Lors de la construction de cet ouvrage en aval de Villers-le-Lac, là où le Doubs s’enfonce dans une vallée profonde et sinueuse, formant de profondes gorges, cernées de hautes falaises calcaires, des hommes avaient décidé d’ériger entre France et Suisse un barrage, celui du Châtelot, avec une retenue d’eau d’une hauteur de 74 mètres permettant de transformer la force hydraulique en électricité. D’autres chiffres qui vous donnent une idée du gigantisme de ce chantier. « On a utilisé 18500 tonnes de ciment, 113 000 de graviers, 411 de fer, 11 428 m3 de bois ou encore 72 tonnes d’explosifs, ces quelques chiffres suffisent à montrer l’importance du chantier qui a occupé près de 2000 ouvriers de 1950 à 1953 », détaille l’auteur ajoutant que « le couronnement du barrage est long de 150 mètres. Le volume du lac de Moron est de 18,7 millions de m3. La puissance installée est de 45 Mégawatts ». Cet ouvrage binational produit ainsi l’énergie nécessaire à la consommation de près de 20 000 ménages.
Une longue histoire
De nombreux projets ont existé un siècle avant le milieu du XXème siècle et dès les années 20, des demandes de concession ont été déposées en Suisse et en France. Mais les différentes crises financières et politiques qui vont suivre ont eu raison de ces projets. Il faut ensuite attendre 1947, pour qu’une concession soit accordée au syndicat créé par les deux pays avec pour nom « Société des Forces Motrices du Châtelot » qui se transformera l’année suivante en « Société anonyme des Forces Motrices du Châtelot » dont le siège est à La Chaux-de-Fonds. «
Un chantier hors du commun
En juillet 1950, les ingénieurs et les premiers ouvriers arrivent sur le chantier. Les premiers coups de pioche sont donnés. « Il s’agit d’abord de créer le chemin d’accès au chantier puis installer des rails pour acheminer le nécessaire sur place grâce à des wagonnets et d’aménager les baraquements pour les ouvriers qui ont dû faire face aux crues successives, au froid et subissant par ailleurs les conséquences d’une promiscuité pesante ». Au fil des années de construction de l’édifice, des accidents ont eu lieu sur le chantier, des rixes également. Plusieurs morts ont été à déplorer.
C’est finalement en février 1953 qu’on procède aux essais du premier groupe et dès juin, l’usine travaille avec les deux groupes grâce aux fortes pluies. L’inauguration officielle a lieu le 10 octobre 1953. Aujourd’hui encore, Groupe E en assure la gestion et l’exploitation au nom des partenaires (EDF, Groupe E, La Société des Forces Electriques de la Goule et Le Canton de Neuchâtel) et ce jusqu’en 2028, date à laquelle la concession sera renouvelée. « On ne sait pas encore à qui elle sera confiée ».
Le Châtelot peut-il céder ?
La France compte environ 2600 barrages dont 600 de plus de 10 mètres de haut. Les accidents sont très rares. Il y en a eu deux importants en France faisant un peu plus de 500 morts : barrage de Bouzey dans les Vosges en 1895 et celui de Malpasset dans le Var en 1959. « Si les accidents sont peu nombreux, c’est le résultat des efforts poursuivis inlassablement pour entretenir ces ouvrages. Le barrage du Châtelot a effectivement plus de 70 ans mais l’âge n’est pas un facteur de risque en soi. Il existe des vieux barrages très en forme… »
Qu’on se rassure, la surveillance est constante avec de fréquentes inspections visuelles et des mesures sur le barrage et ses appuis. Il existe néanmoins comme partout une carte du risque représentant les zones menacées par l’onde de submersion qui résulterait d’une rupture totale de l’ouvrage. On y trouve la hauteur et la vitesse de l’eau, le délai de passage de l’onde qui pourrait se traduire par une élévation brutale du niveau de l’eau à l’aval jusqu’à 15 m.