Le mythe des origines en miroir au temps présent
Le mythe de l’âge d’or (mais est-ce un mythe ?) raconte le moment originel de l’humanité où l’Homme vit en parfaite harmonie avec la nature, où toutes les espèces cohabitent harmonieusement, où la nature généreuse et abondante pourvoit à tous les besoins.
L’exposition, au travers de nombreuses œuvres depuis la Renaissance à la fin du XIXe siècle, fait le récit des quatre âges de l’humanité. Le parcours suit « Les métamorphoses » du poète romain Ovide de l’âge d’abondance au déclin inéluctable de la condition humaine jusqu’à sa déchéance.
A Ovide qui évoque un « monde fini » et le déclin irrémédiable de la civilisation, l’autre grand poète romain Virgile introduit l’idée du cycle des âges et donc le possible retour de l’âge d’or.
Ces deux récits du mythe de l’âge d’or sont des réflexions morales et philosophiques sur la condition humaine que l’on retrouve aujourd’hui dans certaines pensées politiques. Le passage de l’âge d’or à l’âge de fer est celui du passage de l’oisiveté au travail. Sandrine Rousseau croit-elle au retour de l’âge d’or quand elle prône « le droit à la paresse » ?
Récit plus historique et philosophique, l’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt adapte le récit des quatre âges de l’humanité dans « Les paradis perdus ».
La Renaissance redécouvre les textes antiques
L’extraordinaire production artistique de cette époque bénie de la Renaissance fait référence au mythe de l’âge d’or. Les commandes princières, comme celles des Médicis, symbolisaient la richesse et la puissance des élites politiques de l’époque florentine. L’exposition présente en particulier deux versions de « l’âge d’or » commandées à Giorgio Vasari (1511-1574) et Jacopo Zucchi (1542-1596).
Les deux peintres italiens présentent l’âge d’or comme « un lieu idyllique bordé de chênes et traversé par des fleuves de lait et de nectar où des rondes de danseurs (femmes et hommes) y évoluent, s’enlacent, symbole de paix et d’abondance ». La description pourrait faire penser pour certains mauvais esprits à l’actuel mouvement « d’éco sexualité » dont les médias se sont fait l’écho récemment à Lyon !
Le parcours emmène ensuite les visiteurs vers le XIXe siècle où ressurgit le mythe de l’âge d’or. Ingres peignant « les beaux paresseux » ou Matisse décrivant son « bonheur de vivre ».
« L’âge d’or n’est pas encore derrière nous… »
Benjamin Foudral et Elinor Myara Kelif, co-commissaires de l’exposition, ont lié la notion d’harmonie comme élément constitutif du mythe. L’idéal d’une société nouvelle, présent dans les textes de l’utopie politique et sociale (de Thomas More à Charles Fourier) trouve un écho chez les artistes comme le républicain Paul Millet (1844-1918) ou l’anarchiste Paul Signac (1863-1935). L’exposition présente des œuvres mettant en valeur ces peintres, apôtres de l’art social, agissant pour l’émancipation du peuple.
« Gustave Courbet un penseur de l’âge d’or »
« Le chêne de Flagey » en est l’illustration. Au XIXe siècle, les artistes déclinent leurs rêves de bonheur, nostalgiques d’un temps passé révolu ou visions d’un futur radieux. Outre l’une des œuvres majeures de Courbet, l’exposition présente l’émergence du « primitivisme » au travers de Paul Gauguin (1848-1903), Henri Matisse (1869-1954) ou André Derain (1880-1954). Ils transcrivent dans leurs toiles les lieux ou populations dites primitives où le sentiment de nature domine.
Une exposition majeure à ne pas manquer du 24 juin au 1er octobre 2023 au Musée Courbet d’Ornans. Dans le pays du maître de la peinture réaliste, au travers de 57 œuvres toutes exceptionnelles, Benjamin Foudral met en opposition l’idée d’un monde fini cher à Ovide et celle du retour possible d’un monde idéal prôné par Virgile. Cette exposition est également l’expression d’une réflexion sur le temps long, si peu développée dans l’univers politique actuel.
Yves Quemeneur
+ d’infos www.musee-courbet.fr