« Les anciens ont toujours dit que le Doubs gelé entre Villers-le-Lac et le Saut du Doubs formait la plus grande patinoire d’Europe, ce n’est peut-être pas exact, mais la plus belle certainement. Le petit lac de Chaillexon, le Pré du Lac et les Bassins du Doubs forment une patinoire somptueuse encaissée dans un défilé de falaises d’une hauteur de 50 m » souligne Yves Droz, passionné d’histoire locale, qui sur le sujet a mené des recherches et puise également dans ses souvenirs d’enfant.

Il y a un plus d’un siècle déjà, le site pris dans les glaces attirait des milliers d’amateurs de glisse. Toute une population d’enfants, de parents, de grands-parents qui tirent les luges ou glissent plus ou moins vite sur leurs patins, profitant également de toute l’animation avec les marchands de marrons chauds, de saucisses de veau grillées, de crêpes, de gaufres de thé à la cannelle ou de vin chaud. On y a aussi vu par le passé des calèches tirées par des chevaux puis des automobiles. « Certains jeunes s’entraînent au hockey sur glace, mais dans mon jeune âge, il y avait même des matches organisés côté suisse » se souvient-il. Dans les années cinquante, la classe 1954 de Villers-le-Lac avait fait venir de Paris les champions français dont Alain Calmat, preuve de la qualité du site et de son attractivité.

Accès désormais interdit côté France

« Mais cette grande messe populaire a aussi ses codes, ses interdits et gare à celui ou ceux qui ne les respectent pas » poursuit Yves Droz. Il a ainsi toujours été conseillé de patiner aux endroits où il y a déjà des traces, de ne pas s’approcher d’édifice dans l’eau comme les piles du pont, les bateaux ou barques restés dans l’eau, de s’éloigner des sources chaudes…Ces simples recommandations peuvent sauver des vies. Malheureusement elles ne suffisent pas. Plusieurs accidents mortels ont eu lieu dont celui en 1903 de trois adolescents de la commune âgés de 15, 17 et 18 ans.

Aujourd’hui, le Doubs devenu patinoire par grand froid montre que les mentalités ne sont pas les mêmes sur les deux rives quant à l’appréhension du risque. Aux Brenets côté Suisse, l’accès est autorisé et tout se passe comme autrefois. Côté France, la mairie de Villers-le-Lac a pris un arrêté interdisant l’accès au Doubs quand celui-ci est gelé. Mais quoiqu’il en soit, même depuis la terre ferme, le spectacle des eaux figées est à lui seul un moment agréable.