Région. Un contexte difficile pour les entreprises en Bourgogne Franche-Comté

Le mardi 18 février 2025, Laurent Quinet, Directeur départemental de la Banque de France du Doubs a brossé le portrait de l’économie régionale, dans un contexte national marqué par les incertitudes politiques et économiques.

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Portrait de Laurent Quinet
Laurent Quinet, Directeur départemental de la Banque de France du Doubs ©YQ

Selon les projections macroéconomiques publiées par l’établissement bancaire en décembre 2024, l’activité restera au ralenti en 2025. Les mesures budgétaires affecteront la demande intérieure, d’autant que l’incertitude géopolitique incite les ménages à épargner (guerre en Ukraine, situation au Proche-Orient et les nouvelles relations transatlantiques).

Selon la Banque de France, la croissance rebondirait en 2026 portée par la détente des taux d’intérêt, permettant la reprise des investissements privés et la consommation des ménages. Les projections indiquent une croissance de 1,3% en 2026 et 2027 contre 0,9% en 2025.

La situation de l’Allemagne (premier client et premier fournisseur de la France) est plus inquiétante. Berlin table sur une croissance de 0,2% en 2025 remontant à 0,8% et 0,9% en 2026 et 2027.

L’inflation continuerait à diminuer

Après une moyenne annuelle de 5,7% en 2023, elle a baissé à 2,4% en 2024 et devrait atteindre 1,6% en 2025 pour s’inscrire durablement en dessous de 2%. Cette belle perspective a incité l’Eurosystème à assouplir sa politique monétaire. En janvier 2025 le taux de dépôt a reculé pour atteindre 2,75%. C’est une baisse de 1,25 point de pourcentage depuis le pic de septembre 2023.

Incertitude régionale dans le contexte politique national

L’enquête a été réalisée par la Banque de France auprès d’un échantillon de 1258 entreprises régionales de l’industrie, du commerce et des services marchands, des activités de tourisme et de loisirs et de la construction. Après une période d’optimisme relatif sur l’année 2023, les chefs d’entreprises de la région sont à nouveau dans l’incertitude depuis la dissolution de l’été dernier et l’absence de stabilité législative.

L’activité des entreprises est peu dynamique dans tous les secteurs, notamment dans le bâtiment et l’industrie où les carnets de commandes continuent de se dégrader. Le second œuvre du bâtiment se maintient grâce aux travaux de rénovation. Moins d’investissements, c’est aussi moins de recours aux crédits bancaires malgré des taux plus attractifs.

6 683 créations d’entreprises en 2024 dans le Doubs

La progression est sensible, de 8,3%, soutenue par l’arrivée de micro entreprises. Ce bon résultat de façade cache la réalité : la vie des micro entreprises est par définition assez volatile.

4 717 défaillances d’entreprises

Les défaillances (redressements et liquidations judiciaires) ont été plus nombreuses à partir du second semestre 2024.

Hausse du chômage

La baisse de l’activité et les défaillances d’entreprises ont eu pour effet un accroissement du nombre de demandeurs d’emploi sur l’ensemble de la région, et notamment dans le Haut-Doubs liée à la réduction du nombre de contrats de frontaliers dans l’industrie du luxe suisse.

Les perspectives en Bourgogne Franche-Comté en 2025

*Dans l’industrie, les entreprises prévoient une hausse de la rentabilité dans 36% des cas, stable dans 49% des entreprises et en baisse pour 15%. Le chiffre d’affaires continue à augmenter malgré des volumes inférieurs, démontrant une meilleure rentabilité. Les effectifs pourraient diminuer de 0,8%.

C’est l’agroalimentaire et les matériels de transport qui augmenteraient le plus (respectivement de 1,6% et 1,8%).

*Dans les services marchands, les entreprises prévoient une augmentation de chiffre d’affaires de 1,9% (+0,1% en volume) pour des effectifs en progression de 0,4%. 54% des entreprises parient sur une stabilité de la rentabilité.

*La construction poursuit son recul avec une baisse de 1,7% de la production totale (-2,8% en volume) et une réduction de l’emploi de 1,9%. 7 entreprises sur 10 prévoient la stabilité de leur rentabilité en 2025.

Des défis difficiles à relever

Le déficit public se situera entre 5 et 5,5% du PIB en 2025. La dette atteindra près de 120% du PIB quand la moyenne de la zone Euro se situe à 90% !

Le taux de chômage va continuer à se dégrader en 2025 et 2026, avant de retrouver un taux quand même supérieur à 7% en 2027. De nombreux chefs d’entreprises considèrent la réindustrialisation de la France comme un leurre, à l’exception de niches à haute valeur ajoutée, mais ne permettant pas une réduction significative du chômage. La croissance de la France continuera à être portée par la consommation intérieure (les salaires progressent plus vite que l’inflation) et la commande publique (et donc le déficit). Les récentes déclarations sur l’augmentation de la fiscalité des entreprises (taxation de 2% des capitaux et augmentation du Versement Mobilités régional) ne rassurent pas les chefs d’entreprises.

Le nouveau contexte international consécutif à l’élection américaine pourrait encore augmenter l’incertitude. Les droits de douane des produits chinois aux USA pourraient réorienter les exportations chinoises vers le continent européen « ventre mou du commerce mondial ». Seule la dépréciation de l’Euro face au dollar pourrait redonner du baume au cœur des exportateurs européens.

Yves Quemeneur