Édito. Avec les sénatoriales, l’ombre des doléances

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Ce dimanche 24 septembre, le grand public a suivi avec impatience le résultat des élections sénatoriales 2023… ou pas. Scrutin où sont appelés aux urnes uniquement de grands électeurs pour renouveler le palais du Luxembourg tous les trois ans, le Sénat est souvent pointé du doigt par la population comme coûteux et inutile. En 2019, sa suppression faisait partie des doléances souhaitées par les français, après le tumultueux épisode des gilets jaunes. Ces fameux cahiers « d’expression citoyenne », initiés par Emmanuel Macron dans le cadre du Grand Débat national pour apaiser la colère de la population. L’écran de fumée, bien aidé par la crise sanitaire, a porté ses fruits : les doléances sont consultables dans les différentes archives départementales mais n’ont pour l’heure jamais été utilisées (170 cahiers dans le Doubs).

Exercice démocratique utile, bien compris et surtout saisit par la population, ces cahiers auraient dû servir d’alerte au gouvernement et aux élus : à l’intérieur, on y retrouve des Français inquiets par une pauvreté grandissante, le sentiment d’une caste politique corrompue, une connivence entre pouvoir politique, économique et médiatique. Des demandes de services de proximité aussi, une volonté écologique ou l’encadrement des loyers. C’était il y a quatre ans. Le fossé entre les Français et la vie politique ne cesse de s’agrandir depuis, incarné notamment par le Sénat. Érigé en symbole du contre-pouvoir, avec un ancrage rural mécaniquement plus fort que sa voisine du Palais Bourbon, les résultats de ce dimanche 24 septembre confortent la conformité.

Au premier tour des dernières élections présidentielles, le scrutin le plus suivi par la population (73,69% de votants en 2022), Valérie Pécresse et Les Républicains obtiennent 4,78% des suffrages. Anne Hidalgo et le PS culminent à 1,75%, Fabien Roussel et le PCF 2,28%, quand Yannick Jadot et EELV s’envolent à 4,63%. Ce dimanche au Sénat, ces quatre groupes politiques et leurs alliés ont récupéré 128 sièges sur 170 renouvelés. Le camp présidentiel en compte 38 et perd des places stratégiques comme à Paris. Le Rassemblement National revient (3 sièges) quand La France Insoumise, incapable de s’entendre avec « l’autre » gauche (ou inversement ?), repart bredouille. Faut-il alors réformer l’institution ? Les perdants en sont certains, les élus des élus, eux, éludent la question.