Charles de Gaulle et la Suisse : l’histoire oubliée

Après plus d’un an de travail, Philippe Pichot et l’association Culture et Loisirs de Jougne ont créé une exposition retraçant les liens étroits entre Charles de Gaulle et la Suisse. Soutenu par la Région, l’Arc Jurassien, nos voisins helvètes ou encore la Fondation Charles de Gaulle, le projet dévoile des documents inédits liés à l’histoire de France et devrait faire parler d’elle jusqu’au niveau national.

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C’est un pan de l’histoire gaullienne totalement méconnu ou presque. Le général Charles de Gaulle, l’une des figures les plus populaires de France encore aujourd’hui, a eu des liens étroits avec la Suisse, tant sur le plan personnel qu’au cours de sa carrière militaire puis politique. Dans son exposition Charles de Gaulle et la Suisse : une histoire intime et complexe, Philippe Pichot, directeur du Syndicat mixte du Pays du Haut-Doubs mais surtout passionné d’histoire, retrace les liens et lève le voile sur une partie de l’histoire du fondateur de la Ve République. « Le général ne cite que quatre fois la Suisse dans ses mémoires et ne s’est jamais rendu en voyage officiel chez nos voisins. Pourtant les liens avec ce pays ont rythmé toute sa vie. Charles de Gaulle a des ascendants suisses par exemple (arrière-arrière-arrière-petit-fils de François-Ignace Nicol, mercenaire natif de Porrentruy passé au service du roi Louis XVI). Cette exposition comme son nom l’indique, ouvre une autre page de sa vie intime, familiale et politique. Même ses biographes et historiens du Gaullisme n’ont jamais ouvert ce sujet. ». Un avant-goût est disponible depuis juillet 2022 sur le site de la Fondation Charles de Gaulle, date à laquelle Philippe Pichot commence ses recherches.

Un programme de deux ans autour de cette exposition

Rapidement épaulé par l’association culturelle et loisirs de Jougne, le porteur du projet est allé à la rencontre de nombreux historiens et détenteurs d’archives encore jamais réellement étudiées. Un tel travail a rapidement suscité l’intérêt de la Région Bourgogne Franche-Comté, du pays voisin bien sûr, de l’Arc Jurassien mais aussi de nombreuses autres collectivités pour créer un programme de rencontres culturelles étalé sur 2024 et 2025. Un travail plus que jamais en lien avec l’actualité : « c’est une manière régionale de commémorer les 80 ans de la Libération qui se dérouleront tout au long de ces deux ans. », se félicite Valérie Pagnot, conseillère régionale en charge des relations transfrontalières.

Réhabilitation des résistants suisses, 80 ans plus tard

Chez nos voisins, l’exposition fait directement écho à la récente décision historique du 15 mars 2024 prise par la Confédération Helvétique, réhabilitant 80 ans après, les résistants suisses qui avaient ralliés la Résistance Française avant d’être condamnés par la justice suisse à leur retour. « Ce qui apparaissait comme un acte héroïque pour nous français, a porté atteinte à leur neutralité et au besoin de la défense nationale. Quand les résistants français sont honorés décorés et accèdent au pouvoir, chez nos voisins certains sont emprisonnés, dégradés, reçoivent une lourde amende ou doivent restés sur l’Hexagone. », confie Philippe Pichot.

De Gaulle et la Suisse, c’est aussi une première tentative ratée d’évasion lors de la 1ère Guerre Mondiale, puis un lieu de refuge pour sa famille lors de la Seconde. « Un pays où le général a failli tout perdre, avec ces fameux mouvements unis de la Résistance et la quasi-mainmise des Américains via l’antenne suisse »poursuit le passionné. Il y a la fuite des capitaux français pendant la Guerre ou après l’épisode de 1968 avec des élites « qui n’ont jamais été gaullistes », affirme Philippe Pichot. C’est enfin un lien direct avec la guerre d’Algérie, pour laquelle la Suisse a fortement pris part aux négociations tout en servant de refuge aux membres de l’OAS.

Un projet de mémorial à la frontière Jougne-Vallorbe

Les deux années à venir seront rythmées de conférences, soirées, spectacles et voyages de l’exposition auprès de toutes les collectivités ou associations intéressées.  Il y aura aussi un passage au Sénat le 23 juin, quand l’Assemblée nationale a déjà fait part de sa volonté d’échanger avec les acteurs de ce dossier. Avec un budget global de 60 000 €, « notre plus grand projet reste ce mémorial des résistants suisses », confie Philippe Pichot. Un projet annexe en lien direct avec l’exposition, dont le lieu semble déjà trouvé : la frontière Jougne-Vallorbe. À mi-chemin entre les différents lieux de vie des résistants venus prêter main forte à la France, de Bâle à Genève. Un lieu important où de nombreux clandestins ont pu fuir et où le Maréchal Pétain fut arrêté. Un endroit avec une véritable vocation mémorielle, où serait notamment marqué les noms des 466 résistants helvètes.

Cette grande exposition devrait évoluera dans le temps concède Philippe Pichot et promet encore des surprises : « il y a tellement d’archives à revoir pour découvrir des éléments dont ne soupçonnait pas l’existence. Il y aura des scoops pendant ces deux ans, c’est certain. »

M.S