Invitée de la semaine. Eugénie Burnier, directrice du Festival de La Paille

Les festivals indépendants connaissent une conjoncture économique complexe. Celui de La Paille à Métabief ne fait pas exception. Une belle édition 2025 partagée par près de 20 000 festivaliers qui se solde néanmoins par le manque de 4000 billets payants. L'heure est au renouvellement de cet événement bien ancré dans le territoire.

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Eugénie Burnier, directrice du Festival de La Paille
©Louis Colmagne

Avec le recul, quel est le bilan que vous pouvez faire de cette dernière édition ?

On a une réalité économique qui fait dresser un bilan plutôt préoccupant pour nous mais en parallèle on a passé une super belle édition, Outre le fait qu’on n’a pas atteint la fréquentation payante qu’on aurait souhaitée (4000 billets manquants, ndlr). On avait des spectateurs et festivaliers qui étaient heureux, des artistes très contents de leur expérience. Les équipes se sont senties bien. C’est ça qui est un peu contrastant et déroutant parce que ce n’est pas comme si on avait vécu une édition particulièrement compliquée qui nous aurait fait pressentir que ça allait l’être d’autant plus après. On est encore en train de tirer le bilan. On est heureux du moment qu’on a pu passer avec le public. Ça ne suffit plus à maintenir une activité avec le même modèle économique car la conjoncture ne permet plus à des festivals indépendants de faire face économiquement à des exigences qu’a le secteur aujourd’hui.

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Quelles sont ces exigences ?

Il y a une augmentation des coûts et une stagnation voire une baisse des entrées. La configuration d’un festival comme La Paille repose à 80% sur de la recette propre (les ventes, les achats) donc forcément sur la fréquentation. Il y a plein de facteurs qui expliquent pourquoi les fréquentations diffèrent. Les paniers moyens des personnes sont réduits et les gens ne peuvent pas se permettre de faire plusieurs festivals dans un même été. Il y a un accroissement concurrentiel avec des marchés privés. On n’a pas les capacités en face de pouvoir répondre économiquement, on est à but non lucratif. Il y a beaucoup plus de concerts qui se font sur des Zéniths, sur des grands groupes, modèles et shows. Le festival de manière générale, pas que La Paille, est là pour aussi être dans de la découverte, de faire valoir l’émergence donc de tenter des prises de risque artistique et forcément une programmation qui nécessite d’avoir des noms. Si on rentre dans ces modèles, on a des artistes qui sont des grands noms mais ça va en défaveur des artistes émergents donc on perd un peu le sens de ce qu’on fait. C’est vraiment une équation complexe. C’est une responsabilité qui va au-delà, pour moi c’est la question, qu’on peut poser sur la table, des coûts artistiques, de sécurité, des prestataires qui ont des coûts exponentiels sans raison. Les coûts artistiques ont pris 30% entre 2023 et 2024. 

4000 billets manquants, ça représente combien d’euros en moins ?

Le déficit ne peut pas être chiffré car on est encore dans les fins de contractualisation et de facturation donc on ne va pas s’avancer sur des données qu’on ne peut pas fiabiliser. Après, pour donner un ordre d’idée sur le montant que ça peut représenter pour ces 4000 billets, on est autour de 140 000 à 150 000€. Ça va dépendre de la typologie du billet, mais 4000 billets ont un impact très rapide sur ce qu’on met en face car ce sont aussi 4000 personnes qui ne vont pas consommer sur le site (aller au bar, au restaurant, s’acheter un pull etc). C’est un tout.

Est-ce que c’est la fin de La Paille ?

On n’a pas le souhait que La Paille s’arrête, on y tient et on y croit et on a des raisons d’y croire. On a quand même eu 20 000 personnes. Maintenant, ce ne sera pas La Paille que les personnes ont vécu ces 5, 10 dernières années. Ce ne sera pas forcément la même programmation, le même nombre de scènes, de stands. L’enjeu est d’arriver à se poser collectivement la question. On est 40 à l’année sur ce projet. On a un cabinet qui nous accompagne sur tout l’automne pour arriver à dessiner ce nouveau projet. Je ne pense pas qu’il y ait d’autres festivals indépendants qui puissent se targuer d’être certains de se reproduire d’année en année. Leur insécurité est réelle.

Peut-on imaginer moins de jours, un changement de date, un étalement sur plusieurs jours le long de l’année…

Ça peut faire partie des axes. Ça peut être la temporalité, la durée, la forme, les pratiques artistiques présentées, le type de public. Ça va de l’idée la plus pragmatique à des idées beaucoup plus différentes, en sachant qu’on est très attaché d’être à Métabief, au pied de la station. La question est de dire “Qu’est-ce qui fait que La Paille et La Paille ?”, selon nous, les festivaliers, les partenaires. Une fois qu’on détient l’essence de La Paille, on peut la rediffuser de plein d’autres façons. Je pense que les festivaliers nous suivront dans ces changements tant qu’on respecte ces valeurs. Le Festival de La Paille vivra.