Édito. Livres dans la Boucle : la mauvaise opération d’Anne Vignot

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Main d'homme qui écrit avec son stylo sur un cahier

Que s’est-il passé dans la tête d’Anne Vignot, au moment de déprogrammer la venue de Raphaël Enthoven au Festival Livres dans la Boucle ?  À elle seule, la maire de Besançon et présidente de Grand Besançon a pris de court toute l’organisation et remis en question la bonne tenue de l’événement. Cocasse pour une élue qui, une semaine plus tôt, parlait de « robustesse » à propos du rendez-vous littéraire. La chronologie de cette polémique et le comportement solitaire d’Anne Vignot restent incompréhensibles. Le mardi 26 août, Livres dans la Boucle tient une première conférence de presse pour dévoiler son programme. La maire écologiste n’est à ce moment-là pas encore gênée par les propos de Raphaël Enthoven, le philosophe estimant « qu’il n’y a aucun journaliste à Gaza. Uniquement des tueurs, des combattants ou des preneurs d’otages avec une carte de presse », dans un post publié sur les réseaux sociaux le 15 août. Il faut attendre la réaction du parti communiste du Doubs le 2 septembre, avec qui Les Écologistes sont en négociation pour les futures élections municipales, pour voir la maire de Besançon déprogrammer seule la venue d’un auteur très attendu. « Les récentes déclarations polémiques de Monsieur Enthoven peuvent remettre en cause la sérénité de l’événement », se justifie d’abord Anne Vignot. Très vite, les opposants politiques et soutiens du philosophe hurlent à la censure, les organisateurs reçoivent des menaces et insultes, plusieurs auteurs annoncent qu’ils se retirent en soutien à Raphaël Enthoven… Même le président de cette 10e édition, l’habitué et talentueux David Foenkinos, laisse entendre qu’il ne viendra pas. Ce qui devait être une immense fête tourne peu à peu en catastrophe, obligeant Anne Vignot à rétropédaler. L’élue invoque toutefois une deuxième raison pour justifier cette déprogrammation : « ma volonté était de faire savoir que les propos d’un des auteurs du Festival remettaient en cause la liberté de la presse… ». Atteinte à la liberté de la presse ou risque de débordements, toujours est-il que lundi 8 septembre, Raphaël Enthoven est finalement reprogrammé. La maire reconnaît son erreur, tout comme le philosophe qui s’exprime sur France Inter : « je n’aurais jamais dû écrire la phrase ‘Il n’y a aucun journaliste à Gaza’ ». Livres dans la Boucle peut donc compter sur tout le monde, Raphaël Enthoven pourra parler de sa mère et son livre L’Albatros. L’auteur devrait recevoir une vague de soutien énorme sur place et 150 réservations sont déjà enregistrées pour sa conférence. Pour Anne Vignot en revanche, cette décision solitaire suivie d’une volte-face en urgence ne satisfait personne.