Élections législatives 2024 : à Besançon le (re)nouveau front populaire de Dominique Voynet, la renaissance de Laurent Croizier

Dimanche 7 juillet, les électeurs des deux circonscriptions regroupant Besançon et sa couronne ont réélu Laurent Croizier (MoDem – Renaissance) dans la 1ère et choisi Dominique Voynet (EELV – NFP) dans la 2nd. Une confirmation pour le premier, un retour au front pour la seconde. Deux partis issus du barrage républicain, deux victoires qui n’occultent néanmoins pas la montée toujours plus forte du Rassemblement National.

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Dominique Voynet est la nouvelle députée de la 2e circonscription du Doubs.

En claquant la porte du monde politique en 2014, lassée par une « dégradation de la vie politique et du climat qui conduit, à Montreuil comme ailleurs, à englober tous les politiques d’une même suspicion, et de plus en plus souvent d’un même mépris » (lettre adressée aux habitants de Montreuil en 2014, à la fin de son mandat de maire, ndlr), Dominique Voynet entretient un peu plus l’image d’une élue parfois têtue mais toujours indépendante. Si ces opposants de l’époque estiment que ce choix est avant tout l’anticipation d’une défaite électorale annoncée, l’intéressée n’hésite pas à clarifier ses positions face caméra, quitte à distribuer quelques tacles dans son propre camp. Ambiance.

Rassembler et s’émanciper

Ces élections législatives anticipées 2024 et la tension palpable de la sphère politico-médiatique sont-elles le moment le plus opportun de revenir ? La victoire du dimanche 7 juillet confirme que ce retour, lui, était attendu. La franc-comtoise arbore une sagesse acquise avec le temps, quelques expériences de Haut Fonctionnaire – notamment dans la Santé, son milieu professionnel d’origine – mais surtout un impressionnant CV construit sur des succès écologistes déterminants pour le développement d’EELV. De quoi rassurer son ex-partenaire et député sortant de la 2nd circonscription Éric Alauzet, passé depuis par le PS pour finir sa carrière avec Renaissance. Pour ces élections, ce dernier apporte un soutien sans faille à son successeur et candidat de la coalition présidentielle Benoît Vuillemin, maire de Saône.

Rassembler et s’émanciper d’une France Insoumise trop encombrante, voilà comment Dominique Voynet construit sa campagne express, profitant d’une bataille locale entre LR et Renaissance (qui rappelle aux électeurs une certaine élection municipale bisontine de 2020, ndlr). Le scénario se heurte toutefois à une vague immense du Rassemblement National, portée par un succès aux européennes encore puissant. Le Nouveau Front Populaire et l’écologie en bandoulière, l’élue arrive en tête au 1er tour avec 34,12% et seulement 2200 voix supplémentaires sur Éric Fusis (RN). Le CV, l’expérience du monde politique et une communication bien mieux travaillée n’offrent pas un grand matelas d’avance. Le désistement du troisième candidat qualifié au 2nd tour avec 26,79%, Benoît Vuillemin, fonctionne malgré la colère de l’intéressé. Les électeurs opèrent le barrage.

Des positions locales (très) attendues

Au second tour, la candidate écologiste récolte 59,95% des suffrages exprimés, soit 31 053 voix. Eric Fusis lui qui n’avait obtenu que 7055 voix deux ans plus tôt, bondit à 20 749 (40,05%), dimanche 7 juillet. Un tel score tempère fortement la victoire du Nouveau Front Populaire. « D’abord il y a un « ouf » de soulagement, les électeurs ont refusé la haine. Puis derrière, ce contraste entre la ville et la ruralité m’engage à combattre ce déclassement ressenti par les populations », commente l’élue. À Besançon, Dominique Voynet récolte 71% des voix au second tour, quand en ruralité, le candidat RN obtient 61% des suffrages. Ce clivage conséquent dans les urnes, l’élue compte le résoudre par le compromis dans l’hémicycle et par les rencontres sur le terrain. Quid des sujets chauds sur sa circonscription comme le développement de la RN57 aussi attendu par les communes du Grand Besançon que repoussé par les élus écologistes en ville ? « Vous me posez cette question alors que l’urgence est de trouver un gouvernement et redonner du pouvoir d’achat aux gens ? Sérieusement, je ne vais pas commencer à faire une liste de courses en promettant tout et n’importe quoi. Il faut d’abord installer un projet, c’est normal que ça prenne du temps, les  braises sont encore chaudes entre certaines personnalités mais j’ai confiance. À l’Assemblée, je souhaite travailler sur le Grand Âge, les questions de Santé et je suis intéressée par l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ou encore la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation ». La répartition des postes doit se faire dans la semaine à venir. Encore faut-il un Premier ministre présentable et un gouvernement accepté par une majorité absolue.

