La restauration des milieux aquatiques est immense dans le Doubs, comme partout en France. Notre département ferait toutefois partie des endroits « où la situation est plutôt bonne, au regard de l’ensemble de notre zone de couverture », précise François Rollin, directeur de la délégation de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse à Besançon depuis 2018. Une manière d’atténuer les critiques, en particulier autour d’un modèle agricole, responsable de 90% des apports en nutriments (azote et phosphore) sur le massif du Jura, devant les rejets domestiques et industriels. Aux côtés de l’Agence de l’Eau, la préfecture du Doubs, le conseil départemental, l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue, l’EPAGE Doubs Dessoubre, l’EPTB Saône et Doubs et la Région prennent toujours le soin de choisir leurs mots quant au rôle de l’agriculture dans la pollution de l’environnement.

20 millions d’euros d’aides de l’Agence de l’eau

Face aux services de l’État, bon nombre d’associations, militants écologistes, pêcheurs et défenseurs de l’eau, multiplient les actions pour maintenir la pression (lire le reportage sur la journée de l’Eau, journal de Besançon, ndlr). « C’est peut-être aussi la raison de notre travail plus rapide ici qu’ailleurs », concède François Rollin. En trois ans sur le périmètre du plan rivières karstiques dans le Doubs, l’Agence de l’eau a apporté plus de 20 millions d’€ d’aides financières pour des travaux de réduction des pollutions et de restauration des fonctionnalités de milieux aquatiques. « C’est une bonne chose d’être bousculé pour défendre notre nature, de toujours vouloir en faire plus. Les agriculteurs sont les premiers concernés, l’environnement est avant tout leur lieu de travail », enchaîne Philippe Alpy, président de l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue. Outre l’apaisement, les services de l’État misent sur la transparence : « tous nos travaux, projets et données sont visibles sur un site internet dédié : doubs-eau.fr », rappelle Béatrix Loison, vice-présidente du conseil départemental chargée de la gestion et de la préservation du patrimoine naturel.

Les fromageries désormais toutes conformes

Du côté de la préfecture, la surveillance puis l’accompagnement et quelques sanctions engagées contre les fromageries non-conformes ces dernières années, démontrent toutefois l’étendue des dégâts et l’urgence de la « reconquête » des milieux. Les premiers effets positifs pour l’environnement sont visibles. Dans le département, les 29 établissements de transformation du lait suivis pour non-conformité sont désormais aux normes, en particulier sur leurs rejets. « Certaines fromageries décident même d’aller plus loin pour encore améliorer leur performance environnementale », se satisfait le préfet. À cela s’ajoute la surveillance intensifiée de la brigade de gendarmerie spécialement dédiée à l’environnement, 113 contrôles pour la préservation des milieux aquatiques. 83 % concernaient une mise en conformité, 9 % étaient des procédures administratives, 1 % de procédure judiciaire et 7 % d’avertissement. À cela s’ajoutent 123 contrôles de gestion qualitative de la ressource en eau dont 79 % de mises en conformité, 19 % d’avertissements, 1 % de procédure administrative et 1 % de procédure judiciaire.

La Rêverotte, symbole du travail de fond

L’autre volet concerne l’assainissement des rivières. Ce jeudi 20 mars, face à l’hôtel-restaurant du Gigot à Bretonvillers, François Cucherousset, président de l’EPAGE Doubs Dessoubre, présentait avec son équipe les travaux réalisés sur la Rêverotte. Un affluent du Dessoubre qui s’écoule sur 14 kilomètres depuis le lieu-dit Martinvaux près de Loray, où se trouve sa source. La totalité de la rivière a été réhabilitée grâce à 22 actions engagées depuis l’automne 2024. Des conduites forcées détruites, du reméandrage, des berges désenrochées avec retalutage ou encore renaturation sur 2,4 kilomètres… « le montant total de ces travaux s’élève à 410 000 €. Nous avons ôté des buses afin de retrouver des sédiments qui agissent comme des filtres naturels dans l’eau », commente François Cucherousset.

Satisfaits, les services de l’État n’en restent pas moins pragmatiques : « c’est une goutte d’eau, dans l’immense travail qu’il reste à faire », ajoute Philippe Alpy, soucieux de rappeler le rôle important joué par l’Union européenne dans ce travail de reconquête des milieux aquatiques. « Nous entamons notre troisième programme Life Tourbières. C’est une action directe dans la lutte contre le réchauffement climatique qu’il ne faut pas lâcher. Ça profite à tout un territoire. »

Le programme NUTRI-KARST

Par son programme NUTRI-KARST, cogéré avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BGRM, la chambre d’Agriculture veut préciser et chiffrer l’impact environnemental réel des pratiques culturales. Un premier bilan, présenté à la fin de l’année 2025, détaillera les actions à engager. Les résultats déjà disponibles sont sur le site doubs-eau.fr.  L’Agence de l’eau prévoit déjà 25 % de financements supplémentaire pour ces projets à venir, prélevés sur l’augmentation des planchers du taux de redevance imposé aux industries dans le cadre environnemental.  « Je ne connais pas un agriculteur qui refuserait de changer ses pratiques s’il y a une meilleure solution », commente François Rollin. « Encore faut-il pouvoir changer. La zone Comté, grâce à son cahier des charges, est vraiment en bon état contrairement à d’autres régions. On travaille toujours pour s’améliorer mais une fois que l’on sait ce qu’il faut faire, reste une question essentielle : qui paye ? »