Élections législatives 2024 : nouveau Front Populaire à gauche, les députés Macronistes repartent dans le Doubs

Le score historique du Rassemblement National en France (31,5%) comme au niveau départemental (33,66%) lors de ces élections européennes a provoqué la dissolution de l’Assemblée nationale, prononcée par le Président de la République dès l’annonce des résultats. De nouvelles élections législatives françaises sont programmées le 30 juin et 7 juillet. Cette décision plonge la France dans une profonde incertitude.

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Les sondages prédisent depuis des mois une large victoire européenne du Rassemblement National, mené par Jordan Bardella. Personne dans le paysage politique comme médiatique n’a pourtant imaginé qu’un tel score (31,5%) amènerait le Président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale. Si cette élection européenne fut la première depuis 1994 à compter autant de participation (51,48% au niveau national et 54,18% dans le Doubs), un peu plus de la moitié des inscrits se sont déplacés aux urnes, seulement, quand plus d’un tiers d’entre eux ont choisi l’extrême droite. Le timing présidentiel est d’autant plus cinglant : le score du RN est révélé à 20h, Jordan Bardella fête sa victoire à 20h30 en demandant la dissolution de l’Assemblée nationale, le Président l’annonce à 21h. La débâcle est totale pour le gouvernement qui avait fait de cette élection un enjeu crucial dans sa quête de légitimité face à l’extrême droite.

Dans de nombreux bureaux de votes locaux ce dimanche, le dépouillement fut une longue soirée. « J’étais heureux toute la journée, je n’avais jamais vu autant de jeunes se déplacer pour voter. Puis enveloppe après enveloppe, tu te rends compte que dans ton propre village, l’extrême droite dépasse les 40%… », confie un maire du Haut-Doubs, encore abasourdi. « Quelle tristesse ces résultats… quand on voit comme on bosse sur le terrain pour nos administrés. La colère contre ce gouvernement je peux la comprendre, mais l’exprimer en choisissant l’extrême droite, ça non. », confie une autre élue du Grand Besançon. Tous doivent en vitesse avec la Préfecture préparer les prochaines échéances.

À gauche, un nouveau Front Populaire

Jusqu’ici jugée imprenable par l’extrême droite, Besançon n’échappe pas à la vague RN, arrivé en tête avec 19,5% des voix. Comme au niveau national, les élus locaux distribuent d’abord quelques tacles avant de très vite appeler à un Front Populaire commun. « On voulait une liste commune pour éviter cette claque. Chez nous le PS est à 18,8%, nous sommes à 16%, les écologistes à 9,2%, les communistes font 2,3%… Ensemble on tape largement les 45% ! », tente de relativiser Séverine Veziès, en 13e position sur la liste de Manon Aubry (LFI) pour ces élections européennes et candidate aux législatives de 2022 dans la 1ère circonscription. « Maintenant c’est le fascisme qui est à nos portes donc on se remet tous ensemble et on y va ! ». Les figures de chaque parti se sont réunies ce lundi soir avec, fait notable, François Ruffin pour mener les négociations au nom de La France Insoumise. Le député de la Somme reste la figure la plus populaire et acceptée des autres clans, en particulier celui du Parti Socialiste. La tête de liste de l’alliance PS – Place Publique aux européennes Raphaël Glucksmann, est le gagnant à gauche de ces élections en terminant troisième avec 13,83%. Assez selon lui pour s’autoriser à imposer des conditions en direct sur France 2 dans le cadre de ce futur Front Populaire. Seul sur le plateau TV, le candidat apparaît esseulé, loin des vraies négociations qui se jouent dans le même temps entre les représentants des partis LFI, EELV, PCF, PS, Génération.s, GRS et Place Publique.  « J’avais appelé à une armée humanitaire depuis plusieurs semaines. Peut-être qu’avec cet électrochoc, on y est, je l’espère de tout mon cœur », confie Stéphane Ravacley, présent sur la liste de Raphaël Glucksmann.

Localement, si les candidats à gauche seront connus vendredi au plus tard, tout va s’accélérer ce mardi. « On devrait avoir les mêmes têtes qu’en 2022 dans chaque circonscription, de toute façon on n’a pas le temps ! », confie un militant proche des négociations. Avec probablement donc, Séverine Véziès et Stéphane Ravacley pour les circonscriptions bisontines. De son côté, Anne Vignot a d’abord partagé sa déception et colère de voir l’écologie « scandaleusement absente des thèmes de la campagne », tout en remerciant les électeurs de son parti, avant de relayer cette nouvelle coalition à gauche.

L’incertitude dans les circonscriptions

Pour  la majorité présidentielle, les deux députés bisontins ont aussi annoncé leur candidature immédiatement après l’annonce d’une dissolution, tout en restant surpris de ce choix. En 2022, la victoire de Laurent Croizier dans la 1èrecirconscription s’était jouée à 1 267 voix (sur près de 37 000 exprimées) avec 51,6% d’abstention au second tour. Celle d’Éric Alauzet dans la 2nd à 1661 voix (sur 40 000 exprimées) avec 48% d’abstention. Les élus ont pu compter sur une mobilisation générale contre « l’extrême gauche ». Cette fois le contexte a changé, le réel danger au niveau national est désormais l’extrême droite et la stratégie du rempart républicain dressé par Emmanuel Macron contre le RN, a volé en éclat. « Je ne crois pas qu’il y ait 40% de français avec les idées du RN, mais certainement 40% qui attendent beaucoup plus de la part du monde politique. » a commenté Laurent Croizier au micro de Plein Air radio.

Le RN veut diriger « l’union des droites »

Les élus régionaux du RN comptent bien surfer pendant trois semaines sur cette victoire pour récupérer d’autres sièges dans l’hémicycle, en comptant notamment sur ceux du Doubs. La 3e circonscription est sûrement celle où le ballotage reste le plus indécis. Nicolas Pacquot, l’élu Renaissance s’est tout juste imposé de 451 voix (sur 29 762) en 2022, face à Nathalie Fritsch. Cette fois, ce sera vraisemblablement contre Jacques Ricciardetti pour le RN. À l’inverse, si le coup de poker d’Emmanuel Macron fonctionne pour retrouver une majorité absolue (289 sièges) à l’Assemblée nationale, le sursaut républicain pourrait permettre à Frédéric Barbier, s’il se représente dans la 4ecirconscription, de reprendre le poste à Géraldine Grangier (la candidate RN s’était imposée de 515 voix sur 28222 exprimées en 2022, ndlr). Pour asseoir sa légitimité, le parti de Marine Le Pen a dès lundi rencontré sa nièce Marion Maréchal, candidate de la liste Reconquête ! aux européennes (5,47%) mais également échangé avec des élus Les Républicains pour tenter de rassembler et d’incarner « l’union des droites ». Peu d’élus locaux encartés LR ne semblent ou ne veulent pas y croire. La campagne européenne et les récents débats à l’AN autour du projet de loi sur la fin de vie ont montré de nombreux points de convergence entre les deux camps. Au niveau national, les élus Républicains ont toutefois été beaucoup plus rapides et clairs concernant le refus d’une alliance avec les macronistes. L’entente avec l’extrême droite pourrait bien se faire… officieusement et au cas par cas suivant les circonscriptions. Le Haut-Doubs ne sera pas épargné même si toutefois, la 5e circonscription apparaît comme l’une des moins concernées par un retournement de situation. Annie Genevard devrait repartir mais contre qui ?

M.S