La France est-elle en manque de vétérinaires ?
Je suis d’origine belge et je me suis installé en France en 1984 alors que c’était déjà le cas, il n’y avait pas assez de vétérinaires ici pour répondre à la demande. Ce qu’on constate c’est une aggravation de la situation alors que depuis quelques années nous tirons la sonnette d’alarme pour que les autorités réagissent au plus haut niveau. Des actions ont également été menées par l’ordre des Vétérinaires auprès des présidents de conseils départementaux.
Comment expliquez-vous cette dégradation ?
L’accès aux études est un premier problème récurrent. Le nombre d’étudiants admis sur concours dans les écoles vétérinaires est trop bas. On assiste donc à l’installation en France de professionnels diplômés dans d’autres pays. Ils sont aujourd’hui la moitié en exercice à avoir obtenu leur diplôme ailleurs. Nous n’avions dans le pays jusqu’à récemment que 4 écoles capables de former des vétérinaires à Maison Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse. L’ouverture d’un 5ème établissement vient enfin d’avoir lieu à Rennes.
La demande en soins vétérinaires a augmenté à ce point ?
C’est le cas et l’offre de soins n’a pas suivi la même évolution. Les courbes se sont croisées. Nous sommes environ 20 000 en France. Si la demande de la clientèle augmente de 1%, il faut mettre les mêmes moyens en face c’est-à-dire 1% de vétérinaires donc 200 personnes. À chaque fois, il faudrait ouvrir une nouvelle école pour faire face. Par exemple, pendant la crise sanitaire du Covid, la demande de soins vétérinaires a augmenté de 3% et depuis, on est à un point supplémentaire chaque année… La clientèle est aussi plus exigeante et les vétérinaires doivent acquérir plus de compétences le matériel nécessaire.
Tout le territoire est-il touché ?
Le problème est plus inquiétant en milieu rural. C’est un véritable enjeu pour les années à venir, car les conséquences vont bien au-delà de la situation de notre profession.
Peut-on parler de déserts vétérinaires comme on parle de déserts médicaux ?
La situation est encore plus grave. Pour attirer des médecins, les pouvoirs publics font des efforts pour être attractifs en mettant à disposition des logements et des locaux. Mais quand un vétérinaire veut s’installer dans nos campagnes, c’est un vrai hôpital qu’il doit mettre en place avec laboratoire, matériel de chirurgie, pharmacie… donc c’est quasiment impossible de le faire seul tant les moyens nécessaires sont importants. Je ne parle même pas de la capacité de travail ensuite pour faire face aux besoins locaux.
Vous aimeriez plus d’aides financières ?
Ce qu’il faut avant tout c’est de ne pas laisser fermer un cabinet vétérinaire existant, favoriser la transmission autant que possible car une fois fermé pendant quelques années, une réouverture est presque impossible pour les raisons évoquées. Il faut vraiment comprendre que l’absence de vétérinaire porte préjudice à la vie agricole locale car nous délivrons des soins bien sûr mais aussi des certifications sanitaires. Donc comment fera-t-on quand le premier professionnel sera à des dizaines de kilomètres ?
Un diagnostic a été fait. Que préconise-t-il ?
Ce document répondait à une demande du Ministère de l’Agriculture. Il est question d’améliorer l’accueil des jeunes dans les territoires, de les attirer en montrant les avantages du milieu rural, l’intérêt de la pratique dans les campagnes et en les accueillant plus facilement pour des stages Les questions des conjoints et du logement ont également été mises en avant et enfin, éviter les fermetures est essentiel et pour cela, il faut pouvoir trouver des associés à celles et ceux qui en ont besoin.