A peine arrivé, le nouveau sous-préfet Nicolas Onimus fait le point sur les dossiers chauds du Haut-Doubs

Le nouveau sous-préfet de Pontarlier n’a pas eu le temps de s’installer que déjà deux gros sujets l’attendaient dans son bureau. Arrivé le 25 juillet 2022, Nicolas Onimus redécouvre un territoire qu’il connaissait. Il dresse un premier bilan sur le dossier Charm’Ossature ainsi que la tempête de grêle. Rencontre. 

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Nicolas Onimus est entré en fonction le 25 juillet 2022 à la sous-préfecture de Pontarlier

Comment s’est déroulée votre arrivée ?

La prise de fonction commence toujours symboliquement par un dépôt de gerbe aux monuments aux morts. Il n’y a jamais deux sous-préfets en même temps et il y a eu un petit décalage car j’arrivais de Martinique.

C’est en réalité un retour sur vos terres ?

Je suis arrivé dans le Doubs à 5 ans où j’ai fait toutes mes études primaires, secondaires et le lycée, entre Montfaucon et Besançon. Avec mon école de commerce à Nice j’ai pu faire quelques échanges en Erasmus ce qui m’a donné le goût de voyager pour la suite de mon cursus. Pour entrer dans la fonction publique j’ai fait une école qui n’existe plus, c’était l’ENSPTT (École nationale supérieure des postes et télécommunications), avant de rejoindre France Télécom.

Près de dix ans plus tard, je suis devenu sous-préfet et directeur de cabinet du Préfet de Dordogne en 2005. Ensuite, c’est une longue période comme magistrat financier à cour des comptes en Franche-Comté, en Rhône-Alpes puis à Papeete avant de de revenir dans la région une nouvelle fois comme président de section de la chambre régionale des comptes. Je suis ensuite retourné pendant deux ans dans les îles où depuis 2020 j’étais sous-préfet de la Trinité et de Saint-Pierre en Martinique jusqu’à maintenant.

 » L’été dernier, la quatrième vague de COVID a été très, très forte. Plus de 1000 morts en quelques semaines, les urgences saturées, plus d’oxygène à l’hôpital, nous en avons ramené par bateau depuis Cayenne. La morgue a été élargie car elle était saturée, 2000 soignants sont venus de métropole pour épauler les équipes sur place. »

Vous étiez en Martinique pendant une période de forte contestation et défiance envers l’État Français, avec des émeutes parfois. Comment l’avez-vous vécu ?

Aux premières loges. C’était compliqué car je suis arrivé en juin 2020, pendant le confinement. Là-bas il y a eu des mouvements anti-vax assez importants et qui peuvent s’expliquer. Il y a une forme de défiance habituelle envers l’État, avec une histoire liée à l’esclavage, plus récemment l’empoisonnement des sols à la chlordécone. Donc les Martiniquais ont eu une forte défiance envers le vaccin. L’été dernier, la quatrième vague de COVID a été très, très forte. Plus de 1000 morts en quelques semaines, les urgences saturées, plus d’oxygène à l’hôpital, nous en avons ramené par bateau depuis Cayenne. La morgue a été élargie car elle était saturée, 2000 soignants sont venus de métropole pour épauler les équipes sur place.

 

J’ai dû gérer tout ça de très près avec le Préfet. Après cela, dès octobre, les mouvements sociaux très durs. Ils sont un peu nés de la suspension des soignants non-vaccinés. Un bureau de poste a été détruit au tractopelle, les gendarmes se sont fait tirés dessus plusieurs fois, une grande surface sur mon arrondissement a été incendiée… Quand il se passe ça, il y a un esprit de responsabilité pour éviter que cela empire, les forces de l’ordre doivent faire leur boulot avec de la retenue. Nous voulions maintenir le dialogue sans laisser faire n’importe quoi. Il y a eu des barrages sur les routes où des habitants faisaient payer les automobilistes pour passer. C’est ce genre d’exemple où il faut intervenir.

Nous avons vécu cette période de loin dans le Doubs avec cette sensation que la population sur place se sentait abandonnée par l’État Français. Vous qui étiez l’un des représentants au quotidien, aviez-vous aussi ce sentiment que la France Métropolitaine était loin de tout ça ?

La Métropole a envoyé des moyens, ils mettent quelques jours voire semaines à arriver, c’est sûr. Nous avons eu des renforts, après. Les premiers jours on s’est dit « si ça dérape violemment, ça va être compliqué ». Les moyens arrivent mais il faut savoir les utiliser correctement pour ne pas envenimer une tension déjà forte. Il y a une partie de la population qui souffre, qui n’a plus accès aux produits de premières nécessités, il faut remettre en marche un ravitaillement tout en s’assurant que le contact soit possible sans déclencher un nouveau conflit.

 » C’est atypique car nous sommes en plein emploi, la population se développe et dans certains cas, elle rajeunit. Ça peut donner une impression que « tout va bien » mais ces atouts aussi liés à la frontière cachent des difficultés. »

Vous vouliez revenir en Métropole après cette expérience ?

J’avais fait des vœux, lorsqu’on m’a proposé Pontarlier j’ai immédiatement accepté car c’est un territoire que je connais un peu. C’est une terre très attachante, très agricole tout en ayant des industries de pointe, cette double compétence est intéressante. L’agriculture est de très haute qualité avec les AOP tout comme le luxe et la microtechnique. C’est atypique car nous sommes en plein emploi, la population se développe et dans certains cas elle rajeunit. Ça peut donner une impression que « tout va bien » mais ces atouts aussi liés à la frontière cachent des difficultés.

