Doubs. Une fin légendaire pour le festival de la Paille

Le festival de la Paille prépare sa dernière édition prévue les 24 et 25 juillet 2026. Après 25 ans d’existence, les organisateurs souhaitent « entrer dans la légende » avec cet ultime week-end. Derrière les sourires, cette annonce est aussi l’inévitable conséquence d’un modèle économique confronté à une « financiarisation » du secteur aux conséquences délétères pour les festivals indépendants.

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Une dernière danse, pour se dire au revoir. Un dernier au revoir magique, pour entrer « dans la légende ». C’est avec ces mots que Virginie Marion, présidente du Collectif Organisation et Eugénie Burnier, directrice du festival de la Paille, ont annoncé l’inévitable. La dernière édition se déroulera les 24 et 25 juillet prochains. Après 25 ans d’existence depuis les premiers concerts à Chaffois, le rendez-vous musical et culturel du Haut-Doubs s’arrêtera à l’issue de sa 24e édition. Malgré l’annonce « déchirante », le duo veut garder le sourire. « On choisit notre fin, on ne la subit pas. On compte vraiment sur tout le monde pour faire la fête ! », répète Eugénie Burnier, l’une des trois salariés de l’association.

Un modèle économique qui ne fonctionne plus

Si les organisateurs avaient très rapidement évoqué des difficultés financières après l’édition 2025 et la nécessité de se « réinventer », ces dernières semaines ont confirmé la dure réalité vécue par les festivals indépendants depuis plusieurs années pour trouver un équilibre financier. « Nous sommes confrontés à une hausse constante des coûts à tous les niveaux. Les cahiers des charges sont de plus en plus contraignants, les modes de consommation changent et notre modèle économique ne répond plus à ces évolutions. Pour l’édition 2025, il nous manquait 4000 tickets vendus pour arriver à l’équilibre », précise Virginie Marion. « Il y a un effet de ciseau entre une augmentation des charges incompressibles dans la sécurité ou la technique par exemple et une diminution de nos recettes ».

Un constat partagé par l’ensemble de la filière des musiques actuelles et matérialisé en chiffres dans le bilan du syndicat (SMA) : en 2025, seuls 52% des festivals ont été complets quand 24% assurent que leur avenir est « incertain ». Près de la moitié des adhérents du SMA affichent un déficit en 2025, avec une moyenne de 108 000 €. 68% des festivals ayant un taux de remplissage supérieur à 90 % sont malgré tout déficitaires, une évolution de 26 points par rapport à 2023. Des difficultés partagées par le festival Rencontres & Racines. Son président, Mathieu Sabarly, était présent à la Rodia ce mercredi 5 novembre, pour cette annonce. « Nous avons fait une édition record en 2025 avec 44 000 festivaliers sur 45 000 max et nous sommes déficitaires ».

Face à un pouvoir d’achat des consommateurs en baisse et une offre de rendez-vous croissante avec des plus petits festivals de proximité et d’autres mastodontes soutenus par des investisseurs privés, les rendez-vous « intermédiaires » comme le Festival de la Paille vivent dans l’incertitude depuis plusieurs années. « On alerte sur ce risque depuis un moment, même si j’ai l’impression qu’au niveau politique ou dans l’esprit du public, voir un rendez-vous comme La Paille disparaître, ce n’était pas possible. Aujourd’hui, c’est la réalité », poursuit Eugénie Burnier.

Une édition de Légende avant « une renaissance »

Derrière ce constat, le Collectif Organisation prépare une édition 2026 « légendaire », sourit Eugénie Burnier. « Elle va être emblématique, nous voulons célébrer ce rendez-vous devenu incontournable pour tout un territoire, pour des générations d’habitants et de festivaliers, pour une station touristique aussi ». Si la programmation ne sera dévoilée qu’au mois de février, la vente de tickets, elle, s’ouvre vendredi 7 novembre à 18h. Le format du festival lui, revient sur deux soirées, les 24 et 25 juillet 2026. « On aura une programmation nationale avec une scène régionale émergente qui est notre marque de fabrique », poursuit la directrice.

« Parmi les évolutions des dernières années, on voit aussi un public plus jeune qui demande des soirées à thème, ce qui va presque à l’encontre de l’ADN de la Paille. À l’origine on a créé cet événement pour mélanger les styles et faire découvrir au plus grand nombre un large panel musical », souligne Aurélien Bouveret, programmateur. Au total, 18 concerts sont annoncés, en plus des animations prévues au camping. « Nous ne sommes pas contre l’évolution mais lucides. Peut-être que notre rendez-vous a plu par le passé et qu’aujourd’hui les gens cherchent autre chose. Notre formule a fonctionné pendant 25 ans, c’est une magnifique expérience », ajoute Virginie Marion. « Je préfère parler « d’aboutissement » avec cette édition 2026 », glisse Eugénie Burnier. Pas d’explosion du budget pour autant, ni de rétrospective ou d’hommage « triste ». L’organisation veut mettre l’accent sur la fête, la fierté d’avoir assuré la pérennité d’un tel rendez-vous pendant 25 ans et l’envie de « remercier tous ceux qui ont œuvré pour cette réussite », continue Aurélien Bouveret.

Contrairement au festival de la Détonation, organisé par la Rodia de Besançon qui a revu sa formule « pour être un peu plus niche » selon son directeur David Demande et assurer sa pérennité, le Festival de la Paille est bel et bien terminé. Le Collectif Organisation en revanche continuera d’exister. « Il y a des idées, mais nous sommes concentrés sur la préparation de cette fin légendaire en 2026. Pour 2027, si le collectif reprend du service et il y a peu de doutes là-dessus, il y aura d’autres formes », ajoute la présidente de l’association.  Le Collectif Organisation promet toutefois une chose : le festival s’arrête mais l’envie de renaître ne fait que commencer.

M.S