À quelques jours du lancement de la saison hivernale 2024-2025 pour la station de Métabief, Michel Morel, maire de Jougne dégaine. Ou plutôt contre-attaque. Signe que la tension autour de la fermeture du secteur Piquemiette, annoncée à la surprise générale, n’est pas redescendue. « J’éprouve une grande déception mais je suis aussi dans une démarche de construction. Pour construire, il faut toutefois savoir d’où l’on part ». C’est pourtant bien un article de nos confrères de La Presse Pontissalienne, paru en octobre, qui a poussé Michel Morel à répondre. À l’intérieur, Philippe Alpy, vice-président au Département du Doubs, gestionnaire de la station via le Syndicat Mixte du Mont d’Or (SMMO), cible le maire du Jougne en rappelant le virage manqué dans les années 90 quant à la modernisation de la station. Une époque « où Michel Morel était conseiller général ».
Chronique d’une succession d’échecs depuis 35 ans
Inconcevable pour le maire de Jougne de « laisser entendre que je n’aurais été guère actif sur le sujet et porterais une responsabilité dans la situation actuelle. », écrit l’élu dans une lettre précédant un long, très long et minutieux droit de réponse, envoyé à des dizaines de conseillers du Département du Doubs, ce jeudi 28 novembre. Quarante pages à l’intérieur desquelles l’élu, « en repassant des tonnes de coups de fil pendant plus d’un mois », se replonge dans l’histoire de la station, « pour rappeler les responsabilités de chacun dans la situation actuelle ». Le dossier porte un titre explicite : « Métabief et le tourisme dans le Haut-Doubs 1979-2024, chronique d’une succession d’échecs depuis 35 ans. »
La faillite annoncée depuis 30 ans, « mettre autant d’argent interpelle »
Dans son rapport, l’élu tire d’abord un bilan financier de l’argent public investit sur la station en 35 ans. L’addition est conséquente : près de 200 millions d’€ investis en 35 ans « dont 2/3 pour le seul Département du Doubs ! », écrit Michel Morel. « Et pour quels résultats ? 2/3 des hôtels ont fermé, villages vacances, logements meublés… La réduction de nuitées à 550 000 et une activité touristique qui ne pèse plus que 2 à 3% des emplois et du chiffre d’affaires sur le territoire. Mettre autant d’argent pour un système dont la faillite a été annoncée depuis 30 ans interpelle. »
Michel Morel rappelle qu’une fermeture de Métabief, plus que jamais envisagée à très court terme, a déjà été évoquée en 1989, puis 1994 avant d’être clairement envisagée en 1999 (« rapport interne au Département daté d’avril 1999 »). Repoussée depuis, elle lui paraît aujourd’hui inévitable. « La fatalité du changement climatique ne doit pas masquer le déni officiel dans lequel se sont enfermés les pouvoirs publics depuis des décennies. »
Les acteurs socioprofessionnels visés
Les acteurs socioprofessionnels de la station, en particulier sur le secteur de Métabief de 1979 à 2010, sont visés à plusieurs reprises et jugés clairement responsables de plusieurs échecs. Parmi tous les projets abandonnés ou avortés, l’élu s’appuie sur deux exemples : le projet de centre européen du VTT et la création d’un réseau international des stations VTT. Deux idées nées après les succès des Championnats du Monde et d’Europe en 1993 et 1994 sur la station. « La réunion virera au « massacre » […] en raison des comportements inadmissibles des acteurs locaux. », rappelle le maire de Jougne sans donner plus de détails, précisant juste que les comportements de « trop nombreux socioprofessionnels et personnages du secteur » auraient poussé les décideurs du Conseil général à tout stopper. Premier échec.
Michel Morel revient ensuite sur l’étude SETEL, qui dès 1997 préconise trois solutions dont un vaste plan de Relance supporté par les crédits disponibles dans le Contrat de Plan État-Région signé trois ans plus tôt. « Il y avait trois parties concernées avec des engagements à tenir. Le Département a négocié un plan pluriannuel d’investissements avec l’État et la Région, les élus locaux ont créé la Communauté de Communes en 2000. Une majorité de socioprofessionnels, principalement ceux du Mont d’Or, firent la politique de la chaise vide. Le projet a capoté et les crédits sont allés… aux Rousses ! », relance le maire.
De ces virages manqués, débute une série d’investissements plus récents et moins ambitieux pour tenter de maintenir une station plus que jamais dans l’attente d’un hiver neigeux, au risque de fermer l’entièreté du domaine. Pour Michel Morel, « il faut se mettre autour de la table et fermer en attendant, pour décider ensemble ce que l’on fait et qui paye ? », explique le maire de Jougne avant de conclure : « tout développement touristique ne peut se faire sans la participation des sociaux professionnels avec le soutien des collectivités : Groupe d’intérêt économique (GIE) ou un partenariat Public Privé (PPP). » Une position défendue depuis plusieurs années et notamment en ce début de semaine, alors qu’une rencontre est prévue avec la sous-préfecture et Philippe Alpy, président du SMMO et vice-président au Département du Doubs. Outre ce rapport, les échanges porteront surtout sur l’ouverture de la piste Troupézy, très prisée des skieurs, dont les trois quarts sont situés sur la commune de Jougne. En réponse à la fermeture de Piquemiette, Michel Morel et ses conseillers ont voté la fermeture de cette piste le 16 septembre. À cela s’ajoutait également la sortie du SMMO, privant le syndicat d’une contribution de la commune et surtout d’une précieuse alimentation en eau pour les canons à neige de la station.
M.S