Faut-il craindre le retour de l’inflation ?

L’estimation publiée le 7 janvier par Eurostat fait état d’un taux d’inflation de 5% sur un an dans la zone euro, essentiellement dû à la flambée des prix de l’énergie. C’est le plus haut niveau atteint depuis deux décennies.

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Quelle inflation en France en 2022 - DR

L’inflation avait déjà enregistré un bond historique en novembre 2021 à 4,9% sur l’ensemble des 19 pays de la zone euro, bien au-delà des objectifs de la Banque Centrale Européenne (BCE) qui situait l’inflation à 2%.

Pour la banque centrale dirigée par Christine Lagarde, cette hausse de l’inflation, liée à l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité, est transitoire. Pourtant, de l’autre côté de l’Atlantique où l’inflation galope encore plus, les analystes de la FED (Réserve fédérale américaine) ont supprimé dans leurs dernières notes de conjoncture le qualificatif de « transitoire ».

Retour au calme prévu en 2023

L’institut de statistiques européen a noté une hausse annuelle des prix de l’énergie à 26% en 2021. Dans le même temps, les produits alimentaires n’ont augmenté que de 3,2% (intégrant alcool et tabac), les biens industriels ont progressé de 2,9% et les services de 2,4%. Il s’agit, faut-il le rappeler d’une moyenne européenne. La BCE a relevé ses prévisions d’inflation en 2022 à 3,2% et prévoit un retour sous le seuil de 2% au mieux en 2023.

Toutefois Christine Lagarde ne prévoit pas de relèvement des taux directeurs de la banque centrale européenne qui demeurent très bas.

Pour certains économistes comme Bert Collijn (économiste à la banque ING) « les taux d’inflation vont baisser en ce début d’année, la hausse de l’énergie va se calmer » ! La France reste « bonne élève » de la zone euro. En décembre, la hausse de prix en France est restée contenue à 3,4%. Elle était de 6,7% en Espagne et de 5,7% en Allemagne.

La hausse des prix touche aussi la Franche-Comté

« La prévision d’inflation en France pour 2022 serait de 2,5%, largement en deçà des prévisions européennes d’Eurostat. Les analystes de la Banque de France estiment un taux d’inflation à 1,8% en 2023 » selon Jean-Luc Mesure, Directeur départemental du Doubs de la Banque de France.

Le directeur de la Banque de France est plus rassurant sur le prix des matières premières agricoles : « les hausses de prix des matières agricoles ont beaucoup augmenté en 2021 en particulier sur les marchés à terme. Tout au long de la chaîne de valeur, ce niveau de variation des prix s’atténue partiellement par la compression des marges et par l’augmentation des gains de productivité réalisés par les entreprises de notre région ».

Sur le plan industriel, Jean-Luc Mesure note « la prise en compte de la décarbonation de l’économie dans le rebond de l’inflation et la croissance économique qui provoque des goulets d’étranglement dans l’approvisionnement des semi-conducteurs ou du bois ».

Il cite enfin « la pénurie de main d’œuvre employable qui freine les capacités des entreprises locales ».

La hausse des salaires sera-t-elle au rendez-vous en 2022 ?

Le taux de chômage « relativement » faible particulièrement dans le département du Doubs et les difficultés de recrutement créent un rapport de force plutôt favorable aux salariés dans les négociations annuelles sur les salaires.

Pour Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) « les accords de branche prennent en compte l’inflation et donc les salaires devraient suivre ». Tout en restant prudent,  Eric Heyer considère « qu’il y a de grandes chances que les revenus progressent plus rapidement en 2022 que les années précédentes, entre une inflation plus élevée et les difficultés de recrutement ».

L’inflation rogne le pouvoir d’achat

Ce n’est pas vrai pour tout le monde. Les revenus des bénéficiaires de minima sociaux ou du SMIC sont indexés sur l’inflation. Théoriquement, il n’y a pas de perte de pouvoir d’achat. « A condition que l’inflation mesurée par l’INSEE reflète bien la consommation des personnes concernées ».

L’inflation c’est comme la météo, il y a l’inflation réelle et l’inflation ressentie. Si les produits achetés au quotidien augmentent de plus de 2,5%, il y a clairement une perte de pouvoir d’achat. Comme la hausse des prix est portée principalement par l’augmentation des prix de l’énergie, de l’alimentaire et des loyers, l’impact est très nettement négatif pour les ménages aux revenus les plus faibles, ces dépenses représentant une part beaucoup plus importante que chez les ménages plus aisés.

L’inflation fait également « des gagnants ». Les taux d’emprunt immobilier n’ont jamais été aussi bas. Si l’inflation devait se maintenir à un niveau plus élevé, les revenus progresseront plus vite tout en maintenant le taux d’emprunt au plus bas.

Une augmentation du salaire minimum a une incidence sur les salaires intermédiaires jusqu’à 1,6 fois le Smic. Au-delà, l’augmentation du salaire minimum a peu d’incidence. Eric Heyer note ainsi « si on considère que le salaire moyen en France se situe autour de 1,9 fois le Smic, son augmentation a peu d’incidence pour de nombreux salariés ».

Dans un environnement sanitaire et économique très incertain, la hausse de l’inflation, même à un niveau contenu, fera plus de perdants que de gagnants.

Yves Quemeneur