Comme lesquels ?

Le foncier par exemple. Il y a le foncier forestier qu’il faut défendre avec la filière bois et un foncier agricole tout aussi sensible. Il faut répondre aux demandes d’habitations, aux entreprises tout en respectant les règles et contraintes d’urbanisations. La mobilité en est une autre. Le trafic provoque des catastrophes en série parfois dramatique. Il y a beaucoup d’atouts mais aussi des enjeux à venir essentiels.

 » Le sous-préfet n’est jamais rien que l’uniforme de la sous-préfecture. Derrière moi nous sommes 14 à travailler à Pontarlier. « 

Comment pouvez-vous répondre à autant d’enjeux sur le long terme quand on sait qu’un sous-préfet reste deux à quatre ans sur le même secteur ?

Le sous-préfet n’est jamais rien que l’uniforme de la sous-préfecture. Derrière moi nous sommes 14 à travailler à Pontarlier. Les dossiers sont portés par tous. Nos deux grands enjeux sont l’accompagnement aux collectivités locales et le respect des lois. J’étais déjà sous-préfet auparavant, c’est un nouveau territoire mais je connais déjà les mécanismes administratifs. Les dossiers continuent d’un sous-préfet à l’autre et j’ai peut-être des appétences plus fortes pour certains sujets. Je viens du monde de l’entreprise donc sur le développement économique je suis assez à l’aise pour en parler avec les professionnels. C’est aussi l’avantage de changer de profil.

Dès votre arrivée deux grosses affaires se sont présentées à vous avec l’incendie de l’entreprise Charm’Ossature et les épisodes terribles de grêle dans le Haut-Doubs. Comment-cela s’est passé ?

Je n’étais pas encore installé juridiquement et l’entreprise Charm’Ossature avait déjà brulé mardi 20 juillet. J’étais dans la boucle avec le préfet et toutes les institutions autour de ce drame pour mener à bien la « task force ». Ce fut mon premier déplacement le 25 juillet. Je regrette de ne pas avoir pu aller directement dans le Haut-Doubs pour montrer aux élus locaux et aux habitants que nous étions avec eux. J’ai constaté les dégâts jeudi 28 juillet pour cette deuxième affaire. Dans les deux cas, le sous-préfet joue le rôle de coordinateur pour que les appareils d’État fonctionnent mieux ensemble.

En deux jours, les élus se sont tous unis pour soutenir l’entreprise Charm’Ossature avec une « task force » et des moyens financiers colossaux s’il le faut. Derrière il n’y a pas eu cette même osmose et rapidité pour la grêle qui a touché des dizaines voire des centaines d’habitants. Pourquoi ?

C’est très difficile pour moi de parler de décisions prises avant mon entrée en fonction. Je n’ai pas pu aller sur place immédiatement. Pour la reconnaissance de « catastrophe naturelle », ce n’est pas un problème. Cette reconnaissance est utile pour les catastrophes qui ne sont pas prises en compte par les assurances privées habituelles. Quand il y a de la grêle, l’assurance prend en charge, c’est l’application des règles du contrat. Nous avons eu écho de certaines assurances qui voulaient faire marcher la garantie décennale des entreprises. Nous disons « non » et notre médiateur joue son rôle. C’est un épisode de grêle avéré et ce n’est pas un problème de toit.

Un médiateur pour la grêle ?

Nous avons mis à disposition un interlocuteur auprès des assurances qui sera d’ailleurs présent lors de la prochaine réunion avec les élus, le 26 août. L’objectif le plus urgent c’est que tout le côté administratif soit terminé avant la fin de l’année pour que les habitants puissent commencer leurs travaux le plus rapidement. Nous avons pu déjà enclencher les premiers chantiers et l’école de Noël-Cerneux, lourdement touchée, pourra accueillir les enfants normalement à la rentrée. Nous planchons sur un moyen de trouver rapidement des tuiles à priori nous pouvons en avoir dans d’autres régions.

Qu’en-est-il pour Charm’Ossature ?

Il y a trois axes fixés par le préfet. La sauvegarde de l’emploi, l’aide à la trésorerie et la démolition-reconstruction. Sur l’emploi, Mr.Charmoille est exemplaire, il réussit à maintenir son acitivté en ouvrant un site éphémère pour conserver un maximum d’ouvriers au travail et honorer ses commandes. Cela dit, nous complétons ce travail d’entreprise par de l’activité partielle. Nous allons lui financer ça, les banques accompagnent Mr.Charmoille, la Région va l’aider avec des prêts remboursables dans plusieurs années ce qu’on appelle des « avances rebonds », la communauté de communes regarde ce qu’elle peut faire. Du côté de l’État on regarde si on peut majorer une subvention qui lui avait été accordée. Il faut que l’entreprise reste crédible vis-à-vis de ses fournisseurs. Ces aides représentent des centaines de milliers d’euros (NDLR : pas de chiffres précis donnés). Au niveau des impôts on peut aussi lisser les charges. Pour la reconstruction – démolition, on s’est fixé un délai maximum de 12 mois avec un calendrier que nous accélerons pour que tout soit revenu dans l’ordre entre mars et avril 2023. Tous les acteurs vont se revoir le 22 août.

Propos recueillis par M.S