Le décès de Nahel Merzouk est le détonateur d’un nouveau brasier dans les banlieues de France. Le choc et la colère ont été tels que, 24 heures après l’injustifiable mort de cet enfant de 17 ans, les émeutes pour exprimer une colère cumulative qui en ont découlées rappelaient immédiatement celles de 2005 pour Zyed Benna et Bouna Traoré. Une scène, un scénario opposant police et banlieues, que l’on ne connaît que trop bien et pour lesquels aucune solution ou presque n’a été trouvée par les pouvoirs publics en 18 ans.
Ce sont des vidéos amateurs, postées sur les réseaux sociaux quelques heures plus tard après le drame, qui contredisent la version policière, amènent à une vraie enquête et déclenchent un volcan bouillonnant. Si sur le plan judiciaire la bataille ne fait que commencer, les quartiers de France, à commencer par celui de Nanterre où vivait Nahel, ont littéralement pris feu.
La colère a laissé place à la rage de casseurs sans réel but, si ce n’est détruire. « Nike la police, ils tire, on tire » (sic), pouvait-on lire sur les murs d’Euromarket dans le quartier de Planoise. Le quartier bisontin porte toujours les traces de plusieurs nuits successives aux dégâts conséquents. L’extrême violence des jeunes dans la nuit de jeudi 29 juin au vendredi 30 n’a pas permis aux policiers de procéder à des arrestations en flagrant délit. C’est cette nuit-là que l’agence bancaire du Crédit Mutuel a été détruite par le feu et le magasin alimentaire de la place de l’Ile-de-France saccagé et pillé. Pour autant, le Procureur assure que des interpellations auront lieu dans les prochains jours, après analyse des images de vidéosurveillance. Les auteurs, identifiés, encourent 10 ans de prison. La violence a gagné Pontarlier. Des poubelles incendiées dans le quartier des Pareuses, des contenairs aussi, rue Bossuet.
Des émeutiers très jeunes
Dans la nuit de samedi à dimanche, 2 mineurs de 17 ans ont été interpellés et présentés devant le Juge des enfants. Peu de dossiers appellent une réponse pénale. Étienne Manteaux souligne également que « le principe doit rester la liberté », en répondant à la question relative à la détention de mortiers d’artifices et à la saisie administrative de 54 000 mortiers, fusées et pétards dans un magasin de la Place Cassin. Dès lors que le produit est en vente libre et qu’il n’est pas utilisé dans une émeute, les forces de l’ordre n’ont pas la faculté de poursuivre. Des émeutiers jeunes, très jeunes parfois, primo-délinquants ou étudiants. Dans les différents tribunaux de France, les prévenus peinent à expliquer leurs actes. C’est donc en mettant l’accent sur la responsabilité des parents qu’Étienne Manteaux, Procureur de la République de Besançon, a fait un point-presse le 3 juillet sur les émeutes. « Il apparaît clairement sur les vidéos de surveillance du magasin EuroMarket que des adultes ont profité de la casse du magasin pour participer au pillage ».
Le comportement interroge et surtout, demande une réflexion beaucoup plus profonde que de simples accusations hasardeuses. Toutefois, les questions sociétales autour d’une France coupée en deux n’expliquent pas tout. Les maires agressés et pire, la tentative de meurtre à l’encontre de la famille Vincent Jeanbrun, maire de la commune de l’Haÿ-les-Roses dans le Val de Marne ont unifié l’ensemble du territoire pour dire stop à ce déchainement. Le Canard Enchaîné du mercredi 5 juillet révèle toutefois que les enquêteurs pensent plutôt à une opération commando de trafiquants de drogue, plutôt qu’une improvisation d’émeutiers.
Toujours est-il que Besançon, Pontarlier et quasiment toutes les communes de l’Hexagone ont répondu à l’appel national pour s’élever contre ces nuits d‘émeutes et de violences. Sur l’esplanade de droits de l’Homme, devant la statue de Victor Hugo, il n’y avait ni majorité ni opposition autour d’Anne Vignot, mais des élus soudés pour défendre les valeurs de la République. Christine Bouquin, présidente du conseil départemental, Jacques Grosperrin sénateur du Doubs, Éric Alauzet et Laurent Croizier députés du Doubs, Ludovic Fagaut chef de file de l’opposition bisontine, beaucoup de conseillers municipaux et départementaux, avaient fait le déplacement. Même Jean-Louis Fousseret, le maire honoraire de Besançon était là. « Nous avons vécu des moments dramatiques ces derniers jours…Quand on s’attaque aux élus directement ou à travers leur famille, la République est en danger », a souligné Anne Vignot. « Nous pensons aussi aux commerçants dont les magasins ont été détruits, aux personnes dont les véhicules ont été brûlés, ainsi qu’aux habitants des quartiers qui ont subi ces attaques. Nous pensons également aux personnes en première ligne, policiers, pompiers, personnels de secours, agents municipaux ».
Faire front et penser aux solutions
La Maire de Besançon a poursuivi en paraphrasant Victor Hugo « Sauver la République, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde ». « J’espère que ces applaudissements résonneront aux oreilles de celles et de ceux qui sont à l’origine de cette situation inacceptable et injustifiable. », expliquait de son côté Patrick Genre, sur la place d’Arçon où s’étaient réunies près de 150 personnes, élus compris, lundi 3 juillet. À Besançon, cinq policiers ont été blessés dont le directeur de la police entre jeudi 29 et samedi 1er juillet. Le Président Emmanuel Macron s’est rendu dans l’un des commissariats de Paris, celui du XVIIe arrondissement, pour montrer son soutien aux forces de l’ordre. L’échange rapporté par nos confrères du Parisien et l’interview du journaliste Frédéric Ploquin dans Lyon Capitale évoquent le même phénomène : si le front républicain a contribué à la désescalade de violences depuis mardi 4 juillet, l’appel au calme des trafiquants de drogues pour ne pas impacter durablement l’économie souterraine semble avoir eu beaucoup plus d’effet. Comme en 2005. En une phrase, Julien Dray, ancien député socialiste et fondateur de SOS Racisme a posé le bon diagnostic, trop souvent répété et dont les conséquences reviennent en pleine figure comme cette semaine passée. Celui qui fut un ministre de François Mitterrand ne craint pas d’avouer : « nous faisons des promesses depuis plus de 40 ans et…rien n’est fait ».
La Rédaction