France. L’agriculture française veut-elle vraiment changer ?

Alors que le gouvernement a annoncé quelques mesures urgentes pour tenter de contenir la pression de la filière agricole, la Cour européenne des comptes estime que la politique agricole commune (PAC) menée en France n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques fixés par le pacte vert.

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Le Sommet de l’élevage à Cournon est un premier test pour le gouvernement Barnier. Voilà quinze jours que le syndicat agricole majoritaire en France, la FNSEA, attend des annonces pour répondre à l’urgence de la situation des éleveurs ovins et bovins, dont les troupeaux sont aujourd’hui victimes de plusieurs maladies. Un ultimatum respecté sur le fil par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, avant de laisser son Premier ministre Michel Barnier, fixer d’autres mesures : des prêts garantis par l’État pour soutenir financièrement les exploitations en difficulté, le report du 1er octobre au 15 novembre du délai fixé pour les travaux d’épandage face aux pluies torrentielles des dernières semaines dans les champs, ou encore le calendrier de la loi d’orientation agricole, dont l’étude est prévue pour le mois de janvier.

Des mesures d’urgences, quand dans le même temps la Cour européenne des comptes dévoile le 30 septembre son rapport spécial sur les plans stratégiques nationaux (PSN) relevant de la politique agricole commune, après avoir observé quatre pays de l’Union, dont la France. Une soixantaine de pages à l’intérieur desquelles les auteurs estiment que l’Hexagone est bien loin des ambitions climatiques et environnementales fixées par la Commission européenne. Alors même que cette dernière, en réponse aux multiples manifestations agricoles dans plusieurs pays membres, est revenue sur certains de ses propres objectifs préalablement établis lors de l’instauration de cette PAC 2023-2027, en allégeant les conditions environnementales nécessaires à l’obtention de certaines aides. Les eurodéputés conservateurs, majoritaires à l’issue des dernières élections, devraient maintenir cette ligne.

 

Au niveau local pourtant, les enjeux environnementaux autour de l’agriculture restent inchangés. « Notre PSN régional a été validé depuis deux ans avec des appels à projet en lien. On n’est pas prêt à changer son sens. Simplifier l’administratif, c’est une chose nécessaire, mais le Pacte Vert et l’adaptation de l’agriculture française, c’est le sens de l’histoire. Quand j’échange avec les agriculteurs, tout le monde comprend cette nécessité. Il faut savoir faire preuve de fermeté. Pour moi cet assouplissement des règles est un retour en arrière qui va porter préjudice à la filière », commente Christian Morel, vice-président en charge de l’agriculture, la viticulture et l’agroalimentaire à la Région Bourgogne Franche-Comté.

 

Élections aux chambres départementales d’agriculture en toile de fond

 

Au cœur de cette filière agricole prise en étau entre cette transition écologique urgente et la condition de ces acteurs pour vivre dignement de leur travail, les syndicats s’opposent quant au modèle à suivre alors que s’ouvre la campagne pour les élections des chambres interdépartementales (la date limite est fixée au 31 janvier 2025).

 

Syndicats majoritaires en France, la FNSEA, ses antennes départementales et les Jeunes Agriculteurs (JA) ont joué les premiers rôles au plus haut de la contestation agricole l’hiver dernier. Face à une situation politique figée à l’été et une loi d’orientation agricole en attente, les deux syndicats ont conçu un nouveau texte, présenté à la fin du mois d’août, au titre explicite : « Loi entreprendre en agriculture ». Pas de révolution agroécologique mais 76 pages de propositions pour soutenir les finances des agriculteurs, assurer une souveraineté française et refuser « l’interdiction sans solution ». « Je ne sais pas comment prendre ce rapport de la Cour européenne car j’ai plutôt l’impression que la France a fait beaucoup d’efforts, surtout si l’on compare à d’autres pays. », glisse Florent Dornier, président de la FDSEA du Doubs. « On peut toujours faire plus oui, mais aujourd’hui par exemple je vois des agriculteurs passés en biologique revenir sur du conventionnel car ça ne fonctionne plus. C’est un juste milieu à trouver entre les effets d’annonces liés à l’environnement et le besoin d’avoir une souveraineté alimentaire. La crise passée revendiquait surtout un prix décent à nos produits. »

 

Vendredi 4 octobre à Orchamps-Vennes, la Confédération Paysanne organisait des ateliers avec la présence de Marc Dufumier, pionnier de l’agroécologie et défenseur d’une révolution agricole complète. « Il y avait des mesures très saines dans ce premier Green Deal. La mise en œuvre a été sabordée, les agriculteurs d’Europe et de France ont été trahis par cette manœuvre. », analyse l’enseignant-chercheur et agronome.

« Cette transition vers une agroécologie durable peut s’inspirer des pays du Sud. Ce n’est pas être archaïque ou rétrograde. Ils sont au cœur d’un écosystème d’une incroyable complexité qui peut être utilisé sans rien coûter. Transposer ce modèle en France serait bénéfique, à conditions de produire parfois moins mais mieux. En revanche, il faut être honnête, ce mode alternatif passe par une agriculture artisanale, bichonnée, intense en travail donc en emplois. Cela signifie de rémunérer l’agriculteur en fonction de son travail et non de la taille de la surface exploitée. Il faut être efficient sur les ressources. » Derrière ce discours synthétique, Marc Dufumier s’est appliqué à présenter les moyens techniques pour ce changement au cours d’une conférence sur ce thème bien précis : comment relever le défi d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement ?

 

D’un point de vue local, la Région BFC pousse toujours pour plus de contractualisation entre « le monde animal et le monde végétal local » afin de maintenir une autonomie comme avec le dispositif Profilait, dont la phase expérimentale, a débuté en 2024.

 

 

Encadré : La PAC est aujourd’hui le premier budget de l’Union européenne avec 58,3 milliards d’€ versés dont 9 milliards à la France, quand l’agriculture représente 13% des émissions de gaz à effet de serre.