Besançon. Procès de Frédéric Péchier : une première semaine révélatrice

L’anesthésiste-réanimateur accusé d’avoir empoisonné 30 patients dont 12 mortellement est jugé à la cour d’assises du Doubs depuis le lundi 8 septembre. Après huit ans d’attente la première semaine d’audience a confirmé une chose : les deux camps sont prêts et dévoilent leurs premiers atouts. Il reste plus de trois mois avant le verdict prévu mi-décembre.

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Frédéric Péchier
Frédéric Péchier est toujours présumé innocent et se rend au tribunal en homme libre. Photo CT

Les premiers protagonistes de ce procès historique sont arrivés vers 8 h du matin ce lundi 8 septembre. Pourtant très protocolaire, cette première journée d’audience n’en reste pas moins décisive. Huit années d’attente pèsent sur le regard des dizaines de victimes et de leurs proches. Parmi elles, on reconnaît Jean-Claude Gandon, le « second cas » de cette vertigineuse « affaire Péchier », dont l’arrêt cardiaque est survenu le 20 janvier 2017. À 75 ans et atteint d’un cancer, le retraité répète qu’il « ne pensait pas être encore là pour le procès ». « Maintenant, j’aimerais que ça se termine, je veux connaître la vérité ».

Assis quelques rangs devant lui, Tedy Hoerter-Tarby a bien grandi depuis son opération des amygdales avortée en 2016. Il est âgé de quatre ans lorsque son cœur s’arrête inexplicablement de battre. Calme, silencieux, son regard reste celui d’un adolescent presque intimidé par cette majestueuse salle du Parlement et ses dizaines d’hommes et femmes en robe noire. Les yeux de son père laissent au contraire peu de place au doute : le coupable est connu, il doit rendre des comptes.

Pendant toute cette première matinée, chacun néanmoins doit prendre son mal en patience. Les 155 témoins se présentent tour à tour pour connaître leur date et heure de passage à la barre. Pour cette audience exceptionnelle, le ministère public comme la défense ont souhaité six jurés supplémentaires. Douze personnes décideront donc de l’avenir de Frédéric Péchier. Toute sa famille est là, y compris sa sœur Julie, avocate de profession venue renforcer sa défense. Si l’anesthésiste-réanimateur, dont les mains tremblent de manière spontanée et incontrôlable, peine à confirmer son identité et son lieu de résidence, ce faux départ se dissipe rapidement.

Des regards et marques de soutien

Plusieurs témoins avancent et lui adressent un geste, un regard, une marque de soutien. Le médecin, accusé et acculé après des années de procédure et un dossier solide, reprend confiance. À l’issue de la présentation de faits lundi soir, Frédéric Péchier persiste et signe : « je réfute tous les faits qui me sont reprochés, je n’ai jamais empoisonné de poche, je n’ai jamais empoisonné quelqu’un, je suis innocent ».

Les débats sont lancés dès mardi au moment du résumé de l’enquête par le major Verguet permettant à l’assemblée de se replonger au cœur de l’affaire, en 2017. Pendant une journée et demie, à l’aide d’un discours millimétré, Olivier Verguet démontre comment, au fur et à mesure de l’enquête « tous les chemins mènent à Péchier », résume l’avocat Me Giuranna, représentant de 42 parties civiles dont 7 victimes d’empoisonnement mortel. Il y a ces contradictions pendant les interrogatoires, les diagnostics précoces, ces solutions « inappropriées » qui fonctionnent pour stopper un arrêt cardiaque inexpliqué, cette présence systématique ou presque dans les établissements lorsqu’un événement indésirable grave (EIG) survient… et la fin d’EIG lorsque Dr Péchier n’est plus là.

En face l’avocat de l’anesthésiste Me Schwerdorffer sait que le passage du Major et l’étude des premières victimes sont déterminants. Deux dossiers où les enquêteurs ont pu récolter beaucoup d’éléments. La ligne de défense se dévoile peu à peu et reste fidèle à celle du médecin lors de ses interrogatoires. Frédéric Péchier n’a reconnu officiellement qu’un seul empoisonnement, celui de son patient Jean-Claude Gandon et accuse son collègue et ancien ami aujourd’hui ennemi le Dr Sylvain Serri. Détourner l’attention sur un autre suspect que son client n’est pas une mince affaire. « Mon client n’a pas à prouver son innocence, c’est au ministère public de prouver sa culpabilité. La vraie question c’est « qui est l’empoisonneur ? » J’ai une réponse aussi charpentée que la réponse des enquêteurs lorsqu’ils accusent Frédéric Péchier », répond Me Schwerdorffer.

Le ton monte, la présidente Delphine Thieberge a eu du mal à contenir les débats. Les deux camps se rendent coup pour coup en ce début d’audience. Ce procès ne se gagnera toutefois pas aux poings sur le ring mais à l’usure pendant ce long marathon judiciaire dont la date butoir est fixée au 19 décembre. Jeudi, les premiers témoins ont commencé à défiler. Le Dr Serri est l’un des plus attendus.

M.S