Édito. La chagas identitaire

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Cela passe peut-être inaperçu dans votre calendrier mais chaque année, au cours de la deuxième semaine du mois d’avril, le monde vit la journée mondiale de la maladie de Chagas. Derrière ce nom aux allures d’insulte tout droit sortie de la bouche d’une candidate de téléréalité, une maladie également appelée « maladie silencieuse et passée sous silence », d’après la définition officielle de l’OMS. Six à sept millions de personnes souffrent de cette infection qui « sévit principalement au sein des populations pauvres dépourvues d’influence politique et d’accès aux soins de santé. La maladie progresse lentement et la plupart des personnes infectées ne présentent pas de symptômes. »

La France et le Doubs ne sont pas épargnés et les populations les plus vulnérables sont rapidement touchées par l’un de ses variants historiques : la mouvance identitaire. La même semaine, nous avons d’abord eu le droit à une interview de Mila sur BFM TV. Cette jeune femme menacée de mort en 2020 pour avoir insulté l’islam est depuis quatre ans l’étendard du droit au blasphème. La notoriété lui plaît. Elle revendique aujourd’hui son virage (ultra)nationaliste, au nom de la liberté d’expression. Les « philosophes » et éditorialistes qui avaient légitimité à l’époque cette adolescente en manque de repères, sortent les rames. Aujourd’hui Mila navigue aux côtés d’un collectif d’extrême-droite néo-féministe Némésis. Leur dernier coup de projecteur ? S’incruster au carnaval de Besançon pour brandir des pancartes « Violeurs étrangers dehors ». La maire Anne Vignot a porté plainte pour incitation à la haine raciale et l’une des « militantes » a terminé sa journée en garde à vue. Qu’a fait Mila en retour ? Exactement ce qu’elle a subi en 2020 : participer au harcèlement de la personne jugée responsable de cette arrestation. Ou plutôt deux responsables : Anne Vignot donc et le procureur de Besançon, Étienne Manteaux. La sphère identitaire s’est ruée sur l’affaire et des cyberharceleurs seront bientôt jugés pour leurs menaces. En parallèle, les élus de l’extrême-droite en Bourgogne Franche-Comté ont montré leur soutien au collectif Némésis en brandissant des pancartes identiques lors du conseil régional. Signe d’une infection très avancée à ce variant nationaliste, le conseiller Thomas Lutz (RN) a même emprunté une expression nazie au cours de cette action.

M.S