Édito. Dermatose nodulaire et psychose contagieuse

87
Annie Genevard discute avec les deux associés du GAEC de l'Espoir
Annie Genevard discute avec les deux associés du GAEC de l'Espoir, Laurent Masson et Thierry Vallet ©Cassandra Tempesta

Un sentiment ambivalent règne au sein de la communauté agricole du Doubs : celui d’une famille soudée autour de ses agriculteurs pour lutter contre la propagation d’un virus dévastateur, d’abord. Cette solidarité de façade s’effrite, toutefois, au fur et à mesure des explications et des règles strictes déployées par le ministère de l’Agriculture et des services sanitaires qui l’accompagnent. Pour l’ensemble des experts chargés « d’éradiquer » la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), il n’y a aucun doute : si la maladie continue d’apparaître loin des foyers initiaux, cela n’est dû qu’aux comportements des agriculteurs et à leur non-respect des règles applicables en temps de crise. Le stomoxe, « cette grosse mouche » transmettant le virus, ne peut se déplacer « que dans un rayon de cinq kilomètres par jour », assurait encore Olivier Debaere, directeur de la crise à la direction générale de l’alimentation, lundi 20 octobre à la Saline royale d’Arc-et-Senans au cours d’une réunion publique d’information. Voir apparaître la maladie à Écleux (39), aux portes du Doubs, fait grincer les dents de nombreux exploitants alors que les premiers foyers de DNC se situaient dans les deux Savoie. Les agriculteurs jurassiens touchés, accompagnés des vétérinaires, ont dû euthanasier leur cheptel, plus de 240 bovins au total à Écleux sur quatre exploitations. Personne ne veut vivre cela dans le Doubs. Des « héros » pour Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, qui ont enrayé la propagation d’un virus en sacrifiant leurs bêtes. Des « héros »,toutefois surveillés. « Si la maladie est arrivée jusqu’à Écleux, c’est forcément un déplacement humain qui l’a amenée ? », demande un agriculteur présent à cette réunion publique. Philippe Monnet, président de la Chambre d’agriculture 25-90 et Lionel Malfroy, agriculteur et responsable du Groupement de Défense Sanitaire dans le Doubs, acquiescent malgré eux. Olivier Debaere abonde : « ce n’est pas un insecte qui fait 100 kilomètres ». « Pourtant c’était le bal des bétaillères dimanche (12 octobre) dans le Doubs alors qu’on savait déjà ce qui se passait ! Maintenant il y en a marre, les tricheurs faut les punir comme il faut ! » enchaîne un autre exploitant. Un constat sous forme d’accusation à peine voilée contre des victimes qui seraient aussi responsables. Trop tôt, trop douloureux pour le dire. C’est aussi beaucoup plus compliqué que cela et c’est toute la perversion de ce virus : « des bovins peuvent être porteurs sans que cela se voie, pendant des semaines. La maladie peut être présente dans un troupeau et finalement se déclarer sur un autre, dans une exploitation plus éloignée », analyse Olivier Debaere. Dans cet élan de solidarité entourant la communauté agricole, tout le monde se surveille. Un sentiment ambivalent et une dermatose nodulaire aussi contagieuse que la psychose qui l’entoure.