Région. Travailleurs sans-papiers : l’hypocrisie de l’administration

Les « baptêmes républicains » sont l’occasion de s’interroger sur l’organisation économique et sociale, où l’intérêt économique des uns rencontre l’intérêt électoral des autres !

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©Adobestock

Le baptême républicain, des papiers pour sans-papiers. Autrement appelé « baptême civil », il a trouvé son origine au moment de la Révolution française. Sans aucune valeur légale, il offre aux parents l’occasion de transmettre des valeurs républicaines. Présenté en opposition au « baptême religieux », il est souvent encouragé par des municipalités communistes, sur fond d’anticléricalisme.

Ce parrainage civil a évolué ces dernières années au bénéfice des personnes migrantes en situation irrégulière, privées, du fait de leur statut, de la possibilité de travailler et de s’intégrer. Pour les promoteurs de ces événements, c’est une façon de « tordre le bras » aux administrations dans le but de régulariser leur situation.

Un parcours semé d’embûches pour d’éventuels employeurs

Comme le rappelait récemment Anne Barralis, l’ancienne directrice régionale de l’URSSAF Franche-Comté désormais directrice de Carrière, un futur employeur est tenu de remplir le document préalable à l’embauche (DPAE) quel que soit le statut du salarié. Dans tous les cas de figure, l’employeur qui souhaite embaucher un étranger doit vérifier s’il a le droit de travailler en France. Il doit donc posséder une autorisation de travail ou être originaire d’un pays de l’espace économique européen où cette autorisation de travail n’est pas obligatoire.

Dans le cas d’une personne ayant demandé la protection du droit d’asile, elle ne peut pas obtenir une autorisation de travail au cours des 6 premiers mois suivant sa demande auprès de l’Ofpra (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides). A l’issue de la première période de 6 mois, si l’Ofpra n’a pas statué, le demandeur d’asile peut solliciter, par son éventuel futur employeur, une autorisation de travail qui ne peut excéder 6 mois.  Encore faut-il que l’employeur s’assure que le demandeur d’asile n’est pas sous le régime « Dublin III » (la demande d’asile doit être faite dans le premier pays d’entrée dans l’espace économique européen). A défaut, il ne peut avoir d’autorisation de travail.

Pour remplir un document préalable à l’embauche, l’employeur doit disposer du n° de sécurité sociale du futur salarié. Mais une personne en situation irrégulière ne peut disposer d’une carte Vitale. Il lui est donc impossible d’avoir des droits sociaux en dehors de la demande d’Aide Médicale d’Etat (AME).

Une des portes à l’entrée illégale de migrants se fait au travers d’un visa étudiant. Pendant son cursus, l’étudiant étranger, quels que soient sa nationalité ou son statut antérieur, bénéficie d’une couverture maladie et donc d’un n° de sécurité sociale. A l’issue de ses études, il est censé retourner dans son pays d’origine ou solliciter un titre de séjour pour demeurer en France. Rien de plus simple alors d’utiliser ce n° de sécurité sociale étudiant dans la déclaration préalable à l’embauche.

Autre question : une personne en situation irrégulière et qui a en charge un ou des enfants dont l’un des parents est en situation régulière, peut être attributaire des allocations familiales. S’agissant des Mineurs Non Accompagnés (MNA), le Département doit les orienter vers une formation si possible qualifiante. Devenus majeurs en cours de formation (CAP en alternance par exemple) ils perdent alors leur titre de séjour de MNA et peuvent être expulsés alors que leur employeur aura consacré des centaines d’heures de formation, voire vouloir les embaucher durablement !

Le premier alinéa de l’article L8251-1 du Code du Travail stipule : « nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ». Pour autant, l’article L8252-1 du même Code précise « le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du 1er alinéa de l’article L8251-1 est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé… »

L’employeur éventuel d’un salarié étranger doit-il se transformer en enquêteur pour s’assurer de la conformité des documents qui lui sont présentés lors de l’embauche ? La sanction pénale est dissuasive pour s’engager dans une démarche, économique et humanitaire pour l’employeur. « Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d’embaucher, de conserver à son service ou d’employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée….est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000€. Le fait de recourir sciemment, directement ou indirectement, aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler est puni des mêmes peines ».

Le Code du Travail, dans sa grande mansuétude, ajoute toutefois : « le premier alinéa n’est pas applicable à l’employeur qui, sur la base d’un titre frauduleux ou présenté ainsi par un étranger salarié, a procédé sans intention de participer à la fraude auprès des organismes de sécurité sociale et des administrations territorialement compétences… » En apporter la preuve est une autre affaire !

L’État perçoit les cotisations, mais n’ouvre pas les droits

On l’a vu, un étranger en situation irrégulière peut disposer d’un n° de sécurité sociale. L’employeur versera donc les cotisations sociales patronales et salariales à l’URSSAF…mais le paiement des cotisations et l’existence du n° de SS ne permet pas au salarié de bénéficier des droits du fait de sa situation irrégulière…En clair, l’État veut bien percevoir les cotisations les yeux fermés mais sans ouvrir les droits y afférant.

Yves Quemeneur