Stéphane Beaudoux, chef de Corps des Sapeurs-Pompiers du Doubs

La société évolue et les sapeurs-pompiers en sont les premiers témoins avec des conséquences sur le volontariat. Le Service Départemental d’Incendie et de Secours doit donc se réorganiser et anticiper pour préserver proximité et efficacité.

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Le modèle de sécurité civile à la française est-il menacé ?

En ce qui concerne la couverture du territoire par les sapeurs-pompiers repose à 80% sur des volontaires. Or nous avons fait plusieurs constats, à commencer par les difficultés opérationnelles prégnantes des centre de secours dont l’une des conséquences est parfois une rupture de service lors des journées ouvrées, aux heures où ces volontaires sont au travail. Il arrive donc qu’il soit nécessaire de solliciter les centres voisins, plus éloignés, ce qui allonge le temps d’intervention et peut avoir des conséquences graves que ce soit en cas de secours à personne ou d’incendie.

L’Europe met-elle en péril le volontariat à la française ?

C’est une directive européenne qui évoque la protection des travailleurs qui est en cause. Sur cette base, la cour de justice européenne a déjà reconnu la qualité de travailleur à un pompier volontaire belge, ce qui a d’ailleurs aussi été le cas en France pour un tribunal administratif. Une application généralisée de ce texte obligerait les volontaires à observer des temps de repos entre leur travail et leur engagement, à limiter leur nombre d’heures…donc leur disponibilité chuterait forcément et c’est tout notre modèle de sécurité civile qui serait en péril, chez les sapeurs-pompiers comme dans les associations telles que la Croix-Rouge ou la Protection Civile par exemple. La Fédération Nationale des Sapeurs-pompiers de France milite pour qu’une autre directive reconnaisse l’engagement citoyen, question que le ministre de l’intérieur abordera sans doute lors d’un « Bauveau de la sécurité civile » qui a été annoncé…

 

Le nombre des interventions ne cesse de s’accroitre. Pourquoi ?

C’est en effet un autre constat avec beaucoup trop de sollicitations pour les sapeurs-pompiers volontaires qui pour certains ont vu le nombre d’interventions doubler en quelques années seulement. C’est un élément qui peut s’avérer décourageant et entrainer de la fatigue et par conséquent moins d’envie de se rendre disponible.

Nous ne voyons plus et ne verrons sans doute plus de longues carrières de plusieurs dizaines d’années de volontariat comme par le passé. Aujourd’hui, l’engagement est en moyenne de 12 ans environ, ce qui entraine un turn-over important. Nous estimons à 250 le nombre d’arrivées chaque année et environ autant de départs. Il faut donc recruter sans cesse et former ces personnes.

 

Comment réagir face à ces constats ?

Du côté du SDIS, nous faisons notre possible pour lutter contre cette augmentation constante en travaillant avec l’agence régionale de santé pour les ambulanciers privés afin que les sapeurs-pompiers puissent se concentrer sur leurs missions et que nous n’ayons pas à assumer d’autres tâches qui ne nous reviennent pas. Mais le vieillissement de la population avec un maintien à domicile de plus en plus tard, les carences médicales et d’autres paramètres sociaux expliquent ce phénomène.

Aujourd’hui, nous sommes arrivés à la fin d’un système, pas seulement dans le Doubs et pas seulement pour les sapeurs-pompiers mais pour l’ensemble des acteurs de la sécurité civile en France. La société est plus individualiste et face au consumérisme des services qui entraine de mauvaises habitudes.

 

Le SDIS s’est donc réorganisé. Comment avez-vous procédé ?

Nous avons voulu apporter un appui de proximité avec la création de 12 compagnies qui sont venues se substituer aux 3 groupements territoriaux. En calquant sur les bassins de vie, nous rassemblons de 4 à 9 casernes soit environ 150 à 400 sapeurs-pompiers dans une même entité sous le commandement d’officiers professionnels. La volonté est d’accompagner les volontaires en étant au plus proche d’eux comme des élus locaux d’ailleurs. Une 13ème compagnie sera également créée, une compagnie de réserve de volontaires qui permettra à des sapeurs-pompiers non affectés de venir ponctuellement en renfort dans les CS, en garde postée ou sur des interventions importantes.

Evoquons vos missions : comment évoluent-elles ?

Le réchauffement climatique provoque de nouveaux risques comme des inondations, des phénomènes météorologiques extrêmes et peut-être à l’avenir des feux de forêts. Le SDACR, schéma départemental d’analyse et de couverture des risques sur lequel nous travaillons doit prendre en compte cette évolution et nous devons pouvoir y répondre avec notamment des moyens matériels adaptés et du personnel formé.