Haut-Doubs. Un exercice grandeur nature pour simuler un feu de forêt entre le Lac de Saint-Point et Orchamps-Vennes

Ce 6 mai, les avions Canadair, Dash, hélicoptère et les camions citernes étaient de sortie. La préfecture du Doubs a supervisé un exercice à taille réelle pour simuler un feu de forêt sur les communes d’Orchamps-Vennes et de Loray. 140 professionnels du SDIS, de la gendarmerie ou encore de la protection civile se sont mobilisés pour affronter les flammes fictives. Une trentaine d’habitants ont été évacués.

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exercice feu foret orchamps vennes avec un avion remplis d'eau
©CT

« Toutes les études montrent qu’un massif boisé peut prendre feu sous des conditions extrêmes, comme en 2022. L’exemple du Jura, on doit l’avoir à l’esprit. Il y a eu des feux dans les Vosges, tout est possible », avertit le colonel Jean-Luc Potier, directeur départemental adjoint du SDIS 25 (service départemental d’incendie et de secours). Ce sont d’ailleurs les feux de l’été 2022 dans le Jura qui ont poussé les équipes du préfet du Doubs a organisé des exercices grandeur nature pour lutter contre les feux de forêt. Ce mardi 6 mai, Jennifer Rousselle, directrice de cabinet du préfet, a supervisé un exercice à taille réelle dirigé par le SDIS sur les communes d’Orchamps-Vennes et de Loray avec un scénario s’étalant sur dix hectares de forêt. L’objectif étant de tester l’organisation de la réponse de sécurité civile face à un feu de forêt dans le Doubs. « On s’y prépare en termes de moyens, de formations, d’exercices et de collaboration avec les autres services impliqués », appuie Jean-Luc Potier. 

Passé 13h30, les téléphones se sont mis à vibrer ou à sonner. Avec l’outil Fr-alert, un message d’alerte a été envoyé aux habitants du secteur les informant qu’un exercice de sécurité était en train d’être mené. En levant les yeux ou en tendant les oreilles, on suivait la présence de deux canadairs larguant l’eau puisée au lac de Saint-Point. Un hélicoptère Dragon, en vol stationnaire, marquait le point de référence de la zone à traiter. Plusieurs passages ont été effectués tout au long de l’après-midi, agrémentés également d’un avion Dash pour larguer des retardants afin de ralentir la propagation des flammes.

140 professionnels mobilisés

Les services du SDIS, gendarmerie, protection civile, préfecture, office national des forêts (ONF), direction départementale des territoires, mairie, ont été mobilisés. Un poste de commandement des opérations a été mis en place permettant de simuler en conditions réelles, la gestion d’une crise et d’améliorer la coopération inter-services. Au total, 140 professionnels ont été mobilisés, dont 80 sapeurs-pompiers du Doubs, de Haute-Saône et du Territoire de Belfort. Des effectifs suisses sont venus en tant qu’observateurs. 

Les équipes du SDIS du Haut-Doubs
Un poste de commandement des opérations a été mis en place ©CT

Sans oublier une trentaine d’habitants, venus participer à l’exercice en tant qu’«impliqués», des personnes impactées par l’événement. Ces volontaires ont été pris en charge dans la salle des fêtes d’Orchamps-Vennes, transformée en centre d’accueil des impliqués, comme cela aurait été mené dans la réalité. « Notre rôle est de les accueillir, de les réconforter et de leur donner à boire et à manger. On dispose ensuite de tentes, kits d’hygiène, lits de camps, draps pour un accueil temporaire ou prolongé », détaille Christian Sabatini, responsable du centre d’accueil des impliqués du jour, bénévole à la protection civile du Doubs. Dans le scénario, pas de blessé, mais dans la réalité, s’il y en a, les victimes sont prises en charge par les sapeurs-pompiers.

Services du SDIS, préfecture, DDT, ONF étaient présents ensemble
Les services du SDIS, de la préfecture, de la DDT, de l’ONF étaient présents ©CT

90% des feux de forêts dus à un facteur humain

Les objectifs du jour étaient donc multiples : tester l’extinction et la maîtrise d’un incendie, la chaîne d’alerte et la direction des opérations, la sauvegarde de la population pour « corriger si nécessaire », indique Jennifer Rousselle. « Depuis 2018, chaque année, on a une sécheresse, hormis l’année dernière. On a eu des incendies en 2022 dans le Jura, c’est pour cela qu’on a mis en place un arrêté cadre pour créer les bons réflexes pour les randonneurs, les promeneurs. N’oublions pas une chose, 90% des feux de forêt sont dus à un facteur humain. C’est un mégot mal éteint, un barbecue… un engin mal maîtrisé », avertit Laurent Kompf, directeur départemental adjoint des territoires du Doubs. 

Le Doubs face à une nouvelle menace, due au changement climatique

Incendie à Boussière : Camion de pompier qui éteint le feu de foret
Photo d’archives d’un exercice incendie à Boussières ©YQ

Cet exercice à taille réelle a permis également à la préfecture de rédiger un rapport sur une nouvelle menace qui touche le Doubs. Dans le département, la forêt couvre 43% du territoire départemental, alors que la moyenne nationale se situe à 31%. Elle est détenue à 56% par des personnes publiques (à 90% des communes). Les forêts privées appartiennent essentiellement à près de 53 000 particuliers, qui possèdent une surface moyenne d’à peine 2 hectares par propriétaire. La forêt française est la plus diversifiée d’Europe. Avec près de 150 essences d’arbres, elle structure nos paysages et forme un écosystème multifonctionnel : trésor écologique, protection contre les risques naturels, atout économique. Elle contribue à atténuer le changement climatique. En cas de forte chaleur, les arbres rafraîchissent l’air grâce à l’évapotranspiration (transpiration des feuilles). Elle joue un rôle essentiel dans le cycle de l’eau et l’approvisionnement en eau potable. Elle prévient le risque d’inondation en absorbant les pluies et en freinant leur ruissellement en cas de fortes précipitations.

Un changement climatique trop rapide

Mais le changement climatique est dix fois plus rapide que les mécanismes d’adaptation et de migration naturelle des essences forestières, entraînant une dégradation de leur santé depuis près de 20 ans. Les forêts souffrent des épisodes de sécheresse, devenus plus fréquents et plus longs depuis 2018. Le manque d’eau ralentit la croissance des arbres et les rend plus vulnérables aux attaques parasitaires. Les scolytes ont décimé le tiers des forêts d’épicéas entre 2018 et 2022 dans l’Est de la France, et notamment le Doubs. Cette sécheresse accentue aussi le risque d’incendie. En 2022, environ 60 000 hectares de forêt ont brûlé contre près de 17 000 en moyenne entre 2011 et 2021, soit 3,5 fois plus.