Ils sont des centaines à œuvrer tout au long de l’année en faveur de la défense de notre environnement et de nos rivières. Derrière le nom « SOS Loue Rivières Comtoises », une quarantaine d’associations, fédérations et organisations alertent sur la dégradation de la qualité des rivières comtoises depuis plus de dix ans maintenant.
Les deux derniers épisodes de mortalités massives sur le Doubs franco-suisse en décembre 2022 et sur la haute vallée de la Loue début février 2023 ont provoqué la colère des pêcheurs et de tous les autres membres du collectif. Car la raison est la même qu’en 2010, date de création de SOS Loue Rivières Comtoises : la saprolégniose, une maladie fongique causée par un champignon aquatique. La recrudescence du nombre de poissons contaminés par cette mycose est en lien direct avec la mauvaise qualité de l’eau. En 2013 déjà, le Collectif publiait un programme contenant 73 propositions pour épurer les cours d’eau, avec en ligne de mire l’agriculture, la sylviculture ou encore l’assainissement.
Nouveau courrier, plus ciblé
Depuis, les épisodes de pollutions et dégradations des cours d’eau se sont multipliés sans que rien ne bouge réellement auprès des institutions. Ce vendredi 17 février 2023, SOS Rivières Loue Comtoises – devant une dizaine de journalistes dans les locaux de la Maison de l’Environnement – a donc renvoyé un nouveau courrier à 60 personnalités publiques, politiques. À cela s’ajoute 60 autres mails avec les mêmes documents. À l’intérieur, des propositions plus ciblées.
« Nous avons des solutions concrètes mais aucun pouvoir de décision »
« La dégradation de nos rivières s’intensifie année après année. On nous reproche souvent d’alerter sans proposer des solutions ce qui est faux, on le fait depuis la naissance du collectif. En revanche, nous n’avons aucun pouvoir de décision. », explique Manon Silvant, qui présentait un état des lieux des rivières aux côtés de quelques autres pêcheurs et spécialistes, tous membres de SOS Loue Rivières Comtoises, dont Philippe Koeberlé. « La Loue n’héberge que 20 à 30% de ce qu’elle devrait héberger en salmonidés. »
Des inventaires piscicoles inquiétants
Aux côtés de l’OFB, la Fédération de pêche réalise chaque année un inventaire piscicole à l’aide d’une pêche électrique. « Dans un cours d’eau à truites de bonne qualité, on doit normalement être autour de 300 à 400 kilos de poissons sur 1 hectare. », assure Jean-Pierre Hérold, biologiste retraité et membre fondateur du collectif. En 2021 et 2022 du côté de Cléron, les relevés de l’OFB étaient de 30kg de truites à l’hectare. « Ce sont des méthodes implacables. À cela s’ajoute le recul des salmonidés vers les endroits plus frais. Dans la Loue les poissons remontent de plus en plus vers la source. »
La Préfecture piégée par des militants
Le 21 septembre 2022, le préfet du Doubs Jean-François Colombet accompagné du Département et d’autres acteurs de l’État, présentait son plan rivières karstiques 2022 – 2027. La communication est alors axée autour d’un site noté en fin de dossier de presse : www.eau25.fr. Un nom de domaine qui n’a pas été acheté.
Résultat, des militants se sont empressés de le faire pour transformer ce site internet en mur de photos, où des dizaines de clichés montrent la destruction des rivières comtoises et la présence d’une forte pollution. Du coup le département a recréé un autre site, www.doubs-eau.fr. Entre le site « pirate » et « l’officiel », la différence de constats est assez… édifiante.
Le plan rivières-karstiques
2022 – 2027 discrédité
La Loue est la seule rivière de cette longueur à être entièrement classée rivières à truites de première catégorie. En basse Loue pourtant, voilà des années que les poissons ont délaissé le cours d’eau. Le collectif s’appuie sur les données officielles de l’État mais aussi sur des dizaines d’études scientifiques prouvant l’impact de la pollution sur les rivières comtoises. « On s’est fait taxer d’agribashing par l’ancien préfet lorsqu’on alertait sur les rejets de fromageries il y a quelques années. Depuis des condamnations ont été prononcées et une surveillance particulière est en place. », poursuit Manon Silvant, jugeant que le plan rivières karstiques 2022 – 2027, annoncé en octobre 2022, n’est qu’un « coup marketing de plus ». Philippe Koeberlé lui est plus cinglant : « ce plan est l’œuvre de personnes qui n’ont rien fait pendant dix ans et qui aujourd’hui disent regardez on fait quelque chose ».
Le collectif comme le groupe d’opposition au Département ont découvert ce plan par les médias. « On ne sait pas à quoi correspondent ces dates et il n’y a eu aucune concertation avec nous ou nos membres, qui sommes sur le terrain toute l’année. »
Deux gros progrès notables
SOS rivières Loue Comtoises note toutefois deux progrès considérables de la part des « officiels » : d’abord les récentes condamnations des fromageries reconnues coupables de pollution. Une audience inédite, pilotée par Claire Keller, l’autre changement majeur pour SOS Loue Rivières Comtoises. Arrivée en 2020 comme substitute du procureur, Me Keller est la magistrate spécialisée en charge du pôle régional de l’environnement depuis 2021.
En parallèle, l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue a lancé une étude à propos de l’impact du changement climatique sur la disponibilité en eau future. Des premiers ateliers sont prévus les 2 et 3 mars (voir article en page Pontarlier) avec les acteurs locaux concernés.
M.S