Quel est votre rapport à l’orgue ?
J’ai baigné dans deux milieux dont je rêvais depuis mon enfance. Le milieu aéronautique qui a débuté pendant la Guerre, nous habitions près de l’aérodrome de Morlaix occupé par la Luftewaffe des nazis. J’ai découvert l’orgue auprès de ma grand-mère installée en Gironde. Nous allions à la basilique Notre-Dame de Verdelais. J’éprouvais le même intérêt pour ces deux choses. Je n’ai pas pu accéder à l’orgue quand c’était nécessaire. J’ai choisi les avions vers 16-17 ans en entrant à l’école de l’air pour devenir spationaute. Mon rêve de devenir organiste n’est jamais parti et vers les années 70, je me suis lancé. J’ai récemment passé sept ans en classe d’orgue au conservatoire de Brest, la dernière année était en 2019. Je suis resté frustré car quand on commence un instrument à 30 ans, on reste un amateur avisé !
Pourquoi cet instrument et pas un autre ?
Il a une très grande richesse, chaque orgue conserve une sonorité unique. Il vous parle, on l’appelait le « Roi des instruments » à une époque, car il devait être capable d’imiter un orchestre. Il est souvent associé à l’Église mais il a été conçu pour être un orchestre.
Depuis dix ans pourtant, vous avez lié ces deux passions au sein d’un spectacle…
J’ai monté avec un ami un événement nommé Rêves d’Étoiles où je projette une dizaine de films sur l’espace, que l’on accompagne à l’orgue. Ce sont souvent des images de mes sorties où de collègues à moi à l’époque. J’apporte un commentaire relativement court pour expliquer les images et ensuite la musique suit pendant quelques minutes. C’est un spectacle que l’on propose pour tout type d’occasion, généralement par bouche à oreille. Cette fois il s’agit de récolter des fonds pour les Amis des orgues de Saint-Ferjeux (voir pages Grand Besançon).
Vous parlez par exemple de sortie extravéhiculaire. Votre réputation est en grande partie liée à cet exploit historique, le premier spationaute non-américain ou non-soviétique à avoir volé dans l’espace. Qu’avez-vous ressenti à ce moment ?
C’est presque indescriptible. Seul dans l’immensité de l’univers, la Terre à contempler l’Univers. On relativise sur le monde et ses conflits. L’espace a toujours été l’endroit où l’Homme a su garder un esprit de concorde, peu importe l’époque. Les spationautes ont joué un grand rôle dans la Guerre Froide par exemple en prouvant qu’il était possible de s’entendre, comme sur le vol Apollo-Soyouz donnant naissance plus tard à l’ISS (la station internationale, ndlr). Pour un Français, ça peut paraître loin car nous restons un pays avec des tensions plus calmes, même si nos dirigeants ont tendance à oublier de rester modestes. Il y a un côté très spirituel dans ces voyages interstellaires, comme avec l’orgue. C’est en altitude que l’on prend de la hauteur sur le monde.
Où se place la France au niveau spatial ?
Nous avons été le pays qui a entraîné le reste de l’Europe dans l’espace. Aujourd’hui on parle au niveau européen mais la France reste l’un des cerveaux essentiels. Nous détenons une belle pépinière. C’était évident que nous aurions une population spatiale féminine rapidement, je suis content pour Sophie Adenot. Thomas Pesquet fait beaucoup parler de lui aussi, c’est un vrai argument politique et stratégique en réalité. Si on ne montre pas les travaux réalisés, derrière ce sont les budgets de l’exploration de l’espace qui sont impactés.
Vous n’avez plus aucun contact avec l’agence française ?
Je suis un membre actif grâce aux américains. Jusqu’à mes 60 ans, j’étais encore en France, au centre national d’études spatiales (CNES). Je voulais permettre au CNES de prendre part aux vols habités avec la NASA. Le ministre français de l’époque, Claude Allègre n’aimait pas ça et je crois qu’il me détestait aussi. Il voulait m’obliger à prendre ma retraite à 60 ans et c’est à ce moment que j’ai rejoint la NASA où il n’y a pas de limite d’âge. Aujourd’hui, je travaille toujours partiellement chez Tietronix Software comme vice-président du secteur Recherche et Développement. Je vis encore la moitié de l’année à Houston.
Vous avez pensé à toutes les responsabilités, possibilités et messages liés à votre voyage dans l’espace. Le premier français, francophone et même européen de l’Ouest…
On y pense après, aujourd’hui avec d’autres partenaires nous souhaiterions développer une nouvelle idée, un règlement spatial international. La coopération internationale spatiale a prouvé qu’elle était capable, contrairement à ce que l’on voit aux infos, d’unir les pays en quête de paix.
Une coopération comprenant aussi la Chine, l’Inde ou encore les pays du Golfe, qui sont entrés dans la course ?
On approche rapidement du nouveau débarquement sur la Lune. Elle fait partie des biens extraterrestres de la Terre. Le danger, c’est surtout d’avoir des vols privés. Progressivement ils vont y arriver. Si on ne règlemente rien maintenant, ce sera le retour du Far West. L’idée est de calquer le modèle de l’OTAN pour protéger la Lune du débarquement de flibustiers, avec une police internationale de l’espace créée par tous les pays.
Les biens de l’espace ne sont à personne donc ils sont à tout le monde ?
En quelque sorte, pour éviter que la race humaine étende son défaut en dehors de la Terre !
Je vais aller encore plus loin en reprenant votre raisonnement. L’espace est lié à la question d’une vie extraterrestre. Si demain des ovnis s’approprient la Lune, que fait-t-on ?
On entre dans la science-fiction… Nous avons aujourd’hui les moyens pour dire que s’il y a des traces de vie potentiellement proches de chez nous, elles sont embryonnaires et ont existé il y a des milliards d’années, peut-être peu de temps après la formation du système solaire, sur Mars ou des astéroïdes. Ce sont des traces sans danger de les voir cacher des armes ou des canons…