Invité de la semaine. Jean Chapuis, délégué de l’ASPAS du Doubs

Représentant dans le Doubs de l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), reconnue d'utilité publique, il émet des réserves sur la destruction par la chasse de certains mammifères et dénonce activement les abattages de certaines espèces dont le chamois.

43
Jean Chapuis, délégué de l’ASPAS du Doubs

Les chasseurs sont-ils vos ennemis ?

Ennemis est un mot sans doute un peu fort… disons que selon notre association, ils font la guerre à la nature et au monde sauvage. Leur loisir, puisqu’il est défini comme tel, interpelle forcément les naturalistes, alors qu’aujourd’hui tout le monde parle défense de l’environnement et de la biodiversité : c’est donc contradictoire de voir une partie de la population la détruire.


La chasse n’est, selon vous, pas légitime ?

Les chasseurs se définissent comme des vigies de la nature ou même les premiers défenseurs de la nature. C’est de la communication. L’idéologie de ces personnes, 1,5% de la population, consiste à tuer certaines espèces pour le loisir. Ils ont un poids politique qui semble les protéger et un lobbying très efficace. Même leurs actions très médiatisées sont discutables : planter des haies d’accord, mais pour faire s’y réfugier des espèces qu’ils vont tuer à l’automne ? Ou encore sauver des faons en période de fauche grâce à des drones c’est très bien, mais ils vont ensuite abattre des milliers de chevreuils quelques mois plus tard…

Quelles espèces vous semblent menacées par la chasse ?

L’ASPAS souhaite protéger les chamois du Doubs, qui sont l’exemple d’un mammifère emblématique que nous devrions tous aimer et non détruire : on peut estimer la population actuelle à 1500 mammifères. La baisse des effectifs est de 50 % sur les 5 dernières années, 2500 chamois ayant été abattus sur la même période. La Préfecture et la Direction Départementale des Territoires proposaient l’an dernier la destruction de 594 chamois, la Fédération de Chasse avait défini un plan d’abattage de 478 chamois et 366 ont été effectivement abattus, dont la moitié de jeunes chamois ! Pour la saison de chasse à venir 2025/2026, la proposition de départ est de 451 chamois au maximum à abattre.

Ces chiffres baissent, c’est finalement une bonne nouvelle ?

Au contraire, c’est la preuve de la régression de l’espèce et qu’il faut rapidement adopter un moratoire de trois années sans le moindre abattage de chamois : ces mammifères ont un taux de croissance de 15% par an, ce qui correspond à peu près au taux de prélèvement naturel du lynx , donc mathématiquement il n’y a pas besoin de régulation par l’Homme : la chasse ne fait finalement que faire disparaitre peu à peu une espèce qui devrait être stable ou se développer pour notre plus grand bonheur à tous.

La régulation des espèces n’est donc pas un argument en faveur de la chasse ?

Les chiffres le prouvent. La nature avec ses différentes espèces est tout à fait capable de se réguler seule et trouver son équilibre. Par exemple avec le lynx qui prélève des chamois. Mais comme il vient en concurrence des chasseurs, certains ont même demandé la régulation de ce prédateur naturel et légitime dans les écosystèmes du Doubs, et donc d’abattre des lynx. Tout le monde devrait être fier d’avoir un tel animal sur notre territoire, de même que des chamois !

D’autres espèces comme le sanglier causent des dégâts…

Il faut avoir une réflexion à l’échelle globale des écosystèmes. Dans la nature, le sanglier est la proie du loup. Or si on prélève les sangliers, le loup se tourne vers des proies domestiques plus facilement accessibles … et du coup les humains décrètent qu’il faut aussi abattre le loup ! Laissons faire la nature, elle sait trouver son équilibre.

Que propose l’ASPAS pour la sauvegarde de la biodiversité ?

Nous avons inventé le concept de Havres de Vie Sauvage. Il en existe déjà dans plusieurs départements. Sur des terrains de quelques dizaines d’hectares, des propriétaires interdisent un certain nombre de pratiques qui nuisent à la tranquillité animale et végétale. Des suivis écologiques sont mis en place pour voir l’évolution de la biodiversité et des écosystèmes, et il est possible d’y organiser des visites pédagogiques.

Quels sont vos moyens d’action ?

Informer avec nos propres outils de communication, alerter la presse et parfois manifester comme l’an dernier pour faire connaitre notre mécontentement devant la Préfecture. D’ailleurs, tout le monde peut le faire, virtuellement, puisqu’il est possible pour tout citoyen de donner son avis sur le nouveau plan de chasse du chamois qui vient de sortir en allant sur le site doubs.gouv.fr dans la rubrique Participation du Public aux décisions en matière d’environnement. C’est une façon de militer, de résister, et surtout de protéger notre biodiversité et nos écosystèmes !

Le 25 juillet, le tribunal administratif de Besançon a annulé a posteriori les arrêtés fixant le nombre de chevreuils, chamois et cerfs pouvant être tués lors de la saison de chasse 2023-2024 dans le Doubs.

Elle obligera l’État à être plus transparent quant aux éléments dont il dispose, ou non, pour justifier tel ou tel quota de prélèvements du grand gibier par les chasseurs. À l’avenir, nous espérons surtout contraindre les préfets à prendre en compte la présence des loups et des lynx, prédateurs naturels des grands ongulés sauvages.

L’ASPAS du Doubs aura un stand au Festival photo De Maiche avec la Nature, les 5 , 6 et 7 septembre 2025.

Contact: delegation25@aspas-nature.org