
C’est une histoire que les habitants de la Ferrière-Sous-Jougne ne connaissaient pas, mais voilà qu’un groupe d’élèves de Première bac pro cuisine et services au lycée professionnel Toussaint Louverture de Pontarlier a réussi à la déterrer. Ce n’était pourtant pas gagné. Tout est parti d’un projet inter-académique en Bourgogne-Franche-Comté, les « Routes des mémoires ». Les établissements inscrits devaient réaliser un panneau numérique ainsi qu’un podcast soit sur les Tirailleurs, les Tsiganes ou les Justes parmi les Nations. « On voit qu’un couple a sauvé des enfants juifs en 1944 à la Ferrière-Sous-Jougne. On s’est dit que ça pouvait être intéressant puisque c’est au niveau local », se rappelle Assiba Hamadi, professeure de Lettres et d’Histoire au lycée Toussaint Louverture, encadrante du projet, avec sa collègue Valérie Liger, documentaliste au lycée.
Ce couple, c’est Charles et Lilian Schneider, originaire d’une grande famille d’industriels dans le Creusot. Ensemble, ils ont sauvé quatre enfants juifs, quatre frères, et ont été nommés “Justes parmi les Nations” en 2019. Démarrent alors les recherches qui se heurtent à des premières difficultés : aucune information n’est trouvable dans les archives de Pontarlier, du Département du Doubs ou de Saône-et-Loire. De fil en aiguille, les 29 élèves entrent en contact avec Daniel Pinard, membre de l’association “Culture et loisirs de Jougne” qui a pu partager ses connaissances sur le village pendant la Seconde Guerre mondiale. Grâce à lui, les élèves ont pu se rendre sur place et rencontrer des habitants.
« La fratrie passait tous les matins devant les Allemands »
En démarchant, en appelant, les lycéens réussissent à obtenir le mail de Dominique Schneider, fille du couple. « Elle a mis un temps fou à nous répondre mais elle a fini par le faire. Elle était toute contente. Elle n’avait que 2 ans en 1944 mais elle se souvient ce que ses parents lui racontaient. Une visio a pu être organisée. C’était un moment très émouvant. Elle nous confie être encore en contact avec Joseph Tuchband, un des enfants sauvés. Alors, elle nous a donné son mail », sourit Assiba Hamadi.
Joseph Tuchband est le plus jeune de la fratrie. À 85 ans, il habite désormais en Normandie. « Il était prêt à faire le voyage pour rencontrer les élèves. On a là aussi fait une visio et c’était encore douloureux pour lui. À 4-5 ans, il a été transporté par Charles Schneider de Paris à la Ferrière-Sous-Jougne d’une seule traite, enroulé dans une couverture dans le coffre de la voiture. Il a été caché avec ses frères dans un orphelinat. La fratrie passait tous les matins devant les Allemands. Même s’il a 85 ans aujourd’hui, il connaît encore toutes ses prières », confie Assiba Hamadi.
Un projet repéré par l’académie
Le podcast devait durer 4 min. « On est passé du doute, des zones d’ombres à finalement avoir trop d’éléments pour le podcast. On a pu dépasser les 4 minutes », sourit Valérie Liger. Le projet a été repéré par la rectrice de l’académie BFC qui a invité les élèves lors de la signature d’une convention entre l’académie de Besançon et le Comité français pour Yad Vashem ce lundi 26 mai 2025 au Rectorat de Besançon. « Nous sommes émus et fiers d’avoir accompli ce travail de mémoire. C’est important de ne pas oublier. On a encore du mal à réaliser, on est peut-être encore trop jeunes pour comprendre. Mais c’est un projet qui va rester au fond de nous, qui va ressurgir. On ne peut pas l’oublier », témoignent Paul et Chloé, élèves ayant participé au projet.
« Ça a été épuisant mais enthousiasmant. Les élèves ont été touchés par ces “Justes”. Ils ont été surpris de voir qu’ils ont risqué leur vie, alors que rien ne les y obligeait. Ils ont désobéi par humanité. On ne veut pas en rester là et souhaiterait amener les élèves à Paris pour découvrir le mur des Justes et le mémorial de la Shoah. Monsieur Tuchband aimerait nous y retrouver pour rencontrer les élèves », témoignent les deux encadrantes.
Le projet « Routes des mémoires » associe les académies de Dijon et de Besançon. Cette carte mémorielle se décline en panneaux informatifs et podcasts sur une quarantaine de lieux répartis sur trois routes : les Justes parmi les Nations, les Tirailleurs et les Tsiganes. Initié dans le cadre du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations (2023-2026), ce projet vise à faire découvrir des lieux mémoriels locaux et à retracer des événements marquants de la Seconde Guerre mondiale. Cette carte a vocation à être mise à la disposition des établissements et du public. Les travaux sont accessibles depuis le 15 juin.
Retrouvez les travaux du lycée professionnel Toussaint Louverture : https://webdiff.region-academique-bourgogne-franche-comte.fr/2025/05/07/les-justes-parmi-les-nations-de-ferriere-sous-jougne/