Laurent Croizier est réélu dans la 1ere circonscription, après avoir remporté la seule triangulaire du territoire. Photo DR

Laurent Croizier, hué à l’annonce de sa victoire

La défiance envers le monde politique est à son paroxysme comme en témoignent les huées et insultes à l’encontre de Laurent Croizier (MoDem – Ensemble) dimanche, au soir de sa réélection dans la 1ère circonscription. Le député sortant attend le résultat des votes au Kursaal avec une petite équipe de militants. Face à eux, de nombreux soutiens au Nouveau Front Populaire. Au cœur de l’unique triangulaire maintenue dans le Doubs, le candidat de la coalition présidentielle affirme un peu plus son ancrage local en arrivant en tête lors des deux tours. Ce qui n’est pas du goût de tous. Conspué, Laurent Croizier se dit « choqué, surtout par l’absence de réaction d’Anne Vignot et Dominique Voynet, présentes ». À défaut d’un soutien sur place, il reçoit celui du socialiste Nicolas Bodin, sur les réseaux sociaux. Une scène qui incarne selon le député « l’extrémisation de la vie politique. Je la combattrai toujours pour protéger la démocratie. »

La récompense d’une implantation

Sa campagne entière est orientée autour de cet axe : « ni extrême gauche, ni extrême droite ». Une stratégie loyale aux consignes nationales quitte à créer un malaise quand, face à la vague RN du 1er tour, le Président de la République et la Premier ministre appellent à un barrage républicain aux côtés de la gauche. Dans la 1ère circonscription, cette triangulaire se tient en 1200 voix avant le 7 juillet. Nombreux députés de la majorité présidentielle sont donnés pour mort après la dissolution incompréhensible du Président de la République. Laurent Croizier lui renaît au 1er tour et confirme au second avec un report de voix augmentant son score de 2000 votes. Face à la menace du RN incarné par Thomas Lutz (31,20% au 1er tour, 32,31% au 2nd), le candidat de la coalition présidentielle récupère même des suffrages sur Séverine Veziès (NFP) dans les communes autour de Besançon. Sorte de retour sur investissement après d’importantes visites en circonscription depuis deux ans.

Réélu avec 36,18% des suffrages exprimés, Laurent Croizier fait sa rentrée à l’Assemblée nationale lundi 8 et mardi 9 juillet avec l’envie de « travailler avec tous les modérés », excluant « par définition » La France Insoumise et l’Extrême droite. Ensemble pour contrer l’extrême droite, distant pour gouverner. « J’ai toujours été libre dans ma parole, dans mes choix. Ce n’est pas pour le parti que mes électeurs ont voté, mais pour l’homme engagé sur le terrain. », analyse le député. De quoi nourrir l’amertume de son opposante n°1 sur le terrain Séverine Veziès, repartie au combat pour « l’intérêt général », argument commun aux deux personnages qui pourraient à nouveau s’opposer dans quelques années. Laurent Croizier lui, poursuit son travail autour de l’Éducation et des affaires culturelles à l’Assemblée nationale. « L’Éducation est la mère des batailles pour améliorer notre société. Il faut restaurer le respect accordé aux enseignants, comme autrefois. » Présent au conseil municipal et au conseil communautaire, l’élu l’assure : « je m’investis dans tous les dossiers, je me concentre sur mon rôle de député mais c’est sur j’aurai un rôle dans la campagne de 2026, d’une façon ou d’une autre. » D’ici là, pour les prochaines élections municipales comme aux futures législatives, beaucoup de facteurs peuvent changer la donne. À commencer par la montée du Rassemblement National toujours plus grande sur notre territoire. « Le travail de député est l’un des premiers remparts contre cette impression d’abandon qu’ont les électeurs du RN. Je ne suis pas la pour juger leurs votes mais pour leur montrer par mes choix et actions, que ça doit changer. »

M.S