Fin 2023, le procureur Étienne Manteaux dévoilait les derniers éléments de réponses du Docteur Péchier. Photo MS.

La température est froide, presque glaciale à Planoise ce vendredi 16 décembre 2022. Sur le parking du centre-commercial situé près du square Van Gogh, un adolescent de 15 ans attend, aux côtés d’un autre jeune homme. Des guetteurs, selon les enquêteurs, chargés d’alerter en cas d’arrivée de la police près d’un point de deal. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ne disent rien lorsque deux scooters approchent, un petit cylindré et un TMAX sur lesquels trois hommes en noirs, sont à peine reconnaissables. Le passager arrière du second véhicule dégaine un fusil à pompe de calibre 12, tir et touche l’adolescent. Dans la précipitation, le conducteur glisse, son scooter tombe au sol, le rétroviseur gauche se brise et le passager perd une chaussure. Le trio parvient à repartir tandis que la victime se tient la cuisse gauche criblée de plombs. L’arrivée très rapide des secours permettra d’éviter le pire. Une expédition qui apparaît comme l’un des nouveaux rebondissements dans cette guerre de clans entre différentes bandes de trafiquants du quartier. La riposte ne se fait pas attendre.

Une riposte fatale dès le lendemain

Dès le lendemain à 13h30, un autre mineur, lui aussi âgé de 15 ans, est retrouvé grièvement blessé dans un parking sous-terrain de la rue Bertrand Russel à quelques dizaines de mètres seulement de l’attaque de la veille. Touché au thorax par un tir, la victime tente de s’extirper du parking mais décède quelques heures plus tard. Les enquêteurs interpellent un troisième mineur, toujours de 15 ans, assurant être aux côtés de la victime lors du tir fatal. Des traces de balles sont également retrouvées sur une porte de garage dans le sous-terrain où s’est produit cette seconde attaque.

Le tireur de la veille dénoncé par le conducteur

À l’intérieur, les policiers découvrent tout l’attirail des assaillants de la veille. Les deux scooters aperçus sur les vidéos surveillance, la chaussure manquante, le fusil à pompe. « Le médecin légiste a confirmé qu’il s’agissait des mêmes plombs retrouvés sur la cuisse de la victime, la veille. Les enquêteurs retrouvent également des cagoules, des survestes, des surpantalons avec du scotch pour éviter des laisser des traces. Le mineur interpellé a donc été placé en garde à vue pour une potentielle participation au tir du 16 décembre, compte tenu des éléments. Il reconnaîtra être impliqué en étant le conducteur du second scooter. », explique Étienne Manteaux. Cet adolescent sera mis en examen pour association de malfaiteurs et tentative d’assassinat, tout comme trois autres adultes dont les traces ADN sont retrouvées sur le matériel découvert dans le garage. Parmi eux, un individu assumera son rôle de conducteur du TMAX tout en désignant le mineur interpellé comme le tireur.

Potentiel commanditaire de 20 ans

Sur son téléphone, les enquêteurs retrouvent une conversation explicite : « J’ai rafalé le guetteur (sic) », écrit-il au potentiel commanditaire de cette première attaque survenue le vendredi 16 décembre, à 22h12. Le mis en examen ne serait donc pas le conducteur, mais bien le tireur. Des photos le montre aux côtés du mineur décédé, en tenue de commando et armés. « Le potentiel commanditaire est un majeur de 20 ans, incarcéré aux moments des faits pour un autre dossier. Il est également mis en examen pour complicité par instigation, ayant donné les consignes. L’analyse et les écoutes téléphoniques de son mobile en cellule démontrent que cette même personne aurait recruté des guetteurs, organisé un trafic et projeter des enlèvements d’autres trafiquants pour extorquer leur argent. Il évoque une guerre à Planoise et qu’il fallait s’armer », poursuit le procureur.

Deux affaires liées mais une première enquête sur les tirs du 16 décembre terminée. « Les recherches se poursuivent concernant l’assassinat du 17 décembre et restent complexes. […]  Il nous parait important de juger cette première affaire compte tenu de la jeunesse de l’accusé. » La qualification de tentative d’assassinat a été modifiée en violences aggravées, les tirs étant dirigés vers la cuisse et non un organe vital ou la tête. « Dans ces conditions il est très difficile de caractériser l’intention de tuer. », concède Étienne Manteaux. Les quatre adultes mis en examen pour association de malfaiteurs en lien avec des trafics de stupéfiants sont pour la plupart récidiviste, ce qui double la peine encourue. En cas de condamnation, ils risquent jusqu’à 20 ans de prison et seront jugés le 15 et 16 janvier 2024.

M.S