Le 22 mars 2023, date de la journée mondiale de l’eau, la ville de Gustave Courbet accueillait tout ce que la Franche-Comté compte de défenseurs de l’environnement et des rivières comtoises. Les militants d’Europe Ecologie Les Verts ont occupé la passerelle qui enjambe la rivière pour dire leur attachement à une rivière qui se dégrade depuis des années. Ils avaient organisé la même manifestation en 2010, alertant sur la mort prématurée des truites et des ombres, dans une rivière qui fut longtemps la destination rêvée des pêcheurs du monde entier. Ce mercredi 22 mars, Dominique Voynet, secrétaire régionale d’EELV et ancienne ministre de l’environnement de 1997 à 2001 sous le gouvernement Jospin (elle fut à l’origine de l’abandon du « Grand Canal ») était accompagnée d’Anne Vignot la Maire de Besançon, de Manon Silvant du collectif SOS Loue et Rivières comtoises, d’Alexandre Cheval de la fédération de pêche du Doubs et de nombreux militants de la cause environnementale.
Des propos « consensuels » de l’ancienne ministre
On retiendra le propos « consensuel » de Dominique Voynet « Nous n’avons pas d’ennemis, ni chez les agriculteurs, les fromagers, chez les pêcheurs ou les communes. Devant la mortalité des poissons et la dégradation de la qualité de l’eau, nous voulons que chacun prenne sa part…pour sauver la Loue ».
Parole à la décroissance ?
« On ne met pas assez de moyens pour régler le problème » souligne Manon Silvant de SOS Loue et Rivières Comtoises, très remontée contre la préfecture « Le préfet fait de la com’ avec des mises en demeure qui ne sont pas suivies d’actes ». Le collectif dénonce régulièrement la pollution des fromageries et de l’agriculture. Contrairement à Dominique Voynet, elle pointe « la responsabilité de la filière agricole ».
Le doute est une valeur scientifique
Invités par Isabelle Guillaume, la maire d’Ornans à l’occasion du lancement de « l’année de la Loue », c’est bien ce qu’ont démontré Pierre Marie Badot Professeur des Universités et François Degiorgi Maître de conférences à l’Université de Franche-Comté, tous deux associés dans un programme scientifique de recherches sur la Loue et les rivières karstiques.
« La Loue ne fonctionne pas au mieux depuis 20 ans » dénoncent-ils graphiques et calculs savants à l’appui devant près de 300 personnes réunies au Centre d’Animation et de loisirs. L’état physico-chimique de la rivière est dégradé, faisant régresser la faune piscicole. Pour autant, les analyses au fil de la dernière décennie démontrent une baisse du taux de pesticides.
Les Canalisateurs, les « oubliés » de la gestion de l’eau
Dans le même temps à Besançon, la branche « canalisations » de la Fédération Régionale des Travaux Publics avait convié élus, techniciens et entreprises à échanger sur la problématique de l’eau et de sa distribution. Et à découvrir l’excellent travail des apprentis de l’école des Travaux Publics de Bourgogne Franche Comté.
37 milliards de m³ d’eau/an prélevés en France
L’irrigation des cultures, souvent montrée du doigt, ne représente que 10% des prélèvements alors qu’elle contribue à nourrir la population. 4,7 milliards m³ sont utilisés pour alimenter les canaux et 5,4 milliards servent à l’alimentation en eau courante. En fait, plus de la moitié des prélèvements servent à produire de l’énergie et à refroidir les centrales thermiques et nucléaires.
Améliorer la performance des réseaux
Les Canalisateurs évaluent à 1 milliard de m³ le volume d’eau perdu chaque année en France. Sur l’agglomération bisontine, ce sont 3 millions de m³ d’eau potable perdus par an, soit 1 litre sur 5 qui disparaît sans être distribué. « Le chiffre est probablement surestimé », conteste Anne Vignot la Présidente de Grand Besançon. « Les entreprises ont un intérêt économique à ce que les collectivités améliorent leur réseau ». La Maire écologiste évoquait le sujet en aparté lors de la manifestation sur l’eau à Ornans. Mickaël Roux, le délégué régional des Canalisateurs de Bourgogne Franche-Comté admet une amélioration dans la rénovation des réseaux de distribution mais la perte reste importante.
Diminuer le gaspillage
La profession agit également auprès des pouvoirs publics et des collectivités pour réutiliser l’eau et ainsi diminuer les prélèvements. Moins de 1% des eaux usées rejetées est réutilisée en France contre 80% en Israël, 8% en Italie et 14% en Espagne dont une large part à usage agricole.
Les élus, techniciens et entreprises des réseaux d’eau constatent un gaspillage de l’eau de pluie depuis des décennies. Aujourd’hui, des lotissements neufs et certaines communes imposent un récupérateur d’eau pluviale pour chaque construction neuve. Les chiffres sont éloquents : en France, 500 milliards de m³ d’eau sont apportés par la pluie et la neige (dont 300 milliards de m³ évaporés).
Le « juste prix de l’eau »
Les élus ont du mal à parler « prix de l’eau ». Le sujet est sensible politiquement ! A Grand Besançon Métropole, qui a récupéré la compétence eau & assainissement des 68 communes de l’agglomération, l’option a été prise de converger vers un tarif unique et progressif selon la consommation (3 niveaux de tarification), tout comme sur le Grand Pontarlier.
Mickaël Roux, pour les Canalisateurs, reste convaincu que l’augmentation du prix de l’eau est inéluctable : « l’or bleu est une ressource rare et précieuse. Sa bonne gestion, la construction de nouvelles installations de traitement et l’entretien des réseaux existants n’a pas que des conséquences économiques. Mieux traiter en amont évite de soigner en aval ». Et le représentant des entreprises de canalisations de Bourgogne Franche-Comté de conclure « Permettre aux collectivités d’avoir le budget nécessaire à une bonne gestion de leur réseau d’eau revient à augmenter le tarif de l’ordre de 80€/an par ménage, soit moins de 8€/mois…le tarif de base d’un abonnement VOD ».
Les ateliers de travail entre élus, techniciens des collectivités et entreprises de travaux publics ont été prometteurs d’innovations futures et d’économies dans une gestion de l’eau harmonieuse et durable.