les démarches ont été compliquées, c’était un vrai parcours du combattant ». Le projet est à l’initiative d’une association, 1000 cafés, qui a milité pour ce projet de loi et qui œuvre pour l’ouverture de cafés en campagne, là où les associations jouent un rôle important dans la renaissance des bistrots. D’autant plus que ce genre d’initiative peut effrayer certains entrepreneurs : « Depuis que notre bistrot a fermé il y a 4 ans, nous n’avons pas reçu de proposition sérieuse. Pourtant, nous serions prêts à accueillir un bar ou un restaurant », déclare Martial Hirtzel, le maire de Bouclans.

Certains passionnés n’ont pas attendu cette initiative politique pour se lancer. À Courvières, village d’à peine plus de 300 habitants, le bar-épicerie « Chez Den’s » fête ses deux ans au mois de mai, avec un sentiment mitigé. « Il faudrait un peu plus de fréquentation pour que je puisse joindre les deux bouts », souligne Denis Clément le propriétaire. « La culture du bistrot s’est perdue et j’ai l’impression que la crise sanitaire a changé les mentalités », poursuit le gérant qui propose de multiples services : dépannage tabac, photocopieuse, épicerie, bibliothèque. « Un bar n’est pas qu’un lieu pour boire un coup, avec ou sans alcool, surtout au centre d’une petite commune. »

Dynamiser les communes

Soirées dansantes ou à thème, lieu de spectacle ou de conférences et débats, les bistrots ruraux offrent un large panel de possibilités pour retrouver une vie sociale parfois perdue. Un nouveau souffle de convivialité dans nos campagnes, confronté toutefois à une question : l’image que l’on se fait des bistros des années 80 n’est-elle pas révolue, dans une société davantage repliée sur elle-même où les jeunes ne se rencontrent plus de la même manière ? « Je crois au contraire que ce sont des lieux qui peuvent redonner du lien », répond le maire de Bouclans. Quand celui-ci évoque le succès de l’établissement se trouvant dans le village voisin, à Nancray, le maire de Mercey-le-Grand évoque « un succès au-delà de nos espérances » à propos du café-restaurant ayant ouvert l’an dernier. Il ajoute à ce sujet : « c’est un endroit de socialisation pour toutes les communes environnantes, les gens se rencontrent ».

Les nuisances sonores et les risques liés à l’alcool inquiètent parfois les élus. Martial Hirtzel lui, ne s’arrête pas à ça. « Si on ne fait que se focaliser là-dessus, on ne fait plus rien ». De son côté, Didier Aubry l’assure, « nous n’avons reçu aucune plainte pour le moment, les gens sont calmes ».  Loin du bistrot classique, la communauté de communes Lacs et Montagnes du Haut-Doubs propose une autre solution avec toutefois le même objectif de vie sociale au sein des villages. En partenariat avec l’association La Sarbacane, un « centre-culturel nomade » sillonne les différents villages du secteur depuis 2022 en proposant plusieurs animations et spectacles.

« On a une sorte de focalisation sur Besançon, mais dans les communes voisines, il y a ce besoin et des initiatives qui permettent de restaurer des liens de citoyenneté, une vie collective qui va au-delà des temps électoraux », abonde Dominique Voynet, députée de la 2e circonscription du Doubs, prenant en exemple le café associatif de Malbrans. « Tous les vendredis soir, élus et habitants se retrouvent et on apprend plein de choses, c’est essentiel. »

H.S et M.S